Chauffeur-mécanicien, cycliste émérite, pilote de voitures, Louis Chevrolet crée sa propre marque en 1911, mais piètre homme d’affaires, il mourut dans le dénuement le plus complet en 1941.
La saga Chevrolet
Fondée en 1911, Chevrolet naît de la rencontre entre William Durant et Louis Chevrolet. Ce dernier, un Français né en Suisse en 1878, est à la fois un passionné de mécanique et un grand sportif. Coureur cycliste émérite, il élabore très tôt des vélos de course, qu'il produit sous la marque Frontenac, avant de gagner Paris en 1896.
Pilote officiel Fiat
Après un séjour parisien comme chauffeur mécanicien chez Darracq puis chez Dion-Bouton, il émigre aux États-Unis en 1901, en passant discrètement par le Québec. Retrouvant le même emploi dans la concession Dion à New York, il se lance aussitôt dans la course automobile et accumule des succès qui lui valent, dès 1904, un poste de pilote officiel chez Fiat. En trois ans, il se forge une solide réputation grâce à un joli palmarès, puis rejoint l'équipe Buick.
Reprise depuis 1904 par William Durant, cette marque est en quelque sorte le noyau dur d'un empire automobile que ce dernier est en train de bâtir. Financier, aventurier du libéralisme, William Durant a non seulement sauvé Buick de la faillite, mais en a fait, en trois ans, la principale rivale de Ford ! Il ne s'arrête pas en si bon chemin et rachète successivement les marques Oldsdmobile, Cadillac et Oakland, pour les intégrer avec Buick, en 1908, dans un consortium : la General Motors. Mais paradoxalement, la désinvolture dont il fait preuve par la suite dans les affaires lui fait perdre la confiance des banquiers, si bien qu'en 1910, il est évincé de la présidence de son propre groupe. Il demeure cependant au conseil d'administration et ne rêve que de reprendre le pouvoir.
Des mécaniques robustes et performantes
Lorsque Louis Chevrolet, son pilote vedette, lui fait part de son désir de fonder sa propre marque, Durant y voit l'opportunité de rebondir : en profitant de la réputation de Chevrolet, il pense que la marque peut connaître un succès rapide, consolider ainsi sa position financière et lui permettre de reprendre sa place à la direction de la GM, en intégrant Chevrolet au groupe.
Si Louis Chevrolet joue, certes, un rôle déterminant dans la conception de la première Chevrolet, en 1911, il s'aperçoit bien vite qu'il n'est qu'un instrument entre les mains de Durant. De plus, la première voiture ne plaît pas à ce dernier, qui la trouve trop lourde et trop chère. Il apprécie néanmoins sa mécanique robuste et performante, et décide la monter sur un châssis produit par l'une des nombreuses petites marques qu'il possède encore. La rupture est inévitable entre les deux hommes. Excellent pilote, mais piètre homme d'affaires, Louis Chevrolet cède alors tous ses droits – et surtout son nom – à Durant, avant de retrouver son indépendance. Il s'installe ensuite à Indianapolis, se lance à nouveau avec succès dans la course et fonde en 1916 la Frontenac Motor Company, qui fera rapidement faillite. Louis Chevrolet mourra pratiquement dans le dénuement le plus complet, en 1941. Vincenzo Lancia et André Citroën connaîtront aussi un triste destin de créateur d’automobiles à l’inverse d’Enzo Ferrari qui jusqu’à la fin de sa vie sera l’âme de Maranello.
Chevrolet : numéro 1 aux Etats-Unis dès 1927 devant Ford
Pendant ce temps, la marque Chevrolet a consolidé sa position de constructeur. Lancée en 1915, la Type 490 (pour 490 $) remporte un succès phénoménal : 13 000 ventes sont enregistrées dès la première année, 70 000 en 1917 et plus de 150 000 en 1920. En tirant les prix au plus juste, Chevrolet se place immédiatement derrière Ford grâce à son original modèle T. Un succès qui permet à Durant de réussir sa manœuvre financière. Propriétaire de 54 134514880es actions de General Motors après un subtil échange de titres, il reprend la présidence en 1916. Il perdra son poste quatre ans plus tard et, cette fois, de manière définitive.
Après un intérim, c'est Bill Knudsen, un ancien de chez Ford, qui reprend la direction de Chevrolet. Sous son impulsion, la marque devient bientôt numéro un aux États-Unis. Il améliore notamment la productivité, en s'orientant, en 1924 (comme Ford l'a fait depuis 1911), vers le “modèle unique” mais en affinant le concept en proposant des versions plus luxueuses et surtout moins anémiques et des moteurs 6 cylindres. Des mécaniques qui s'attirent immédiatement les faveurs du public, si bien que lorsque Ford arrête la production de la T en 1927, Chevrolet s'empare de la place de leader sur le marché américain. Elle la conservera en 1928 et 1929, la perdra ensuite quand Ford présentera ses premières V8, mais la reprendra en 1931.
Aujourd'hui, Chevrolet demeure le constructeur le plus populaire. Une position toutefois pas aussi solide qu'elle paraît. Chevrolet, comme toutes les autres marques de la General Motors, connaît à la fois tous les avantages et les inconvénients d'un puissant groupe. Si la GM lui apporte un certain confort sur le plan financier en autorisant quelques bévues retentissantes, elle souffre d'une extrême lourdeur du fait même de son gigantisme. À une époque où tout change très vite en termes de marché et de nouvelles niches, Chevrolet doit composer avec des délais de réaction qui sont parfois le double de ceux des constructeurs européens. Heureusement que le marché américain reste très protectionniste !
Lire aussi :
Déposer un commentaire
Alerte de modération
Alerte de modération