The Grid : le championnat automobile virtuel d’E-Motion pour décrocher un volant réel
Vous rêvez d’être pilote ? Vous êtes jeune et ambitieux ? Vous n’avez pas les moyens de faire vos preuves et de vous entraîner ? Il existe une passerelle, à la manière de la Gran Turismo Academy, pour accéder à un volant réel depuis le virtuel. Ça s’appelle Grid, et nous l’avons essayé pour vous.
La Gran Turismo Academy a fait des émules. Cette fois-ci, cela se déroule en France. Issue de la rencontre entre un pilote de sim racing devenu pro sur circuit et le groupe automobile Car Lovers, cette expérience va connaître sa première ouverture à Paris. À l’occasion du Mondial de l’Auto 2024, nous nous sommes entretenus avec Louis Perrot et avons pris le volant d’un des simulateurs.
Aux commandes, le matériel change de mon T300RS et de ma table de salle à manger. Le cockpit permet de rentrer sans pouvoir sortir facilement. Les pédales de frein offrent une progressivité remarquable, permettant des freinages fins et de très bons dégressifs. Les palettes répondent correctement, mais ça ne m’a pas bouleversé. Le retour de force du volant est parfaitement calibré, et le direct drive, c’est quelque chose en matière de ressenti.
Mais le top du top, ce sont les chocs parfaitement rendus par le baquet sur vérins. Il est possible de distinguer les différents revêtements grâce aux vibrations qui parcourent notre corps.
Les 15 minutes filent à toute allure. Juste assez pour me donner envie de remettre un ticket. Mais l’interview m’attend.
L’interview
Je me suis donc entretenu avec Louis Perrot. Il n’a pas commencé à me parler de lui. Ce jeune homme, d’une bonne tête de plus que mon 1,80 m, arborait une humilité sincère.
Il m’a raconté son projet avec une passion palpable. Et pour cause, lorsqu’il a commencé le sim racing, il jouait à e-Racing chez lui, le volant Mad Catz calé à sa table avec des planches de bois. Ce sont trois années plus tard, lorsqu’il emmène la M3 E46 qu’il s’est offerte en trackdays, qu’il se dit que piloter, c’est tout de même vachement bien. Il s’est fait remarquer, au point de se voir offrir le volant d’une Porsche 911 GT3 Cup.
Évidemment, son histoire va inspirer le projet dont il est question. Un projet qui a deux objectifs.
Le premier est un énorme simulateur appelé e-Motion, composé de 42 postes plus une Formule 1, qui va ouvrir à Paris Bourse. Ce sera le plus gros simulateur de France. Et quand je vous dis simulateur, je vous parle de la crème de la crème. Baquet monté sur vérins, direct drive, hydraulique, Louis est allé piocher chez Simcube, et le résultat est, je dois l’avouer, bien loin de mon T300 RS et de ma chaise Conforama.
Le second objectif vise à accompagner des pilotes virtuels vers le réel. Avec Car Lovers, ils ont créé The Grid. Un championnat qui n’a rien à voir avec le jeu éponyme et pour cause, ce qui sert de base logicielle est un mod d’Assetto Corsa. Disons que le terme renvoie à la grille de départ.
Les sélections se feront via des hot laps. Comble de l’ironie, Édouard, patron de Car Lovers, a pour nom de famille Édouard Schumacher. Une coïncidence, car il n’y a aucun lien de parenté. Comme quoi, certains noms sont plus disposés que d’autres à côtoyer les machines de courses et les belles autos.
À l’issue des hot laps, les meilleurs se verront conduire de vraies voitures de course, sur de vrais circuits, dans la vraie vie.
Et pour cause, Édouard Schumacher est impliqué dans des compétitions comme la Porsche Carrera Cup, la Porsche Mobil 1 Supercup, et le GT World Challenge Europe. Il a formé une alliance stratégique avec l'équipe CLRT pour créer l'équipe Schumacher CLRT, et son groupe englobe également Autosport GP et IMSA Performance, actifs dans diverses autres compétitions telles que l'Alpine Europa Cup et le Lamborghini Super Trofeo. Bref, il y a de quoi faire. D’autant que le volant que récupérera le pilote n’est pas encore défini.
Côté ambition, Louis vise un pilote par saison. À titre de comparaison, 22 sont sortis de la GT Academy en 9 saisons. Le challenge est de taille. À plus court terme, l’objectif est qu’en 2026, un pilote sélectionné fasse une saison entière gratuite dans la team, dans la vraie vie cela va de soi.
À ce moment-là de l’échange, une question m’intriguait. Je me demandais si jouer avec du matériel de pointe avait une influence significative sur les temps. Un sourire en coin, je me disais que sa réponse allait confirmer que je n’étais pas nul mais seulement mal équipé. Ce fut l’inverse. Louis me confirma que le matériel de pointe influe sur l’immersion mais pas sur les performances. Ainsi, votre set-up abordable de quelques centaines d’euros n’engendrera pas de moins bons chronos qu’un set-up à 36 000 euros, coût estimé de chacun des postes.
Reste la simulation. Le choix de Louis et de son équipe s’est porté sur Assetto Corsa, classique et non sur la version Competizione. Un choix logique, cette simulation étant « modable » (modifiable et personnalisable en profondeur), il est possible de créer des circuits spécifiques ou des voitures aux réglages et comportements précis. Le tracé du circuit étant réalisé à l’aide d’un cadrage laser.
Côté réalisme, Louis m’explique que l’usure liée à l’intensité de la rencontre avec les vibreurs est la limite du virtuel. Les variations d’adhérence, en revanche, sont parfaitement reproduites, tant au niveau de l’usure que de la température de la piste, en passant par l’humidité et donc, forcément, la pluie.
Tout cela étant éclairci, je me suis demandé comment le programme The Grid allait fonctionner. Il faut avoir minimum 16 ans pour rouler sur circuit. Donc l’âge minimum requis pour prétendre à la sélection est de 16 ans. Évidemment, rien ne vous empêche de faire s’entraîner votre rejeton pour qu’il devienne le futur Hamilton ou Verstappen (comme ça, il n’y a pas de jaloux). L’équipe a également un set-up de kart, gardant la possibilité de s’ouvrir à la monoplace. Le kart étant accessible bien plus tôt. Mais gardez en tête que tout palmarès en sport auto vous éliminera d’office. L’objectif est d’offrir la chance à ceux qui ne peuvent pas intégrer le sport auto par la voie classique, très chère, trop chère pour la majorité.
Le challenge revient à battre des temps de référence pour se faire remarquer. Au total, 8 manches permettront de sélectionner une brochette de pilotes, les meilleurs parmi les meilleurs (Monsieur), qui seront alors testés sur piste pour qu’à la fin, il n’en reste qu’un, ou qu’une d’ailleurs. L’autre intérêt étant d’ouvrir la compétition aux femmes également.
L’équipe a pour ambition d’ouvrir des salles partout en France. Chaque salle offre d’autant plus de chances de trouver de nouvelles pépites. De quoi chambouler le petit monde très fermé du sport auto ? Possible et logique même. Car la simulation représente désormais 70 à 80 % du temps d’entraînement d’un pilote professionnel, me confie Louis. Le chiffre me paraît élevé, mais rationnel. Tourner avec les voitures sur piste est de plus en plus onéreux. Et aujourd’hui, les technologies sont suffisantes pour s’améliorer. Le choix d’Assetto Corsa prend ici tout son sens, grâce à la modification totale et précise du jeu.
À ce moment de l’interview, je me demandais quelle était la différence de prix entre m’entraîner 30 heures sur simulateur et le faire sur circuit. La réponse était (forcément) intéressante à plus d’un titre.
Un week-end en Porsche Cup avec 4 heures de roulage coûte aux alentours de 30 000 euros. En se contentant du circuit et en venant avec sa voiture, les 4 à 5 heures de circuit tournent autour des 500 euros. La cinquantaine d’euros (275 € en incluant le prix du parking parisien pour la journée) est anecdotique à côté.
À ce moment de l’échange, j’ose une curiosité, pas vraiment mal placée, et demande comment les autres pilotes l’ont accueilli, lui qui venait du sim-racing. Louis m’a expliqué que, quoi qu’il arrive, dans un milieu de compétition, il faut faire ses preuves. Le jeu vidéo (tel qu’il le cite) était une raison dans ce cas-là. Mais ça en aurait été d’autres pour un autre pilote. Il a su faire sa place, et aujourd’hui, c’est un pilote comme les autres.
Cette incartade passée, j’entame la dernière ligne droite. Je demande si cette absence de perception des dégâts en virtuel n’avait pas un effet négatif une fois au volant. Tant par un manque de respect de la mécanique que pour la peur générée par le fait que, si on se crashe, c’est pour de vrai et ça fait mal. Louis m’explique que de son côté, l’adrénaline était telle qu’il n’a pas senti la peur. Puis tour après tour, le corps et l’esprit s’habituent.
L’interview est sur le point de se terminer. Une dernière question me vient à l’esprit. Les écrans sont des Samsung incurvés. Alors j’interroge Louis sur les casques de réalité virtuelle. Selon lui, ce n’est pas encore assez au point et surtout, peu de gens le supportent. Donc, pas pour le moment. Je le crois. Ce n’est pas un casque VR qui augmenterait de trop la note d’un tel set-up. Set-up qu’il est d’ailleurs possible d’acheter pour chez soi, moyennant 36 000 euros HT.
Déposer un commentaire
Alerte de modération
Alerte de modération