À quoi doit ressembler la voiture à 15 000 € ?
Pour sauver l’industrie automobile et remettre la voiture neuve à la portée des acheteurs, l’Europe envisage d’autoriser une version européenne de la Keï car japonaise. Reste à se mettre d’accord sur ce à quoi ressemblera cette E-car ?

Vous avez vu le prototype Hipster de Dacia ?
Personnellement, j’aime bien et même beaucoup mais je n’y crois pas. Et surtout, je trouve que ce cubique bidule vient polluer le débat sur ce que doit être la future E-car « à 15 000 € » en relançant l’arlésienne de la keï car à l’européenne.
La keï car nippone instaurée en 1949 avait des ambitions plus géographiques qu’économiques : en la bridant en taille (3,40 m par 1,48 m et 2 m de haut) puis en puissance (64 ch), l’État japonais, voulait principalement limiter l’emprise de l’automobile sur des villes qui n’avait pas été conçues pour elle. Encore aujourd’hui, ce gabarit exempte l’acquéreur de l’obligation de posséder un garage ou une place de parking. Une keï car n’est donc pas une voiture au rabais, elle peut même être très chère et raffinée techniquement comme esthétiquement.
Est-elle l’exemple à suivre pour l’Europe ? Une voiture abordable doit-elle forcément être minuscule (et réciproquement) ? Dacia a prouvé le contraire (et Mini aussi…).
La question qui se pose aujourd’hui, chez nous n’est pas de réduire la taille, mais d’abord de brider les tarifs. Leur forte inflation depuis le début des années 2010 a été, selon les constructeurs, causée par l’empilement des normes de sécurité et de pollution imposées par la commission européenne. Une demi vérité qui n’explique pas l’emballement soudain des prix après le Covid, emballement parfaitement opportuniste, qui ne devait rien aux normes mais tout à la pénurie de l’offre et à la volonté de privilégier les marges quitte à diminuer les volumes.
Quoi qu’il en soit, quand en 2018 il se vendait en Europe un million de voitures à moins de 15 000 €, leur nombre aujourd’hui n’atteint pas les 100 000 unités, essentiellement des Dacia Sandero, dernière survivante à ce niveau de tarif. Plus généralement, cette inflation a fait perdre au marché européen un bon quart de ses immatriculations avec pour conséquence des usines qui débauchent quand elles ne sont pas menacées de fermeture et des faillites qui se multiplient chez les sous-traitants.
C’est précisément pour sortir de ce marasme que la présidente de la commission européenne, Ursula Von der Leyen reprend à son compte l’idée que lui ont soufflé certains constructeurs : promouvoir « des voitures abordables de petite taille ».
Mais pourquoi « de petite taille » ?
Pourquoi limiter ces voitures en gabarit ? On lit parfois que pour pouvoir les dispenser de certaines normes de sécurité, il ne pourrait s’agir que de citadines.
Je n’ai jamais su ce qu’est une citadine. D’évidence pas une voiture limitée à la ville car les Clio, 208 et C3, sans parler des C1, 108 et Twingo pullulent sur autoroute et à la campagne. Les vraies citadines sont de fait plus souvent de grandes routières ou très gros SUV dont les propriétaires ont les moyens de prendre le TGV ou l’avion puis une voiture de location, plutôt que de se barber sur l’autoroute.
Alors pourquoi imposer au E-cars un petit gabarit qui les interdirait aux familles ?
Pas au nom du prix de revient car il ne ressort qu’assez peu de la longueur du plancher ou de la surface de la moquette. D’ailleurs, faut-il de la moquette ? Pas d’avantage au nom de la sécurité : plus un capot est court, moins il amortit l’impact.
En outre, d’un point de vue environnemental, limiter le poids et la hauteur serait plus pertinent car c’est la masse et l’aérodynamique qui consomment de l’énergie, pas la distance entre les pare-chocs.

À partir d’un cahier des charges aussi vague, on se doute que c’est la foire d’empoigne. Une foire essentiellement franco-française car ce sont nos constructeurs qui réclament ces « euro-cars », sorte de revanche contre l’industrie automobile allemande qui depuis des décennies impose à Bruxelles ses normes façon Monsieur Plus. Mais Volkswagen aussi pourrait s’inviter au débat, confronté qu’il est au tassement de ses ventes et au relatif échec de sa gamme électrique ID.
Restera à se mettre d’accord sur ce que doit être cette E-car…
« E » pour Électrique ou pour Européenne ? Quel est le principal objectif ? Écologique ou économique et social ? S’agit-il d’accélérer l’électrification du parc ou de rendre la voiture neuve plus abordable pour les ménages européens ? Les deux, ma présidente ?
Renault qui verrait bien sa R5 et sa future Twingo wattée rentrer dans ce nouveau moule penche pour la première réponse. D’ailleurs, le losange ne réclame pas un abaissement des actuelles normes de sécurité, simplement la garantie de leur gel pendant dix ans pour ces modèles. Seul bridage proposé par Renault, celui de la puissance de la batterie qui ne pourrait excéder 60 kWh.
Chez Stellantis, on défend la création d’une nouvelle catégorie de voitures, à cheval entre voiturettes et voitures, qui pourraient aussi bien être électriques que thermiques ou hybrides. Ces petites autos reviendraient aux normes d’avant juillet 2024, donc sans alerte de vigilance, ni freinage automatique d’urgence, aide au maintien dans la file, avertisseur de dépassement de vitesse et autres équipements imposés par la norme GSR2.
La solution Renault qui repose sur des modèles existants et réduit les prix par un gel des investissements semble plus réaliste et immédiatement adoptable que celle de Stellantis. Laquelle suppose des investissements dans la création ex-nihilo de nouveaux modèles, lesquels, plus petits et moins bien équipés, pourraient vite être assimilés à des voitures « de gueux ».
On notera aussi au passage l’incongruité de la situation : Stellantis prone la solution que Dacia vient de présenter avec sa Hipster de trois mètres tandis que Renault dont la filiale Horse vient de présenter un révolutionnaire et ultra-compact système d’hybridation milite pour une E-car 100 % électrique… Quelque chose cloche à Billancourt et à Sochaux…
Seul véritable point de convergence entre les constructeurs et avec Bruxelles, l’imposition d’un minimum de contenu européen afin d’éviter que l’industrie automobile chinoise ne profite de l’aubaine avec ses nombreux modèles déjà existants, électriques mais aussi thermiques ou hybrides (donc exemptés des nouvelles taxes) et commercialisables très largement en dessous des 15 000 €.
Il va falloir se mettre d’accord très rapidement, en tout cas, avant que ces Xiaomi, X peng, MG ou Byd ne déferlent dans nos ports…

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