Le pick-up Peugeot en Afrique : renaissance ou ensablement ?
Avec son design anodin et sa motorisation du temps d’avant, le nouveau pick-up Peugeot entend bien sonner le retour du Lion sur les terres africaines ou il régnait il y a 30 ans. Mais faute d’être au goût du jour, il pourrait bien être boudé par des clients qui n’attendent pas une auto low cost, mais plutôt une voiture statutaire, lorsqu’ils ont la chance de pouvoir s’offrir un modèle neuf.
Allô le design ? Allô le marketing ? En la découvrant, on ne peut pas s’empêcher de se demander si les responsables de projet de cette auto ont passé un coup de fil à leurs collègues. C’est que, côté design, le nouveau pick-up Peugeot a une ligne plus proche du menhir que de la cathédrale gothique. Quant à son nom, il n’a vraisemblablement pas nécessité de trop longs brainstormings. Elle s’appelle Pick-up. Mais attention : avec un P majuscule. Évidemment, la ligne brute de l’engin a une explication : la nouvelle auto n’est qu’une version rebadgée du Dongfeng Rich, assemblé en Chine par l’un des trois principaux actionnaires de PSA. Seule la calandre est modifiée. Quant à son nom, il fait (peut-être) référence au mythique pick-up 504, à la ligne beaucoup plus finaude d’ailleurs, et fabriqué jusqu’en 2005 au Nigeria. Car le nouvel utilitaire du Lion est, pour le moment, uniquement destiné au continent africain.
Out of Africa depuis trop longtemps
L’Afrique, justement, ce nouvel Eldorado de Peugeot. Les ventes devraient y progresser de 40 % dans les 5 années à venir et la marque entend bien y glaner des marges. Avec une certaine légitimité d’ailleurs, puisque de la 403 à la fameuse 504 nigériane, elle était la reine des pistes, aidée, peut-être par un nom et un emblème plutôt local.
Alors le grand patron Carlos Tavarès est à la reconquête du terrain perdu depuis les années 90 au profit de Toyota surtout, mais aussi de Kia et de Ford. Des Peugeot 301 sont désormais assemblées au Maroc, en Ethiopie et au Nigeria, et le Pick-up va bientôt débouler dans pas moins de 17 pays africains. C’est beaucoup, mais surtout, le Maroc, la Tunisie, ou le Nigeria ont des marchés qui n’ont strictement rien à voir avec ceux du Niger ou du Mali, ultra-pauvres, ou encore du Ghana ou du Tchad. Vendre le même produit dans des pays plutôt développés, des zones désertiques ou équatoriales semble à peu près aussi réaliste que de vouloir installer la même boutique de kilts à Edimbourg et à Rome.
Toyota Hilux : le patron
Ce kilt, c’est son pick-up que Peugeot entend bien vendre à tous. Avec une réflexion simple : en Afrique, il faut du robuste, du simple et du pas cher. Du low cost en somme. C’est peut-être ignorer que les autos à bas coût sont aussi et surtout un phénomène de pays riches, ou tellement émergents qu’ils ont déjà émergé. Des pays où certains clients peu fortunés préfèrent acheter du neuf pour pas cher, plutôt que de l’occasion, comme c’est le cas du Maroc ou le Dacia Duster cartonne. Mais en Afrique subsaharienne le marché de l’occasion, parfois de la très vieille occasion, est totalement dominant. Et dans ces pays, Toyota avec son Hilux, mais aussi Ford avec son Ranger sont les rois du pick-up neuf. Des engins bien dessinés, bien équipés, bien motorisés et plutôt chers, achetés par une élite avant d’avoir neuf vies et d’être revendus neuf fois. Le Peugeot, lui, devrait être moins cher, moins équipé et animé par un 3L diesel de 115 petits chevaux, une puissance qui était celle du Ranger… d’il y a quinze ans. Qui l’achètera ? Mystère. Les élites risquent de le bouder (trop peuple) et le peuple risque de le bouder parce que trop cher.
En mémoire de la ZX chinoise
Reste à miser sur une classe moyenne balbutiante et plutôt urbaine qui n’a que faire d’une auto baroudeuse et quelques entreprises qui voudront bien investir. Un pari risqué, donc. Comme l’était celui de Citroën qui, dans les années quatre-vingt-dix était l’un des premiers à marcher sur la Chine, alors en plein réveil post-maoïste.
Les chevrons y sont allés de bon cœur, y construisant une ZX simplifiée, en fin de vie chez nous et baptisée Fukang. En français le terme signifie prospérité. Ce ne fut pas le plus approprié à la brave ZX orientale : les Chinois d’alors, du moins ceux susceptibles d’acheter une voiture neuve, plutôt aisés, lui préférèrent des allemandes du dernier cri. L’histoire ne se répète pas, mais parfois, elle bégaie.
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