Guerre en Ukraine : quelles conséquences pour l'automobile ?
L'offensive déclenchée par Vladimir Poutine risque d'avoir un impact sur l'industrie automobile et pétrolière française. Et même si le groupe Renault et Total sont plus exposés que réellement menacés, le retentissement de la guerre en Ukraine pourrait avoir de conséquences jusque sur le pouvoir d'achat des particuliers.
Depuis hier matin à quatre heures, les états-majors gouvernementaux et les organisations mondiales sont mobilisés. Mais plusieurs grandes entreprises le sont aussi. Et si les cellules de crise se multiplient au sommet des États, à Paris, Bruxelles, Berlin ou Washington, des réunions d'urgence ont également été programmées à la direction des grands groupes privés. Leur but ? Tenter dans un premier temps de mesurer l'impact de l'invasion de l'Ukraine ordonnée par Vladimir Poutine à la lecture des sanctions déjà prononcées, ou qui devraient l'être plus tard, contre la Russie par la France, l'Allemagne, l'Union Européenne et les États-Unis.
La Russie ? 6 % du chiffre d'affaires de Renault
Des sanctions qui, pour le moment, touchent les avoirs privés, mais aussi quelques échanges financiers. "70 % des banques russes auront beaucoup de mal à emprunter sur les marchés internationaux", affirmait Ursula von der Leyen, la présidente de la commission européenne au sortir de la réunion nocturne qui s'est tenue hier soir à Bruxelles. Cette sanction est bien évidemment destinée à assécher une économie russe déjà mal en point. Et un marché encore plus appauvri que ce qu'il n'est (les ventes de voitures sont en baisse régulière depuis 2019) ne risque pas de produire des volumes florissants. C'est ce que doit se répéter Luca De Meo depuis hier. Car le patron de Renault a constaté dès son arrivée que le groupe a beaucoup misé sur la Russie.
En rachetant Avtovaz, l'entreprise qui produit les Lada en 2008, le losange est, de fait, le premier constructeur russe. Et non seulement, la filiale russe a engrangé 2,9 milliards de dollars de chiffre d'affaires l'an passé (soit 6 % de celui de l'ensemble du groupe Renault), mais elle a dégagé une marge opérationnelle de 247 millions. Un chiffre loin d'être négligeable au moment même ou l'ex-régie est en convalescence, même si elle a enregistré l'an passé un bénéfice de 967 millions d'euros.
En plus, Lada n'est pas la seule marque russe du groupe. Les Dacia y sont également vendues sous le logo Renault. Autant d'incertitudes à venir, au cas où Vladimir Poutine décide lui aussi de sanctionner l'Occident en remettant en cause les importations d'une part, mais aussi en gelant les avoirs étrangers en Russie d'autre part, comme l'Occident l'a fait avec les siens. Une supposition que les marchés financiers ont déjà anticipée en faisant dévisser Renault en bourse depuis le début de la semaine.
Du côté de Stellantis, on est plus serein. L'ancien groupe PSA a toujours été sous représenté en Russie et on le lui a d'ailleurs beaucoup reproché. Carlos Tavares en a pris conscience lors du rachat d'Opel en 2017. Il a alors confié une mission à la marque allemande : envahir (pacifiquement) la Russie. Elle l'a entrepris en 2019, mais ses résultats en ex-union soviétique sont encore balbutiants. Au pire, la marque de Rüsselsheim risque donc d'amasser un faible manque à gagner dans l'imbroglio russe.
En revanche, Stellantis a investi à Kalouga, à 200 km de Moscou, dans une usine destinée à arroser toute l'Europe en utilitaires. Des Citroën Jumpy, Peugeot Expert et Opel Vivaro y sont assemblés. Autant dire que si Poutine entend jouer les jusqu'au boutiste avec les entreprises étrangères, la nouvelle usine pourrait se retrouver à l'arrêt et les délais de livraison de ces camionnettes devraient s'allonger en Europe. D'autant que l'usine italienne qui les fabrique aussi, est saturée par la demande.
Si Renault, et Stellantis dans une moindre mesure, risquent d'être impactés par la crise ukrainienne, il est un autre acteur qui participe à cette industrie qui risque de l'être autant, voir plus. Le groupe TotalEnergie est très présent là-bas et ce depuis 1991. Avec des coentreprises russes dans le domaine gazier et des exploitations de gisements de pétrole, le géant français a tout à perdre dans ce conflit. Car la Russie est la première implantation mondiale du groupe pour le pétrole et le gaz et représente 17 % de ses extractions.
Total et la Russie : des relations qui pourraient se compliquer
La présence de Total en Russie, passe donc en mode "compliquée", malgré l'optimisme affiché par son P.-D.G. Patrick Pouyanné. Elle pourrait se compliquer plus encore si Poutine décidait, ce qu'il a déjà fait en d'autres temps, de nationaliser des pans de son industrie, ou de les confier à quelques oligarques de ses amis. Quant aux pièces destinées au travail d'extraction du groupe qu'il importe d'Europe, c'en est déjà fini. Ursula Van der Leyen l'a confirmé : "L'union n'exportera plus vers la Russie de technologies de raffinage pour l'industrie pétrolière." Une mesure qui n'est pas destinée à embêter Total, mais à empêcher, ou du moins à limiter, l'approvisionnement en carburant destiné aux chars russes qui foncent sur Kiev.
Pétroliers, constructeurs (et équipementiers) sont donc des victimes collatérales de la guerre en Ukraine. Pour autant, il serait illusoire de penser que les dégâts ne toucheront que les dividendes des actionnaires de ces entreprises. Le prix du carburant devrait continuer à exploser, les délais de livraison de certains modèles devraient continuer à s'allonger à des tarifs qui devraient continuer à augmenter. Dans toute guerre, les civils sont aussi des victimes.
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