DESIGNbyBELLU - Citroën C5 X, un mutant
La C5 avait disparu du catalogue Citroën en 2017 pour ne laisser au programme que la C5 Aircross, un regrettable avatar. La voilà qui réapparaît assortie d’un « X » qui est lourd de signification en matière de design.
Il y a longtemps que l’on a fait le deuil du haut de gamme chez Citroën. Le luxe à la française, ça n’est plus dans l’air du temps. Ça fleure bon les années Chirac, la C6 sur les Champs-Élysées, la tête de veau et la Corona. C’était il y a des lustres. Aujourd’hui, Corona est un label qui fait flipper.
Seule héritière légitime de la lignée des DS, CX et XM, la C6 a disparu en 2012 sans assurer sa succession. Par pudeur, oublions la C6 homonyme inscrite au catalogue chinois en 2016, navrante de banalité.
Oublions aussi les projets que l’on avait eu la faiblesse de prendre pour des promesses : l’immense Metropolis de 2010, la fulgurante Numéro 9 de 2012 et la futuriste CXpérience de 2016 étaient des concept-cars très alléchants mais il faut se résoudre à l’évidence aujourd’hui : elles n’ont été que des génératrices de fausses joies.
La première laissait croire au public chinois que Citroën allait s’ancrer sur le marché du luxe avec une limousine somptueuse, capable de rivaliser avec la Hongqi de Xi Jinping. La deuxième faisait espérer une évolution volontariste de DS Automobiles sur la voie de l’engagement et de la singularité. Quant à la troisième, la CXpérience, elle semblait indiquer l’orientation du style pour les futures grandes routières surbaissées, profilées, effilées.
Mais il a fallu déchanter. Ces trois projets ont fait long feu. Aujourd’hui, la véritable descendante de la C6 n’est plus une Citroën mais une création de DS Automobiles qui scintille tout en haut de l’affiche du groupe Stellantis. Mais la DS 9 conventionnelle, convenue et convenable, gomme l’espoir d’originalité que l’on fondait dans le logo DS.
En effet, la DS 5 était enthousiasmante, brillante, audacieuse, radicale, anticonformiste. On la regrette. Comme on a pu regretter l’Avantime de Renault. Comme on peut regretter le navrant conservatisme d’une grande partie de la clientèle.
Revenons à notre C5 X et reconnaissons-lui d’emblée plusieurs vertus ; d’abord celle d’exister. Ça n’était pas gagné quand on assiste partout dans le monde à la disparition de l’espèce des grandes routières. Autre mérite et pas des moindres : celui de l’originalité. Cette marque de fabrique qui colle au double chevron n’est pas usurpée. Elle se confirme à tous les niveaux de gamme. Les récentes C3 Aircross et C4 ne nous ont pas déçus.
Lors de la présentation en avant-première de la C5 X (ridiculement nommée « Nouvelle C5 X », sans article, par les créatifs du marketing !) son caractère mutant a été mis en avant. Sa silhouette tient autant du break que de la berline. En cela elle reprend le thème magnifiquement développé sur la Numéro 9 citée plus haut. Elle s’en inspire pour la pente du panneau arrière et par la ligne de ceinture de caisse.
Venons-en à ce qui, dans cette C5 X, est plus dérangeant. La nouvelle berline n’a pas échappé à cette incontrôlable tendance des designers à injecter une dose de SUV dans tous leurs dessins. La C5 X est perchée, loin au-dessus du plancher des vaches avec une garde au sol surélevée sans aucune raison.
Le succès des SUV pervertit la créativité de tous les designers, même les meilleurs, qui se croient obligés d’infliger des proportions incompatibles avec l’image d’une berline grande routière. En sustentation au-dessus du sol, la C5 X rappelle l’attitude des DS et ID 19 réglées en position haute car elles pouvaient modifier leur assiette grâce à leur suspension hydropneumatique. À cette époque, l’élévation de la garde au sol ne procédait pas d’une démarche gratuite. La C5 X, elle, n’est pas faite pour rouler dans les chemins creux. Elle ne redescendra jamais de sa posture de frimeur.
On regrette les temps, pas si éloignés, où les clients de Volvo et d’Audi pouvaient opter pour une version crossover de la V70 ou la A6. Aujourd’hui, l’offre de Porsche semble pertinente avec ses deux variantes de la Taycan, la berline ou le break Sport Turismo.
Jusqu’à preuve du contraire, chez Citroën il faudra se satisfaire d’une C5 X qui nous rappelle Sénèque parlant d’un « char de triomphe surélevé par des roues anormalement grandes afin que le public puisse mieux apercevoir le chef vainqueur ».
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