L'automobile ? Un truc de boomer
La voiture serait un symbole d’évasion, de liberté et d’autonomie. C'est du moins ainsi qu'on nous la vante depuis qu'elle existe, du moins depuis sa démocratisation. Autant d’adjectifs qui collent parfaitement à la jeunesse, adepte de l’émancipation des parents et de la société à papa. Pourtant, lorsque l’on demande aux juniors dans quelle entreprise ils souhaiteraient faire leur stage de fin d'études, l’automobile arrive loin, très loin derrière d’autres secteurs. Qu’est ce qui cloche au royaume de la bagnole ?
Supposons que l’on vienne à bout de brillantes et difficiles études d’ingénieur, de financier ou de spécialiste du marketing. Et supposons que, pour effectuer notre dernier stage avant la vie active, on ait le choix, sans tenir compte d’un quelconque frein budgétaire, ou d’un obstacle de recrutement. Direction Maranello ? Sant’Agata ? Zuffenhausen ? Chez Ferrari, Lamborghini ou Porsche ? Pas vraiment, du moins plus aujourd’hui. Selon le cabinet de marketing Marketzoo, qui s’en est allé interrogé les jeunes diplômés pour le magazine Forbes, ces derniers rêvent plutôt de Villeneuve D’Ascq (siège de Décathlon), de Levallois-Perret (fief de L’Oréal) ou, pour les plus aventuriers, de Paris, ou Safran a pignon sur rue.
Le commerce, le luxe et l’aéronautique, tels sont désormais les branches préférées des jeunes de 18 à 24 ans. Quant à l’automobile, elle ne figure même pas dans les 10 premiers du classement, ou plutôt si, en dixième position, d’une manière dérivée puisque c’est à cette place que trône le clermontois Michelin. On peut se dire que ce désamour est franco-français. Mais la même étude, réalisée auprès d’étudiants américains conclut à la même sentence, en pire. De l’autre côté de l’Atlantique le premier constructeur auto (BMW) arrive en 13e position, loin derrière Samsung, Microsoft, Alphabet (Google) ou Apple.
L’automobile ne fait donc plus rêver les nouvelles générations. Et si ce dédain est professionnel, il est également, et forcément, lié à des goûts personnels. Il faudrait souffrir d’une névrose assez particulière pour s’en aller travailler aux antipodes de ce qui nous fait rêver, surtout si le secteur que l’on apprécie est pourvoyeur d’emplois. La tech fait "triper" les jeunes, pas la bagnole.
Pourquoi les nouvelles générations ont-elles d’autres rêves qu’automobiles ? On en connaît quelques raisons : les tarifs élevés, les contraintes exercées et la pollution vilipendée en sont quelques-unes. Mais la raison de cette désaffection est peut-être plus profonde. Dans les années 70, au pic de la civilisation automobile, il fallait s’emparer du volant coûte que coûte dès ses 18 ans révolus. Et peu importe de quelle tribu l’on soit. Les babas de service rêvaient d’un Combi VW pour s’échapper à Katmandou, d’autres rêvaient en lisant Échappement, en bricolant leur R8 pour qu'elle ressemble à une Gordini, ou en tunant d’autres autos de moins bon goût. À chacun son monde automobile.
Comme une auto, une machine à laver est indispensable
Ce rêve n’est plus. Les déplacements et le voyage sont devenus virtuels par la grâce du numérique, quant aux vrais voyages, s'ils sont lointains et inaccessibles en voiture, ils sont abordables par la grâce de l’avion low cost. Bien sûr, la voiture est indispensable, pas en ville certes, mais sur 80 % du territoire. Sauf qu’une machine à laver est, elle aussi, indispensable, sans pour autant, que l’on voue un culte au chargement frontal ou vertical. C'est ainsi, grâce à la nécessité, qu'est née la Citroën Ami et son joli succès.
Évidemment, de nombreux adeptes subsistent et se souviennent. Ils pensent aux temps anciens de la civilisation auto, ces temps où ils étaient jeunes. Un temps ou tout allait mieux, sans souci de climat, sans souci ukrainien, covidien ou inflationniste. Une nostalgie tentante que les boomers entretiennent à coups de salons spécialisés comme Rétromobile ou Epoqu'auto ou il fait si bon se souvenir. Une nostalgie entretenue également à coups de voitures de ces époques, ces youngtimers dont les prix explosent.
On nous rétorquera que des jeunes fréquentent ces salons, et roulent dans des Renault 5 millésime 1982. D’aucuns trouveront des contre-exemples de gamins passionnés passant leur week-end dans le garage parental pour retaper une Peugeot 205 sortie de grange. Que d'autres encore se précipitent sur la presse spécialisée. Mais quelques exemples ne font pas une généralité et encore moins un marché, surtout au prix ou s’échangent aujourd’hui ces autos d’avant, loin des jeunes finances. Les autres aficionados de l’auto, les plus nombreux, sont quadras, quinquas. ou plus. D’ailleurs, vous-mêmes, lecteurs assidus de Caradisiac, de quelle génération êtes-vous ?
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