Quand Porsche travaille pour les autres…
De la Lada Samara à la Renault Clio V6 en passant par la Seat Ibiza, elles sont nombreuses à avoir bénéficié de l’expertise de Porsche. Car la marque de Zuffenhausen ne réfléchit pas que pour elle-même.
Porsche, c’est un constructeur d’automobiles, c’est aussi et d’abord un bureau d’études travaillant pour qui le souhaite. Moyennant finances, naturellement. Fondé en 1931 et situé à Weissach, il précède même par son existence l’activité de fabrication de voitures, qui n'a débuté qu'en 1947.
Ils sont nombreux à avoir fait appel à ce bureau d’études, à qui l’on doit la Volkswagen initiale, la Wanderer W22, les Flèches d’Argent d’Auto Union, la suspension à barres de torsion de la Citroën Traction, avant la guerre, ou encore le peu réussi char Tigre durant les hostilités. Une fois la paix revenue, le bureau d’études a travaillé avec bien des marques, Studebaker par exemple, aussi… Volkswagen.
Quelle surprise ! Ainsi, Porsche a conçu un prototype destiné à remplacer à la Coccinelle, codé EA266. Original avec son moteur flat-four placé en position centrale arrière, il s’est aussi révélé bruyant, difficile à mettre au point et aurait débouché sur une voiture compliquée, donc coûteuse à produire. La Golf, inspirée techniquement de la Fiat 128, lui a été préférée.
De l’autre côté du rideau de fer, VAZ (plus connu chez nous sous l’appellation Lada) a également recouru aux ingénieurs de Porsche. D’abord pour la mise au point de la Niva, dont on n’imagine pas à quel point elle était en avance sur son temps lors de sa sortie en 1976. Petit 4x4 permanent à structure monocoque et suspension à ressorts hélicoïdaux, elle réalise des prouesses en tout-terrain et préserve un certain confort, grâce à son habitacle remarquablement bien chauffé. Porsche est intervenu pour peaufiner le moteur d’origine Fiat, perfectionner la transmission et fignoler les suspensions. La Niva sera un succès commercial.
A tel point que la collaboration entre Porsche et le constructeur russe a continué. Le bureau d’étude allemand a proposé en 1976 une variante très modernisée de la 2101, Fiat 124 adaptée au réseau routier de l’Union Soviétique. La VAZ-Porsche 2103 s’équipe de boucliers, d’un habitacle bien plus luxueux et de suspensions révisées, mais elle ne sera pas produite, même si elle a certainement influencé des productions ultérieures, comme la 2105.
Toutefois, la collaboration la plus intense reste à venir. C’est celle qui donnera naissance en 1986 à la Samara. Cette fois, Porsche s’investit beaucoup plus, finalisant la conception du moteur et des trains roulants, les prototypes étant longuement testés à Weissach. Bien conçue mais très mal réalisée, la Samara connaîtra néanmoins un grand succès.
A la même période, chez Peugeot, on a oublié son différend avec Porsche qui a poussé le français à empêcher l’allemand d’appeler sa sportive 901 en 1963. On fait appel au bureau d’étude germanique pour mettre au point le moteur sa berline sportive, la 505 Turbo. Reprenant un bloc étudié par Georges Martin, le père du V12 Matra, le 4-cylindres de la Chrysler 180, les ingénieurs de Peugeot et de Porsche s’entendent pour lui greffer un turbo Garrett T3. Ainsi suralimenté, ce 2,2 l produit 150 ch dans la 505 Turbo, lancée en 1983 mais pâtit d’une consommation colossale. Un échangeur corrigera partiellement ce défaut.
Bien des années plus tard, Peugeot collaborera encore avec Porsche pour son V6 ES9. Plus précisément son évolution de 2000, proposée sur les 607 et Citroën C5. Le bureau d’études allemand a, semble-t-il, étudié l’installation de déphaseurs sur les arbres à cames d’admission. Résultat, la puissance passe de 194 ch à 210 ch, alors que la consommation baisse. En théorie. En pratique, les différences ne sont pas très marquées, certains préférant même la variante 194 ch, plus démonstrative.
Porsche travaillera à nouveau sur ce V6, mais pour le compte de Renault cette fois. En effet, c’est au blason de Weissach que l’on doit l’évolution à 255 ch de ce bloc, un fois monté dans la Clio V6 phase 2.
Revenons en 1984, mais dirigeons-nous en Espagne. Porsche est largement mis à contribution par Seat pour développer le moteur de son Ibiza, qui affiche fièrement « System Porsche » sous son capot (sur ses flancs aussi, mais Porsche demandera le retrait de ces mentions). En fait, on a conservé des cotes proches de celles des moteurs Fiat précédemment utilisés, que Seat n’avait plus le droit d’utiliser (à l’exception du vieux 903 et diesel 1 714 cm3), afin de pouvoir utiliser l’outillage déjà existant. Une belle source d’économies ! Ces moteurs, réussis, ont été abandonnés à l’arrêt de la Seat Ibiza I, en 1993, au profit de blocs VW, propriétaire de la marque, dans un souci de rationalisation.
Dans les années 80, c’est Mercedes qui fait appel à un Porsche vacillant, pour développer une réplique valable à la BMW M5. Cela donne la 500E, dont le consultant mettra surtout au point les trains roulants. Problème, très élargis, ceux-ci imposent de redessiner les ailes, de sorte que la berline de sport ne passe pas sur ses chaînes de montage.
Qu’à cela ne tienne, là encore Porsche arrive à la rescousse et fabriquera la 500E dans son usine. La belle sort en 1989 et convainc par son immense homogénéité. Accessoirement, elle permet au cheval cabré allemand d’occuper son usine, car ses ventes sont en chute libre…
Est-ce aussi pour cette raison que Porsche a été appelé pour l’Audi RS2 ? Toujours est-il que celle-ci est largement son œuvre. Partant d’une S2, Weissach a boosté la puissance de son 5-cylindres turbo à 315 ch, considérablement amélioré les trains roulants, jusqu’à monter des jantes de 911, et assuré le montage dans son usine de Zuffenhausen.
Bien des éléments rappellent l’implication de Porsche, comme les rétroviseurs ou encore les étriers de freins qui portent son lettrage. 2 891 RS2 seront produites de 1993 à 1995 avant d’entrer dans la légende.
Moins légendaire certes, mais bien plus populaire, l’Opel Zafira est aussi une œuvre de Porsche. Opel a fourni la plateforme, les moteurs et le design, charge à Weissach de donner forme à tout ceci. Ainsi, Porsche a conçu toute la superstructure mais aussi le fameux système Flex 7, où les sièges se rabattent dans le plancher. Une innovation qui a permis au Zafira de se distinguer de la concurrence et de renforcer son succès.
Porsche a aussi aidé des marques telles que Studebaker, Harley-Davidson ou encore Scania. On doit aussi à ce bureau d’études la curieuse C88, une berline low-cost commanditée par le Gouvernement chinois. Réalisé en 1994, le prototype n’aura pas de suite, l’Empire du Milieu ayant renoncé à son projet. Plus récemment, Porsche Engineering a conçu le moteur de l'énorme limousine Aurus Kortezh du Président Poutine...
Quoi qu'il en soit, certains vont considérer la Lada Samara ou l'Opel Zafira différemment... Ou pas.
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