Y a-t-il un volontaire pour sauver l'échéance électrique de 2035 ?
Tous les arguments pour elle sont battus en brèche. Nombre d’instances, publiques ou industrielles s’y opposent. Tous les indicateurs économiques plaident en sa défaveur. Combien de chances restent-ils pour que l’échéance de 2035 soit maintenue ? Très peu.
Crédit photo : BELPRESS/MAXPPP
Ce n’est plus un léger obstacle à franchir, c’est une montagne. Jamais, depuis la décision de l’Union d’interdire la vente de voitures thermiques neuves au 1er janvier 2035, cette mesure n’a suscité autant de réticences, volte-face, suppliques, retournements d’opinions et conjonctures internationales contre elles.
Le report de l’échéance se profile et certains écologistes évoquent déjà un lobbying surpuissant de l’industrie automobile qui squatterait les immeubles de la Commission et du Parlement à Bruxelles à longueur d’année. Mais ce n’est que le fantasme d’un cabinet occulte censé guider la main du politique.
Un lobbying inutile
L’ACEA, le looby en question, censé regrouper les constructeurs européens est divisé comme jamais et si certains de ses membres ne sont plus d’accord entre eux, d’autres, comme Stellantis, en ont carrément claqué la porte. La réalité est plus simple que le fantasme du complot : les marques du vieux continent n’ont même plus besoin de supplier puisque les évènements internationaux et la récession qui guette en Europe font que les gouvernants des 27 plaident pour les constructeurs.
Dernier épisode en date : les normes CAFE et les grosses amendes qui doivent retomber sur les marques qui ne respectent pas les 81g d’émissions moyennes dès l’an prochain et qui, elles aussi, ont du plomb dans l'aile. La scène se passe en marge du récent Mondial de l’auto. Sur scène, devant un parterre de décideurs de l’automobile, le ministre de l’économie, Antoine Armand exprime tout son amour pour les voitures et son souhait d’aider la filière.
Sauf que ses caisses sont vides. Alors, il fait un cadeau pas cher à la filière et leur promet d’aller plaider sa cause à Bruxelles, pour lui éviter les amendes l’année prochaine, puisqu’elle comptait sur les ventes d’électriques pour compenser les thermiques. Sauf que les premières se vendent mal, d’où les millions d’amendes prévisibles. Et la semaine dernière, par la voix de son ministre, le gouvernement Barnier a effectivement et officiellement demandé à l'UE de sursoire à ces normes
En quoi cet épisode pourrait-il faire sauter les digues et la date butoir de 2025 ? Selon Patrice Pelata, ex N°2 de Renault interrogé par Les Échos, ce coup de canif sera suivi d’autres. « Si les constructeurs ne passent pas 2025, ils n'y arriveront pas en 2030 et encore moins en 2035, Aménager l'échéance de 2025 reviendrait de facto à autoriser le secteur à ne pas suivre le plan fixé par l'Europe. ».
Et l'on sent poindre l’idée, à Paris comme à Berlin, d'une transition écologique sans dégâts. « On veut bien être verts, mais pas au détriment de l’économie ». Tel semble désormais le credo des deux tauliers automobiles de l’Europe que sont la France et l'Allemagne. Les autres pays ont bien leur avis, mais la Commission a étonnamment tendance à leur prêter une oreille moins attentive.
L’entente franco-allemande semblant donc rétablie pour lutter contre l’auto électrique. Et pour que toutes les étoiles s’alignent, il suffit que l’opinion public rallie ses dirigeants dans ce domaine. C’est chose largement faite. Au travers des médias, qui multiplient l’électro-bashing, sur TF1, comme sur M6, qui s’est fort heureusement rattrapé après avoir réalisé un comparatif bancal entre une Peugeot e-208 opposée à sa sœur hybride.
La presse elle-même, spécialisée ou pas, est égalemnt coupable d'électro-réticence lorsque elle relaie des études qui expliquent que la voiture électrique polluait autant que la thermique. Des études qui, pour quelques-unes d’entre elles, oublient tout simplement la part d’émissions émises en roulant, évidemment nulles pour les autos électriques.
De même que d’autres études oublient, en expliquant que le prix d’une électrique est 30% plus cher qu’une thermique, que son coût d’utilisation est inférieur de 60%, puisque 90% des recharges se font à la maison et que les frais d’entretien sont réduits.
L'on peut ajouter à ce cocktail d'amnésie les fameuses autos à watts qui prennent feu et que des médias ou des réseaux sociaux font buzzer. Ils en oublient au passage les thermiques qui brûlent, et le fait que les conducteurs de ces dernières sont assis sur des dizaines de litres d'un carburant hautement inflammable.
L'électrique prend feu et pollue plus que le thermique ?
Volonté de nuire ? Réflexe d’une presse incapable de changer son logiciel gavé au bon vieux pétrole depuis des lustres ? Toujours est-il que l’effet de ce bad buzz a largement contribué à forger une opinion défavorable. Si l’on ajoute à ce cocktail détonnant les (réelles) difficultés de l’industrie automobile en ce moment, laquelle est vraiment liée à la voiture électrique, cette dernière a du sans-plomb dans l’aile. Et son échéance d’obligation de 2035 risque d’être reportée, par le biais de la clause de revoyure fixée en 2026, mais qui pourrait bien être exercée dès 2025 à la demande de plusieurs pays.
Du coup, qu’est ce qui pourrait bien sauver le soldat électricité si les pouvoirs publics et l’opinion tout aussi publique sont contre lui ? Qu’est ce qui l’empèche l'échéance 2035 d’être reporté d’abord en 2040, puis aux calendes grecques ? L’économie peut-être, celle qui plombe les constructeurs aujourd’hui, mais qui pourrait bien les sauver demain. Car ils ont investis des centaines de milliards dans cette transition et les perdre serait se perdre eux-mêmes.
Déposer un commentaire
Alerte de modération
Alerte de modération