Alpine sauvera-t-il la planète ?
Puisque les automobilistes du monde entier sont accros au SUV et qu’on ne les ramènera ni à la raison ni aux berlines, c’est le SUV qui doit évoluer. Alpine vient – peut-être involontairement – de suggérer une piste.
Bon, d’accord, ce n’est qu’une A110 surélevée, avec de gros pneus et des skis sur le hayon. Certes, elle évoque plus un buggy du Paris-Dakar qu’une Porsche, 911 ou Macan. Entendu, le concept doit sans doute plus à la blague dessinée sur un coin de table à la cafétéria du Technocentre qu’à l’étude de marché à 10 000 000 €.
Mais ce petit coupé haut sur pattes aperçu la semaine dernière sous un barnum près du tombeau de Napoléon aux Invalides à Paris porte peut-être en lui de quoi sauver la planète.
De quoi ? De la menace du SUV, ce triste véhicule qui pèse désormais 40 % des ventes françaises comme européennes ou planétaires et dont le succès expliquerait à lui seul, selon l’Agence internationale de l’énergie, la moitié de la hausse des émissions mondiales de C02 entre 2010 et 2018. Et dont les quelques dizaines de millions en circulation ont, par leur boursouflure, annihilé l’intégralité de la non-pollution des quelques millions de voitures électriques qui circulent sur terre.
Je ne vais pas encore une fois repartir au combat car il est perdu d’avance. Les gens veulent des SUV et on a beau leur répéter qu’ils consommeront 15 à 20 % de carburant en plus qu’avec une berline de même catégorie et même 5 à 10 % de plus qu’avec une berline de catégorie supérieure – et de même prix – ils n’en démordent pas.
Le SUV, Coronavirus de l’automobile
Par conséquent, il ne s’agit plus de vouloir les ramener à la raison et aux berlines, mais de comprendre ce qui leur plaît dans ce bahut sur jantes de 18 pouces et pourquoi ils l’achètent. Un rapide sondage mené avec une grande rigueur scientifique auprès d’un échantillon représentatif de mon entourage m’a apporté une première raison : les gens (comme dirait Mélanchon) aiment être assis plus haut.
Parce qu’il est plus facile de s’installer à bord et de s’en extraire. Surtout quand on n’a plus ses hanches et ses genoux de vingt ans, détail capital car ce ne sont plus les jeunes qui font les modes automobiles, ni même les pères de famille, mais les seniors, derniers acheteurs à humer encore l’odeur du neuf. Ce qui, au passage, n’est pas bon pour leur santé…
Etre assis plus haut, c’est aussi mieux voir la route. A la grande époque du 4x4, on pouvait ainsi dominer le troupeau et voir plus loin. Aujourd’hui, il s’agit plus simplement de ne pas se retrouver devancé par un mastodonte qui vous bouche la vue.
C’est d’ailleurs le côté viral du SUV, véritable Coronavirus de l’automobile : si tous les autres l’attrapent, il vous en faut un aussi pour ne plus être aveugle
Le thorax à hauteur de vilebrequin
La contamination passe aussi par le sentiment de sécurité qu’il procure, qui est d’ailleurs la deuxième raison évoquée dans mon sondage de voisinage.
Et ce n’est pas qu’un sentiment.
Certes, le SUV n’est pas intrinsèquement plus sûr qu’une berline, mais il l’est incontestablement s’il la tamponne, ou se fait tamponner par elle : question de hauteur et de poids. Résister à la contagion du SUV, c’est avoir son thorax à la hauteur du vilebrequin de la voiture de son voisin. Pour survivre, mieux vaut à son tour attraper la maladie.
Il est d’ailleurs étonnant que le législateur qui pinaille sur la hauteur et l’écartement des catadioptres n’ait rien trouvé à redire quand une partie du parc automobile a rehaussé son compartiment moteur au niveau des hanches des occupants de l’autre partie du parc automobile. Sans parler du risque pour les piétons et les cyclistes. Mais passons….
Bref, le SUV ne doit pas son succès qu’au besoin de se distinguer et de dominer ; c’était sans doute vrai à ses débuts, mais aujourd’hui, il s’agit juste de ne pas être assis plus bas que son voisin, au sens propre comme au figuré. D’ailleurs, à 40 % de part de marché, la distinction et la domination ne sont plus des arguments.
L’évolution selon Darwin
Mais c’est peut-être en les retrouvant que pourrait évoluer le SUV, une distinction et une domination, sinon physique, du moins intellectuelle.
Ce qui me ramène à mon Alpine. Je me demande si elle ne propose pas une possibilité d’évolution darwinienne du SUV puisque pour survivre, celui-ci devra moins consommer et polluer, et pour cela, s’affiner et s’alléger.
Sans aller jusqu’à la berlinette de mon exemple – c’est ainsi qu’était surnommée l’A110 première du nom dans les années 60, précision pour les jeunes qui ne l’ont pas connue – on devrait pouvoir résoudre l’équation Hauteur d’assise + Garde au sol = Aérodynamique + Légèreté.
J’y repensais en voyant tout à l’heure dans la rue une BMW Série 4 Gran Coupé passer à côté d’un monstrueux SUV BMW X4 qui en semblait le frère jumeau devenu obèse. Que donnerait cette Série 4 Grand Coupé avec ses bas de caisse à 20 cm du sol ? Avec en plus, un bel arrière Touring comme on sait les faire à Munich ? Je signale que 195 à 240 kg séparent ces deux voitures ainsi que quelques points de Cx.
Dans une Série 4 surélevée, le pépé de Nice ne se ferait pas mal au dos en s’installant et verrait aussi bien par-dessus le toit des Porsche 911. Et mémé se sentirait autant en sécurité que dans le X4. Qu’y perdrait-il, si ce n’est un peu de hauteur sous pavillon.
Bon, je l’admets, en partant d’un prototype Alpine, je viens de réinventer le break tout-chemin, mais l’histoire des modes automobile n’est-elle pas un éternel recommencement ?
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