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Route de nuit - 1982, un salon de l’auto exceptionnel

Dans Salons / Salon de Paris

Stéphane Schlesinger , mis à jour

Salon de l'Auto 1982 - Mondial 2022, autre temps, autre salon. Stéphane Schlesinger évoque avec tendresse et sensibilité sa découverte aux côtés de son père du salon 1982. Après une période de troubles économiques importants, l’automobile a retrouvé des couleurs en 1982, ce qui a donné lieu à un Salon de Paris étonnamment prodigue en nouveautés, françaises et surtout allemandes.

Route de nuit - 1982, un salon de l’auto exceptionnel

Si, si, rappelez-vous. Fut une époque folle où sur plusieurs hectares, des centaines de voitures neuves étaient exposées à Paris lors d’un évènement proprement hallucinant : le Mondial de l’automobile.

Plus fort encore, plus d’un million de personnes s’y pressaient à chaque fois qu’il avait lieu, tous les deux ans depuis 1978. Et ces visiteurs avaient la possibilité d’essayer sur route les modèles qu’ils convoitaient. Oui, dans la capitale.

Cette énorme manifestation revêtait une importance mondiale, tous les constructeurs de la planète ou presque y exposant leurs dernières créations. La presse en profitait, l’Auto-Journal, pour ne citer que lui, sortant un exceptionnel numéro « Spécial Salon » tous les ans. Il a même conservé cette judicieuse tradition. Fou, non ? La dernière de ces monstruosités écologiques a eu lieu en 2018, et si un Mondial est annoncé pour 2022, on ne sait pas quelle forme il prendra.

Opel Corsa
Opel Corsa
Ford Sierra
Ford Sierra

Voici quarante ans, s’est tenue une édition assez mémorable du salon de l’auto, comme on disait alors. En effet, en 1982, une rafale de nouveautés capitales a crépité : Audi 100 C3, Citroën BX, Ford Sierra, Opel Corsa… Toutes ont été produites à au moins un million d’exemplaires !

Peugeot 505 Turbo
Peugeot 505 Turbo

Et c’est sans compter l’arrivée de versions inédites de modèles déjà existants : MG Metro, Peugeot 505 Turbo, Porsche 911 Cabriolet, VW Golf GTD, VW Polo Coupé… Un salon très important donc, sachant qu’à l’époque, les constructeurs étaient moins nombreux que maintenant, et leurs gammes le plus souvent infiniment moins riches. Cela dit, BMW et Mercedes ont boudé le rendez-vous parisien, présentant leurs Série 3 E30 et 190 plus tard en 1982.

En conséquence, il y avait une foule impressionnante porte de Versailles, où gamin, je me suis rendu avec mon père qui aime bien les voitures, sans toutefois atteindre le degré pathologique de votre serviteur.

Le trajet en métro m’a paru interminable, tant l’impatience de me trouver sur le salon me tordait les tripes. Sur place, les nouveautés étaient difficiles à approcher, mais peu importe, le cœur battant, j’avais pénétré le saint des saints. Je ne sais plus si je suis parvenu à m’installer dans la Ford et l’Opel, mais j’ai réussi à approcher, voire à toucher l’Audi.

Audi 100
Audi 100

La 100, comme je l’ai mentionné dans une Route de nuit précédente, a marqué son époque en relançant la mode de l’aérodynamique : on ne parlait que de ça. Evidemment, sa carrosserie incroyable me faisait rêver. Je me rappelle n’avoir pu m’empêcher de tendre la main pour ouvrir la porte de l’allemande. Sauf que ce n’était pas celle d’un exemplaire destiné au public mais bien du démonstrateur exposé sur un podium protégé par une barrière, toutes entrailles apparentes, qu’on n’avait, bien sûr, strictement pas le droit de toucher. C’est très mal.

Mêlé à la foule entourant le podium, on ne m’a pas vu apparemment… Surtout que nous nous sommes ensuite rendus sans encombre au centre d’essai, où mon paternel a pu prendre les commandes d’une 100 CD 5E gris métal intérieur noir. A l’arrière, j’ai trouvé sympa l’habitacle immense et lumineux. Mon père, lui, n’a pas apprécié de se cogner la tête sur le montant central, très incliné, de l’allemande. Ni son moteur, qu’il a jugé « râpeux » comme il me l’a dit. De toute façon, elle était trop chère pour lui.

Citroën BX
Citroën BX

Ensuite, la BX. La BX ! Cette familiale longtemps considérée comme l’incarnation de la ringarditude beaufesque est devenue une star des youngtimers. Et lors de sa sortie, elle a fortement marqué les esprits. Déjà, parce qu’à l’époque, toute nouvelle Citroën qui sortait était un évènement en soi. Ensuite, à cause de son look clivant mais jugé très moderne, même si l’Audi 100 a suggéré à de nombreux observateurs que le Double chevron aurait pu aller plus loin.

Mais l’auto regorgeait de qualités, comme nous avons pu avons pu nous en rendre compte, père et fils, après nous être rendus au centre d’essais Citroën. Une 16 TRS rouge intérieur marron nous attendait qui, effectivement, était d’un confort assez étonnant. On était bien dans cette voiture !

Le vendeur, un paisible quinquagénaire lunetté arborant un collier de barbe façon prof d’histoire-géo, lui, a moins apprécié les remarques acerbes de mon père concernant la finition de la Citroën, « en zigouigouis ». Et c’est vrai que les ajustements paraissaient très approximatifs. Néanmoins, l’auto était solide.

Alors que nous nous étions arrêtés pour que le commercial effectue une présentation de l’auto, j’ai jugé opportun, au bout d’un moment, de fermer le hayon pensant que nous allions repartir. Il était bien plus léger que je ne l’avais imaginé, et je l’ai claqué avec une violence qui m’a surpris moi-même. Bam ! Sur le coup, j’ai cru avoir cassé quelque chose, mais la BX était restée intacte. Ce qui n’a pas empêché deux regards noirs de se poser sévèrement sur ma tête innocente… Mon père n’a pas acheté la BX.

Fiat Argenta
Fiat Argenta

Ni la Fiat Argenta 2000 ie que nous avons essayée peu après. Pourquoi une auto aussi improbable ? Parce que mon paternel possédait alors une 132, dont l’Argenta était une évolution profonde. Je me souviens très bien de la visite au centre d’essais Fiat, porte Dauphine. Notamment quand un client est parti tester une Ritmo Abarth 125 TC rouge avec un vendeur.

Ce dernier, au volant, a démarré en trombe, moteur hurlant, roues avant à la torture, traversant la place comme un fou en plein trafic. J’ai bien vu la tête du prospect taper l’appuie-tête quand la Ritmo s’est élancée. Ça a jasé dans le stand, où on m’a ensuite donné un jus d’orange et surtout… On me tapote l’épaule, je me retourne, et une charmante hôtesse m’offre une miniature de 132, signée Mercury. Là, comme ça, sans prévenir. Surprise divine !

Moi qui étais dingue de petites voitures, j’ai eu du mal à en croire mes yeux ! Je me suis même demandé un instant s’il fallait la payer. Quant à l’Argenta, bordeaux intérieur brun dans laquelle nous avons roulé, je l’ai trouvée très confortable. « Elle est mieux que je l’imaginais », dis-je à mon père. « Ben moi, je l’ai trouvée moins bien », a-t-il rétorqué. Il ne l’a pas achetée non plus.

C’était en fin de journée. Nous avons regagné le salon dans une navette Fiat (un 900 E, mais je n’en suis plus très sûr) puis repris le métro pour récupérer la 2CV familiale (une Azam de 1965, si ça vous intéresse) à l’autre bout de Paris afin de rentrer à la maison, en Seine-et-Marne. Evidemment, j’étais un peu triste, malgré les quelques prospectus que j’avais glanés, et surtout la 132 miniature tombée des cieux. Il allait falloir attendre deux longues années pour revivre le rêve du salon de Paris !

Un rêve qui avait dû être partagé par des milliers de gamins dans mon genre, car à l’époque, l’automobile, c’était… bien ! Personne ne pensait à en réduire la place dans la société, et encore moins à entraver outrancièrement son usage. Tout le monde voulait la sienne, la presse spécialisée prospérait, les Français se passionnaient pour les « GTI » dont ils allaient devenir les plus gros consommateurs européens. On a même demandé au président François Mitterrand quelle auto il choisirait à l’occasion de ce salon :

« - Monsieur le Président, en tant que consommateur, quelle serait la voiture que vous achèteriez à l'issue de ce salon ?

- J'aurais une très sérieuse hésitation parce que celles-là, c'est la forme de la voiture, d'autres c'est sa puissance, d'autres c'est la légère consommation, une autre aussi sa couleur. Tout ça me tente, successivement. C'est à l'image de la vie mais je ne vous dirai pas ce que je fais. Pour l'instant, je circule dans mes fonctions de Président de la République avec une voiture que j'aime beaucoup qui est une bonne Renault 30 mais je ne fais pas de publicité. »

François Mitterrand "recevant" la Super 5 à l'Elysée.
François Mitterrand "recevant" la Super 5 à l'Elysée.

Il allait même vanter les mérites de la Supercinq en 1984, se montrant au volant de la petite dernière de la Régie dans la cour de l’Elysée. Imaginerait-on Emmanuel Macron tester ainsi une nouveauté ? Non, d’ailleurs, il ne l’a pas fait en 2018, et personne ne lui a demandé ce qu’il aimerait acheter.

Le Mondial de Paris était une grand-messe de l’automobile, tout comme Genève en Suisse et Francfort en Allemagne. Tous ces salons ont disparu, tout du moins sous la forme qu’on leur connaissait, et on ne peut pas dire que Munich, qui a remplacé Francfort, ait rencontré un grand succès. Tout change…

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