Fabrication
Comme évoqué plus haut, les monoplaces Renault sont fabriquées en interne à 90%. Chaque année, ce sont 8 châssis qui sortent d’Enstone, chacun demandant 35 jours de fabrication. En juillet, soit 10 mois après les premiers dessins, la fabrication des pièces est bien avancée. Chronologiquement, ce sont les pièces aérodynamiques qui sont fabriquées en dernier, histoire de laisser un maximum de temps d’étude en soufflerie pour les ingénieurs aéro. Ceci explique pourquoi les présentations officielles ne montrent jamais les spécifications aéro qui apparaitront lors du premier GP.
Une F1 actuelle est composée à 80% de carbone, la première étape consiste donc à réaliser des moules qui permettront de fabriquer ces pièces. Ces derniers sont réalisés en carbone car lors de la cuisson dans les fours autoclave, la réaction à la chaleur doit être similaire entre les 2 éléments. Pour réaliser ce moule, la forme de la pièce est d’abord taillée dans un bloc de résine spéciale (le bloc bleu sur la photo), très dense. Ensuite, on recouvre ce master de fibres de carbone pour obtenir finalement le moule qui servira à la fabrication des pièces.
Ensuite, lorsque la fibre est totalement appliquée dans le moule, l'ensemble est placé dans un emballage silicone. Le vide est alors réalisé dans ce sac qui est ensuite "mis au four". Avec le tressage des fibres et son application, c’est la durée de cuisson dans les fours autoclave qui détermine les propriétés (résistance, torsion …) de la pièce.
Le châssis (la cellule centrale qui accueille le pilote en fait) est la pièce la plus longue à fabriquer. 50 personnes de la section Composites travaillent 15 à 20 jours pour sortir une seule coque. C’est un nid d’abeille en aluminium pris en sandwich entre 2 couches de carbone qui est utilisé pour fabriquer cette pièce. Malgré une résistance accrue, le nid d’abeille donne des capacités d’absorption essentielles dans la protection du pilote en cas de crash.
Renault F1 qui fabrique au total 30 tonnes et 300.000 pièces par an (tout matériaux confondus) passe jusqu’à 21 km de fibre de carbone en une saison. Les ateliers de confection ressemblent parfois à des ateliers de couture où les rouleaux de fibre débitent à plein. Les grands couturiers sont aussi en F1.
Une F1 utilise aussi d’autres matériaux tels que le titane, le cuivre, l’acier ou l’aluminium. Les machines travaillant ces métaux sont à la pointe du progrès et la complexité des pièces usinées issues d’un simple bloc de métal est effrayante. L’évolution en seulement quelques années aussi.
Par contre, les échappements en inconel pesant à peine 3 kg sont toujours réalisés entièrement à la main.
J’ai aussi été surpris de découvrir que les attaches de suspensions en titane ne sont pas moulées mais creusées par abrasion. En gros, un pilon fait tomber durant plusieurs heures un gabarit de graphite sur un bloc de métal plein, jusqu’à obtenir par "arrachage de matière", la profondeur nécessaire. Etonnant.
Soufflerie 1/2 et CFD
On passe une porte et nous voila dans un hangar où les photos sont interdites. Nous sommes sur une plateforme placée sur un échafaudage enserrant un énorme tuyau de métal en forme de U. Au dessous de nous, à travers une petite lucarne, j’aperçois une petite monoplace noire sur un tapis, c’est la soufflerie Renault. Les premiers tests aéro de la future monoplace débutent au cours de l’été. Elle partagera alors le tapis avec la voiture qui dispute le championnat et dont le développement se poursuit quasiment jusqu’au terme de la saison. Environ 40% du temps sera alloué à la nouvelle auto.
La concurrence qui se gargarise de ses multiples souffleries échelle 1 m’a fait passer à côté d’un élément essentiel : Renault travaille avec une soufflerie à l’échelle 1/2 ! On justifie cela par le gain de temps énorme que représente le travail à l’échelle 1/2 mais on a quand même quelques difficultés à les croire complètement (précisons qu’ils utilisent quand même une soufflerie 1/1 aux USA quand le besoin s’en fait sentir). D’ailleurs, les travaux à l’extérieur du bâtiment sont en quelque sorte la confirmation de mes doutes.
Le CFD (Computational Fluid Dynamics) à ¾ enterré pour lui donner une température constante est quasiment terminé. Cet ordinateur monstrueux servira à l’analyse de la dynamique des fluides assistée par ordinateur, une soufflerie numérique en quelque sorte. Le joujou qui a coûté 50 millions de dollars (2x moins cher qu’une soufflerie) sera opérationnel cet été et devrait être dans le top 10 des calculateurs européens les plus puissants. La R29 en sera la principale bénéficiaire. Espoirs. Il semble que la R28 sera aussi concernée car Renault entend développer jusqu’au bout sa monoplace 2008 afin d’encourager son pilote leader à rester dans la place.
Pour Bob Bell, ce CFD qui sera également utilisé pour les études concernant les autos de série a une portée qui dépasse la F1, et même l’automobile. Sachant que le CFD est utile dans des domaines comme la médecine ou la chirurgie, il aime dire que cette approche technologique de la F1 n’est plus égoïste et qu’elle va bénéficier aussi à la société.
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