4. Interview : Claudio RIZZOTTO nous dit tout
Lors de la visite de l'usine MV-Agusta de Varèse, j'ai pu m'entretenir avec Claudio Rizzotto. Il a eu la gentillesse de m'accorder un entretien sans langue de bois malgré les nombreuses questions des membres du MV-Agusta club de France.
Depuis la mi-juillet, Harley Davidson est propriétaire à 100 % de MV-Agusta. Est-ce MV qui a choisi Harley ou est-ce l'inverse qui s'est produit ?
"Je crois qu'il s'agit d'une approche réciproque. Aujourd'hui, MV-Agusta avait besoin d'un partenaire financier c'est clair. Notre président, Claudio Castiglioni, a répondu tout à l'heure à une question en disant que les choses ne pourront être que mieux. C'est parce que le président a choisi. En toute modestie, c'est MV qui a choisi son partenaire. "
A un moment, on a aussi entendu parler que l'indien Tata était intéressé pour racheter la marque. Qu'en est-il réellement ?
"Tata est un grand groupe mais les journalistes se sont trompés. Tata n'a jamais été approché par nous, ni eux se sont approchés de nous. Il y a eu de la confusion car il y a eu effectivement un groupe indien qui nous a contacté mais c'est la seule chose qu'ils ont en commun. C'était un simple investisseur. Je dis simple car il ne représente pas un constructeur ni autre chose. Ce type d'investisseur ne nous intéressait absolument pas. Nous voulions quelqu'un qui était déjà un mythe dans la moto. Il y a eu d'autres groupes, même des grands groupes automobiles européens, qui nous ont contacté. MV-Agusta représente une légende et je crois qu'il n'y a pas de prix ou d'euros suffisants pour acheter une histoire et une gloire telle que celle de MV-Agusta. Ce n'est pas cher payé car tout est fait, il n'y a qu'à faire repartir."
Harley-Davidson et MV-Agusta travaillent dans des secteurs très différents. Le custom d'un côté et le sport pur et dur de l'autre. Comment allez vous travailler ensemble ?
"Dans un premier temps, les 2 structures vont être séparées mais nous allons être complémentaires. C'est à dire que comme dans tout mariage, nous allons partager les efforts, les joies et les peines. Quand 2 groupes se mettent ensemble, la première chose que l'on constate, c'est une économie d'échelle. Mais de là à ce que cela ce mélange, nous n'en sommes pas là. Le réseau Harley a une clientèle spécifique, et le réseau MV aussi. C'est juste une complémentarité de maison qui ont fait l'histoire de la moto et qui vont continuer de la faire. "
Quelles vont être les premières choses qui vont être faites après se rachat ?
"La première chose, c'est de rassurer et régler les attentes de nos fournisseurs et en même temps mettre en route, non pas des projets mais ce que nous avions déjà préparé et que l'on avait arrêté par manque de moyen. On sait qu'ils auront besoin de nos conseils car ils ne connaissent pas forcément notre secteur même si Harley fabrique 300.000 motos. Leur modestie et leur appel à l'aide qu'ils nous font en nous disant bienvenue dans leur famille, c'est bien parce qu'il compte sur nous pour prendre nos décisions."
Et à plus long terme ?
"Mon président, Claudio Castiglioni a répondu tout à l'heure. Dans les 3 ans, MV-Agusta veut revenir en motoGP. Il y a une phrase importante que M. Castiglioni aime répéter et elle n'est pas présomptueuse, loin s'en faut : "Nous savons ce qu'il faut faire pour gagner, il nous suffit de décider quand". Et je crois qu'une marque comme Harley associée à la notre peut revenir en motoGP non pas pour augmenter les ventes parce que MV a un critère spécifique. Ce sont des motos faites à la main. Donc la compétition, ce sera juste pour nous un rappel de ce que nous sommes et de notre savoir faire. Ferrari fait bien de la compétition mais ils ont plafonné un nombre de voitures vendues et pour rester Ferrari aussi bien en qualité qu'en prestige, il ne faut pas dépasser un certain seuil. C'est la même chose pour MV-Agusta.
Ce retour en motoGP est-il déjà programmé ?
"En disant 3 ans, nous ne prenons pas de risque. Les américains, quand ils ont décidé quelque chose, ils ne jouent pas petit bras. Une fois qu'ils sont décidés, ils y vont à fond. Ca pourrait être plus rapide mais 3 ans me paraît raisonnable pour préparer une moto qui gagne. "
Est-ce que MV pourrait aussi revenir en mondial Superbike ?
"Nous sommes déjà prêts pour le Superbike. Une saison en Superbike pour une moto gagnante, c'est 3 à 4 millions d'euros de budget. Nous avons déjà une machine prête pour les team privés. Des machines avec un kit qui comportent des échappements spécifiques, des pièces racing etc pourront courir l'année prochaine malgré notre changement de production à 1078cc. Mais on sait toujours faire des 1000 cc. Nous allons profité de l'année 2009 pour affûter encore la moto et ensuite, arriver en 2010. "
Quels sont les objectifs de développement en France ?
"Souvent, il m'arrive de parler du réseau. Il y a 2 ou 3 ans, je le faisais avec de l'attente et de l'espoir. Aujourd'hui, je ne veux plus attendre. Je vais trancher dans le vif. Au bout de 3 ans, j'estime que ce qui ont compris et ont voulu faire le travail qu'on leur demandait, en respectant le client MV-Agusta, aujourd'hui, ils n'ont rien à craindre. S'ils étaient bons, on va même les aider à le devenir davantage. Les autres, qui nous ont fait perdre du temps et qui n'ont pas compris qui nous étions, je leur souhaite bonne chance ailleurs"
Certains concessionnaires n'ont pas joué le jeu ?
"Disons que certains concessionnaires se sont servit de la marque et de son placement haut de gamme pour abuser. Par exemple, nous proposons une ligne titanium en option pour la brutale. Des clients ont entendu dire que cette ligne coûtait 7.000 € ce qui est un scandale. Cette ligne, plus les Eprom correspondant, une fois montée et réglée ne doit pas coûter plus de 3.000 €. Nous avons aussi des soucis lors des révisions avec des concessionnaires qui n'utilisent pas les huiles préconisées. Si MV-Agusta préconise une certaine qualité d'huile c'est qu'elle est nécessaire pour faire fonctionner de manière optimum un moteur aussi pointu. Ce sont des exemples parmi d'autres."
Combien de MV ont été vendu en France en 2007 ? Quel est l'objectif ?
"L'année dernière, nous avons immatriculé environ 400 motos. Pour moi, l'objectif est plutôt à l'échelle européenne. Cela fait longtemps que j'y songe et que je le dis. Une marque comme MV produit des motos en tirage limité de 16.000 unités à plein régime. L'idéal serait d'en vendre 1.000 en France, 1.000 en Allemagne et en Italie etc, pas une de plus pas une de moins. C'est à dire créer des galons importants. Actuellement, c'est très disparate. En Italie, on est entre 2500 à 3500 immatriculations et en France 400, il y a un problème. Ce n'est pas lié au fait de connaître ou ne pas connaître la marque. En France, c'est un pays de motards fait de passionnés hormis quelques règles étranges. Autre chose étrange en France, il y a des motoristes et tout ce qu'il faut pour faire des motos mais c'est à croire que la moto est presque un défi à l'état français à tous les niveaux."
Tout à l'heure, vous parliez d'un concept de concession en France. Qu'en est-il réellement ?
"Depuis mon arrivée ici, ça a toujours été mon idée. Mais je considère qu'il fallait grandir à petit pas. Au bout de 3 ans, celui qui n'a pas su franchir un cap va sûrement passer à côté de quelque chose. Je n'ai jamais dis que l'on pouvait vivre avec un store MV Agusta aujourd'hui. Mais en 2010, nous aurons 5 modèles avec une gamme allant de 9.000 à 23.000 €. Donc ce qui n'ont pas joué la carte aujourd'hui, sont sûrement passé à côté de beaucoup de chose. "
Vous parlez qu'au bout de 3 ans, vous aller développer le réseau et que dans 3 ans, MV-Agusta pourrait revenir en motoGP. Mais on entend aussi parler d'un 3 cylindres. Le 3 vous suit ?
"Effectivement, il va y avoir un 3 cylindres dont on dit sans hésiter qu'il aura une dizaine d'années d'avance sur tout ce qui ce fait aujourd'hui sur le marché. Le moteur sera très compact et le poids sera très réduit : - de 40 kg, hors le meilleur moteur aujourd'hui pèse 49 kg. 9 kg de moins sur un moteur, c'est énorme sur le plan technique pour un moteur qui développera 140 ch sur les circuits. Et tout ceci dans une moto qui pèsera moins de 160 kg."
Pourquoi venir au 3 cylindres ?
"Parce que c'est notre histoire. La gloire de MV-Agusta s'est faite avec un 3 cylindres. Agostini a tout gagné avec notre 3 cylindres de l'époque. Et puis c'est un produit de marché. "
Depuis combien de temps travaillez-vous sur ce nouveau moteur ?
"Cela fait 5 ans que l'on travaille sur le 3 cylindre avec un investissement total de 10 millions d'euros. "
Pour quand est prévue la sortie ?
"Avec la présence d'Harley, la sortie peut être immédiate. Je ne peux pas promettre qu'elle se fera au salon de Milan car tout dépendra du nouveau staff directoire. Il peut décider de sortir le supermotard d'abord et l'année d'après nous présenterons une autre surprise et en 2010, la F4 qui sera refaite à 100 %. Mais c'est un peu frais encore. Tout est prêt. Donc maintenant, on va avoir la cadence des priorités. Est-ce qu'il faut mieux sortir les 2 nouveautés, le supermotard monocylindre et le 3 cylindres décliné en sportive et en naked en même temps, on ne sais pas encore. "
Le 3 cylindres serait décliné en 2 versions ?
"Effectivement. Je pense que le roadster sera proposé aux alentours de 12.500 ou 13000 €. La sportive sera quant à elle située entre 13.500 à 14.500 €. Il se peut que chaque modèle soit décliné en version minimale et avec un peu d'options pour créer avec 2 modèles avec plusieurs finitions et un écart de 1.000à 1.500 € mais cela appartient au nouveau directoire. "
Et en 2010, on pourrait voir une nouvelle F4 ?
"Pour le moment, nous parlons de la F5 mais attention, il ne s'agira pas d'un 5 cylindres. Mais elle sera refaite à 100 %. Tout sera nouveau. "
Verra t-on le 3 cylindres en Superpsort mondial ?
"Certainement et ceux de façon officielle. Maintenant on va revenir et on ne la jouera plus petits bras par manque de moyens. Nous irons directement et si on y va, nous irons dans toutes les catégories et directement avec des teams usines et nous viserons les championnats mondiaux. Et quand on s'appelle MV, nous n'avons pas le droit de commencer en milieu de peloton et de remonter avec les année. Nous sommes condamnés à faire bien et tout de suite. "
Qu'est ce que vous diriez aux personnes qui aimeraient rouler en MV mais qui n'osent pas franchir le pas ?
"Cela dépend. S'ils n'osent pas le franchir parce qu'ils ont des doutes quant à la qualité de nos produits et à notre santé financière, qu'ils se rassurent à 100 %. Dans le monde de la moto, il n'y a pas eu un seul groupe, à part peut être les japonais, qui n'ont pas eu de soucis. Et puis à produits égaux et à des prix presque égaux, je parle dans les moyennes cylindrées, je pense que l'on aura notre part de marché. Car en continuant à produire nos produits de qualité, on sera dans un créneau de prix où on dira, je prend une Triumph pour 11.000 € ou une MV pour 12.500 €. Cela ne sera pas facile pour les clients. "
Merci beaucoup Claudio pour toutes ces informations.
"J'en profite pour saluer tous les motards et qu'ils seront les bienvenues dans la famille MV. "
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