Route de nuit - L'enfer des tablettes
Depuis quelques années, les tablettes tactiles envahissent les voitures. Pire, ces accessoires douteux et lumineux ne cessent de grandir. Pourtant, ce sont des aberrations ergonomiques, surtout quand on fait la route de nuit.
Ah quelle belle époque où les tableaux de bord étaient conçus pour être lus en un coup d’œil. Ecrans grands et sobres, aux inscriptions claires, positionnement soigneusement étudié des diverses commandes, ambiance épurée à bord pour mieux se concentrer sur la route… BMW produit de ces splendeurs ergonomiques dans les années 70-80-90. Comme tout a changé !
Désormais, il n’est plus de salut commercial pour une voiture sans une énorme tablette à bord. Mercedes joue un rôle particulier dans cette prolifération néfaste, lui qui a compris avant tout le monde que ça plairait à la clientèle. C’était dans la Classe A W176 de 2012, qui m’avait fait pouffer tant l’écran central (même pas tactile) ressemblait à un iPad bêtement collé sur le tableau de bord. Les acheteurs ont adoré ! Plus la route se complexifie, plus ils plébiscitent ce qui les en détourne. Fabuleux, non ?
A tel point que dans la dernière Classe A, on a carrément remplacé le traditionnel combiné d’instruments par une immense dalle digitale, une sorte de sapin de Noël digital qui, croyais-je, plaisait surtout aux jeunes geeks. Que nenni ! Un jour que je me trouvais à côté d’un parcours à troutrous, après avoir déblatéré des commentaires acerbes sur une A35 AMG devant la caméra, deux golfeurs sexagénaires se sont arrêtés devant l’allemande pour s’ébaubir d’admiration. Devant quoi ? Pas le moteur. Pas la ligne. Non, l’invraisemblable bouffonnerie digitale qui lui tient lieu d’instrumentation ! Les deux dignes messieurs étaient comme des enfants devant un jouet qui clignote…
Depuis, le constructeur à l’étoile atteint des sommets dans l’aberration technologico-bling-bling, présentant des Classe S et C où le spectaculaire remplace définitivement l’ergonomique. Pire, il annonce son EQS en en dévoilant d’abord l’immense écran qui succède au tableau de bord. Outre les problèmes que cela pose en consommation d’énergie et en réparabilité, à une époque où la décroissance et le développement durable gagnent du terrain, je me demande bien comment on pourra se focaliser sur la conduite avec la profusion d’informations plus ou moins inutiles affichée par la voiture. Surtout si le passager décide de jouer avec les écrans… C’est là que l’automatisation de la conduite (une autre belle couillonnade) prend tout son sens : elle palliera les carences du conducteur distrait par les tablettes. Vous avez dit absurde ?
Le pire, c’est que j’ai tort : ces énormes gadgets vont constituer, pour ces Mercedes notamment, des USP, Unique Selling Point, des arguments de vente décisifs. Et je serais injuste en ne fustigeant que l’étoile. Tesla fait très fort en matière d’écrans aussi XXL qu’imbitables, Ford suit de près avec sa Mustang Mach-E, sans oublier le Groupe VW et PSA, pour citer qu’eux.
Dans la Peugeot 308, il est pratiquement impossible de régler la clim en roulant, à cause des mouvements de la voiure, car cela ne peut se faire que par l’écran (sauf sur le modèle de base).
Dans la Golf VIII, je me suis plusieurs fois arraché les cheveux à cause de ce foutu afficheur central. Essayez donc d’appuyer sur une partie bien précise de celui-ci en roulant, sans vous louper. Sans changer involontairement de menu, avant de galérer pour récupérer le bon. Sans déraper sur la réglette horizontale servant à ajuster la clim ou le son du système audio. Argh !
En 1993, Saab avait mis au point une fonction « black panel », ne laissant éclairé que le tachymètre, pour ne pas distraire le conducteur, comme en aviation. Dans ma vieille Fiat 132 de 1976, on peut même interrompre l’éclairage des multiples instruments quand on fait la route de nuit. Là encore, au bénéficie de la concentration. Volvo et BMW avaient, de leur côté, imaginé des écrans rétractables. Fini tout ça ! Les acheteurs n’en veulent pas !
Désormais, on en prend plein la figure, qu’on le veuille ou non, avec ces maudites tablettes beaucoup trop lumineuses (même réglées au plus sombre) diffusant des milliards d’infos dont on se fout en conduite nocturne.
Et si ça ne suffit pas, il reste l’affichage tête haute ! Tout ça pour éblouir le chaland en concession, et bien souvent, le détourner de défauts de finitions criants. Un chaland qui bien souvent n’utilisera pas 10 % des fonctions de la tablette ! Oui, j’ai mes côtés vieux ringard, mais que voulez-vous, je ne suis pas Han Solo faisant joujou avec son Faucon Millenium. J’aime simplement conduire…
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