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Caradisiac appelle les sénateurs à s’engager pour la sécurité routière !

Dans Pratique / Radars

Stéphanie Fontaine

Le projet de loi relatif à la justice du XXIe siècle, qui arrive en nouvelle lecture au Sénat, contient plusieurs dispositions concernant la répression des infractions routières. Des dispositions tout à fait abracadabrantesques pour Caradisiac, et qui pourraient se révéler désastreuses en matière de Sécurité routière si elles devaient être adoptées. Parmi elles, il y a notamment le projet de rendre obligatoire la dénonciation par les patrons des salariés quand les véhicules de société sont flashés par les radars. Devant l’importance des enjeux, Caradisiac a décidé de s'engager et d’interpeller tous les Sénateurs, afin de leur démontrer l'absurdité de plusieurs points de ce texte. Voici ainsi, en toute transparence, ce que la rédaction leur a envoyé.

Caradisiac appelle les sénateurs à s’engager pour la sécurité routière !

Mesdames les Sénatrices, Messieurs les sénateurs,

Vous allez devoir débattre à nouveau d’ici quelques jours du projet de loi relatif à la justice du XXIe siècle (en nouvelle lecture au Sénat les 27-28-29 septembre). Celui-ci comprend plusieurs points nouveaux concernant le droit routier (points non inclus dans le texte initial et donc non-soumis à votre vote en première lecture).

L’ambition du gouvernement, à l’initiative de ces nouvelles dispositions, est bien sûr légitime puisqu’il s’agit de renforcer la Sécurité routière. Caradisiac s’étonne toutefois de la courte vue du législateur en souhaitant mettre en place de telles dispositions. Car c’est bien tout l’inverse du but recherché qui pourrait en effet arriver si certaines de ces mesures étaient adoptées !

Après une seconde lecture devant l’Assemblée nationale, le texte prévoit notamment une amende forfaitaire de 135 euros* pour les « patrons » qui refuseraient de dénoncer ceux qu’ils pensent responsables des infractions routières quand les véhicules de société sont flashés par les radars.

Outre le caractère très discutable de cette loi visant à rendre obligatoire une quelconque dénonciation, on peut s’attendre, au mieux, à une mesure qui ne servira à rien*, au pire, à une disposition désastreuse pour la Sécurité routière.

Pour finir, en effet, une telle mesure donnerait la possibilité aux conducteurs indélicats de ne plus être sanctionnés du tout ! Comment ? Pourquoi ? En prenant un cas très concret, vous comprendrez vite le danger de cette dénonciation obligatoire par les patrons.

La dénonciation : une mesure très périlleuse… démonstration !

À réception d’une contravention-radar, un patron dénonce un salarié (un cas de figure qui arrive déjà aujourd’hui. C’est même de plus en plus fréquent). Le salarié dénoncé devient alors le destinataire de l'avis de contravention. Et les mêmes possibilités ouvertes initialement aux patrons s’offrent à lui :

  • payer spontanément,
  • désigner quelqu’un d’autre ou
  • contester…

Attention, en cas de contestation, plus question alors pour lui de consigner quoi que soit : les personnes dénoncées, elles, n’ont pas à payer pour accéder à la justice. Une fois, sa contravention contestée en bonne et due forme, un salarié dénoncé doit ainsi – c’est la suite logique pour tous les contestataires – se retrouver au tribunal pour s’en expliquer.

Et là, Mesdames les Sénatrices, Messieurs les Sénateurs, permettez-nous de vous poser une seule question : que pensez-vous qu’il se passe quand, devant le juge, le salarié dénoncé nie simplement avoir été le conducteur du véhicule au moment des faits : « Oui, normalement, c’est moi qui le conduis., c’est donc bien normal que mon patron m’ait dénoncé, mais voilà, ce jour-là, sans le prévenir, j’ai passé le volant… »

Alors, Mesdames, Messieurs, que pensez-vous qu’il se passe dans un tel cas de figure ? RIEN ! Le salarié dénoncé repart tranquillement, ENTIÈREMENT ET TOTALEMENT relaxé ! C’est ce qui se passe aujourd’hui devant les tribunaux. Si besoin était, nous pourrions vous fournir la jurisprudence de la Cour de Cassation en pareils cas.

Cinq notions juridiques capitales à rappeler

  • 1. Quand les destinataires des PV Radars nient avoir été au volant, ils n’ont aucunement besoin d’apporter les preuves de leur innocence.
  • 2. Car c’est au ministère public de rapporter la preuve de l’auteur véritable de l’infraction (ce que ne permet généralement pas le contrôle des infractions à distance, sans interpellation, comme c’est le cas avec ce système des radars automatiques ou encore avec la vidéoverbalisation que ce projet de loi compte également renforcer).
  • 3. Seuls les titulaires des certificats d’immatriculation ou leurs représentants légaux quand ces titulaires sont des « personnes morales » (ou encore les locataires des véhicules loués) peuvent rester redevables pécuniaires, même quand la justice les relaxe.
  • 4. Les patrons ne disposent d’aucun pouvoir de police. Leur dénonciation n’aura bien entendu aucune valeur probante devant un tribunal.
  • 5. Un salarié dénoncé qui clamerait son innocence ne sera aucunement obligé de dénoncer à son tour celui ou celle qu’il pense responsable. Et rappelons bien que de son côté, il ne peut aucunement être déclaré « redevable pécuniaire ».

 

Il paraît utile de rappeler également que si ce projet de loi entend contraindre les patrons à la dénonciation, c’est bien pour pallier les grosses défaillances du système du contrôle automatisé. Ainsi, quand un véhicule de société se fait flasher, le paiement de l’amende n’entraîne pas toujours – et c’est peu dire - de retrait de point(s). À en croire les statistiques officielles quand celles-ci ne sont pas dissimulées par nos autorités, c’est même assez rare, contrairement à ce qui se passe quand il s’agit de véhicules particuliers.

Or, la loi actuelle ne prévoit aucune différenciation des sanctions selon que les destinataires des avis de contravention sont :

  • des propriétaires de véhicules particuliers,
  • des locataires de véhicules loués ou bien encore
  • des représentants légaux de ‘personnes morales’, soit des entreprises, propriétaires des véhicules.

Comme nous l’explique une avocate spécialisée dans le droit routier, Caroline Tichit, « quand toutes ces personnes ‘physiques’, destinataires des PV radars, règlent spontanément leur contravention, la loi ne fait aucune distinction : cela veut dire qu’elles reconnaissent l’infraction, automatiquement, les points en jeu doivent leur être retirés. »

Pourquoi les patrons n’ont-ils alors jamais – ou rarement – de retrait de point sur leur permis ? Cela ne tient qu’à un bug administratif ! L’administration se montre incapable, dans le cadre de ce système automatisé, de rattacher automatiquement et systématiquement un numéro de permis de conduire à « un représentant légal d’une personne morale ». En clair, les patrons comme les salariés n’y sont pour rien !

Plutôt que de régler ce bug, nos autorités préfèrent changer la loi - rendre obligatoire la dénonciation – et répondre – une fois encore - à une logique financière… Et vous, Mesdames les Sénatrices, Messieurs les Sénateurs, que préférerez-vous ?

Des mesures pour légaliser certains délits routiers ?

Enfin, Caradisiac s’interroge sur la volonté du gouvernement de sanctionner certains délits routiers – la conduite sans permis / la conduite sans assurance - d’une simple amende forfaitaire.

Le but du gouvernement est de gagner en efficacité puisqu’il faut bien le reconnaître, les sanctions prévues aujourd’hui ne sont guère appliquées. Mais plutôt que de donner les moyens de les appliquer, nos autorités préfèrent là encore changer la loi. Et pour finir, c’est bien un allégement des sanctions qui est envisagé, et la priorité donnée – encore une fois – à la logique financière

Mesdames les Sénatrices, Messieurs les Sénateurs, chercherez-vous aussi à dire à ces conducteurs, délinquants au sens du droit, que conduire sans permis et/ou sans assurance n’est pas si grave ? Qu’il leur suffit de payer spontanément leur contravention pour ne plus être inquiétés ?

Dans l’attente de vos éventuelles réponses et réactions, Caradisiac vous prie d’agréer, Mesdames, Messieurs, l’expression de ses salutations distinguées.

 

* En dehors des excès de vitesse de moins de 20 km/h sur route (dont l’amende est à 68 €), toutes les autres infractions « automatisées » (excès de vitesse en ville ou de plus de 20 km/h, feux rouges…) donnent déjà lieu à des amendes forfaitaires de 135 €. Autrement dit, c’est ce que paient déjà les patrons quand ils ne dénoncent personne ! À quoi sert vraiment ce nouveau texte de loi ?

 

 

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