PSA et Fiat-Chrysler : une fusion à parts égales... où l'un des deux est plus égal que l'autre
Qui a gagné ? Qui, de PSA ou de FCA, sera réellement le patron de la nouvelle entité Stellantis qui naîtra le 4 janvier prochain. Les spécialistes s'étripent à coups d'alinéas et d'annexes du rapport de fusion de plus de 700 pages remis à l'Union Européenne pour entériner le mariage des deux constructeurs. Car le sort de quelques marques dépend évidemment de celui qui décidera de leur avenir. Et ce n'est pas forcément celui que les termes comptables désignent.
C'est, sans aucun doute, le média le plus consulté par les pros de l'auto. Automotive News, dont le siège se situe à Detroit, est, depuis 95 ans, la principale caisse de résonance de l'industrie automobile mondiale. Autant dire que lorsque son site nous explique que la fusion à égalité entre FCA et PSA cacherait en fait une acquisition pure et simple de l'italien par le français, on tend l'oreille. Son correspondant en Italie s'est en effet penché de très près sur les quelque 714 pages du rapport remis par les deux fiancés à l'Union européenne qui vient d'entériner leur mariage. De ses fouilles en milieux comptables et administratifs, le journaliste transalpin a exhumé un paragraphe de la page 45. Ce petit texte nous explique que "pour les besoins des comptes sociaux de FCA, préparés pour des raisons comptables néerlandaises, la Fusion sera comptabilisée en tant qu'acquisition inversée conformément aux critères de reconnaissance et de mesure appliqués dans les comptes consolidés de FCA, c'est-à-dire conformément à la norme IFRS3 Regroupements d’entreprises (“IFRS 3”), en application de laquelle PSA est considérée comme l’acquéreur au plan comptable."
Étant certes peu qualifiés dans les tenants et aboutissants de la norme "IFRS3 Regroupements d'entreprises", on n'en est pas moins capable de comprendre, à la lecture de ce paragraphe, que PSA rachète FCA. Fermer le ban ? Pas vraiment. Car Bernard Jullien n'est pas de cet avis et il le dit dans une chronique qu'il livre régulièrement à nos confrères d'Autoactu.com. Et l'éminent universitaire, grand spécialiste de l'industrie automobile, de produire un autre extrait du lourd rapport. Celui-ci indique que "les actifs et passifs de FCA seront réévalués à leur juste valeur dans les comptes sociaux et les comptes consolidés de la Société Combinée à l’issue de la réalisation de la Fusion."
Un embrouillamini comptable
"On pourrait s'y perdre" reconnaît lui-même le prof de l'École Normale Supérieure de Cachan. On est enclin à le croire. Cependant, Bernard Jullien, s'il accorde peu d'importance à l'explication toute comptable et formelle livrée par le média de Detroit, tient à résumer l'affaire. Pour lui, l'embrouillamini technique ressemble au jeu de l'arroseur arrosé, un jeu où tout le monde serait d'accord pour tenir son rôle. En fait, l'acheté (FCA) rachète l'acheteur (PSA).
Toute cette affaire n'est toujours pas claire ? Rien de bien grave. Tout le monde n'a pas fait comptabilité en première langue. Car les termes des accords ne sont pas déterminants. Et même la hiérarchie du nouveau groupe ne l'est pas vraiment. John Elkann, le président de FCA, devient président de Stellantis (du nom de la nouvelle entité) et Carlos Tavarès se contente de la direction générale ? Et alors ? Au sein des deux groupes bientôt réunis, personne n'est dupe. Tout le monde a mesuré les forces en présence, et les forces des marques.
Un groupe en pleine forme et un autre qui l'est beaucoup moins
Dans la balance, nul besoin de s'appuyer sur l'alinea B de l'annexe 323 d'un rapport comptable : PSA la fait pencher de son côté avec un groupe en pleine forme malgré une année covidesque et cauchemardesque. Peugeot, Citroën et Opel se portent bien, merci, et DS est toujours dans une phase d'investissement que les autres entités supportent sans sourciller.
La position de FCA est autrement plus chaotique et ses marques (hormis Jeep) sont pour le moins fragiles. Au premier trimestre de cette année, le groupe a essuyé des pertes de plus d'un milliard d'euros. Et encore : la dégringolade a rendu le sourire aux marchés financiers qui envisageaient une catastrophe bien supérieure. Lancia est déjà enterré, Alfa et Maserati ne savent plus quel saint prier pour être sauvés et Fiat n'a qu'une 500 pour tenter de surnager.
C'est avec une telle dot que le groupe FCA va convoler. Et les décisions qui seront prises pour supprimer une marque et réinvestir dans une autre ne seront pas la résultante d'un article comptable. Mais celle du poids industriel et financier de l'un des deux mariés. Et dans ce domaine, s'il est une certitude, c'est qu'il n'est pas italien.
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