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Et si trop de premium tuait le premium ?

Dans Economie / Politique / Industrie

Michel Holtz

C’est une véritable épidémie. En quelques années, les candidats au saint des saints de l’automobile rentable et de la marge confortable se sont multipliés. Dernière postulante en date à vouloir se faire une place au soleil du premium, Lancia vient d’annoncer son plan d’ici 6 ans. Y aura-t-il bientôt plus de constructeurs premium sur la planète auto que de marques généralistes, alors que les CSP + sont beaucoup moins nombreux que la classe moyenne ?

Et si trop de premium tuait le premium ?

Comment résister à la tentation ? Comment ne pas céder aux sirènes du premium ? C’est vrai, après tout. En ces temps de disette de pièces, il est logique de réduire les volumes et de rentrer autant de chiffre d’affaires qu’avant. Comment ? Grâce à la premiumisation de l’industrie automobile pardi.

C’est simple : fabriquer une auto haut de gamme ne coûte pas tellement plus cher qu’une vulgaire généraliste. Certes, on rajoute (de moins en moins) quelques cylindres, on augmente le niveau des équipements, et on glisse dans l’habitacle un peu de cuir (synthétique ou pas), d’Alcantara (ou de suédine). Mais au final, on ne double pas le prix de revient de la voiture en procédant ainsi. Sauf qu’à la vente, l’addition, quant à elle, est bel et bien multipliée par deux. Et la marge bénéficiaire de la marque s’en trouve fort aise.

La tentation du premium pourrait durer

Alors les constructeurs y vont gaiement. Car, après tout, même si les semi-conducteurs se remettent à être livrés comme au bon vieux temps, que l’embouteillage des cargos qui sévit depuis deux ans s’arrange et que la paix soit sur le monde, l’affaire peut paraître juteuse. Le "vendre moins pour gagner plus" pourrait avoir de beaux jours devant lui, et la tentation du premium ne risque pas de disparaître avec la croissance retrouvée.

Dernier épisode en date de cette montée en gamme forcenée : la sortie du bois de Lancia qui a annoncé cette semaine son retour sur la scène, de manière modeste, certes, mais tout de même. C’est une renaissance, avec trois modèles dévoilés d’ici six ans et une volonté affichée : faire son entrée dans le club VIP du premium. C’est donc la troisième marque officiellement positionnée ainsi chez Stellantis, après Alfa Romeo et DS. Sans parler de Peugeot qui lui aussi se hisse vers ce domaine.

La nouvelle tentative premium d'Alfa Romeo : le Tonale.
La nouvelle tentative premium d'Alfa Romeo : le Tonale.

D’autres groupes y vont aussi de leur premiumisation récente. Dans le groupe Volkswagen, Cupra est devenue la marque haut de gamme de Seat, comme Abarth l’est pour Fiat. Cette ruée est encouragée par le nouveau venu du clan des surdoués du bénéfice : Tesla. L’Américain est censé démontrer, façon nouveau riche, que c’est facile de monter en gamme. Alors faisons tous comme Elon Musk : vendons cher, sans remise et gagnons beaucoup d’argent. Le trio du haut de gamme allemand (Audi, BMW, Mercedes) a mis des décennies pour y parvenir ? C’est l’ancien monde mon bon monsieur. Jaguar et Land Rover en sont passés par un rachat indien, Volvo par un soutien chinois et Lexus par celui de Toyota ? On n’a pas besoin de l’argent des autres pour réussir, non mais.

Un marché qui va se réduire si l'offre augmente

Soit, alors sus au premium pour tous. Pour tous les constructeurs en tout cas. Car les clients là-dedans, sont un tantinet oubliés. Qui s’offre des autos haut de gamme aujourd’hui ? À 80 % des entreprises. Soit par le biais des voitures de fonction concédées à leurs cadres, soit par celui d'artisans-commerçants, de professions liberales et de dirigeants de PME qui se font plaisir en passant les mensualités de leur auto en leasing à 800 euros par mois (voir plus) sur leur compta.

On exagère ? À peine. La France compte 18,4 % de cadres parmi sa population active, soit moins de 5 millions de personnes. Les artisans et commerçants sont 1,8 million. Un joli marché. Sauf que tous les cols blancs salariés n’ont pas accès à une voiture de fonction, loin de là, et tous les plombiers et boulangers ne roulent pas en Audi, parce qu’ils ne veulent pas ou ne peuvent pas. Voilà qui limite grandement la part du gâteau. Ce dernier sera d’autant plus rabougri si le nombre de gourmands, et de nouvelles marques premium, s’agrandit.

le chouchou français : la Dacia Sandero, loin du premium.
le chouchou français : la Dacia Sandero, loin du premium.

Peut-être que les constructeurs ont oublié que le prix moyen d’une auto en France est de 26 000 euros. Un tarif que le premium snobe totalement. Et plutôt que de n’avoir d’yeux pour la réussite du trio allemand, les marques feraient mieux de diriger leur regard vers un roumain solo. Dacia est le champion des ventes dans l’hexagone et cartonne à travers toute l’Europe, en appliquant une vieille recette : gagner peu par voiture vendue, mais produire beaucoup pour compenser. Une recette qui fonctionne depuis Henry Ford. Mais c’est visiblement une formule bien ringarde.

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