Ineos : l'État oublie vite la relance écologique de l'automobile pour sauver les emplois
Dans l'usine d'Hambach (Lorraine), la Smart électrique devrait être remplacée par le baroudeur Ineos Grenadier, héritier du Defender.
L'annonce a fait l'effet d'une bombe au début de l'été. À la surprise générale, Daimler a mis en vente son usine d'Hambach, en Lorraine. Le site assemble depuis plus de 20 ans la Smart Fortwo. L'étonnement a été renforcé par le fait que l'usine devait bientôt commencer la production d'un nouveau modèle, le SUV compact électrique EQA. Des investissements ont même été réalisés pour cela ! Secouée par le coronavirus, la maison mère de Mercedes accélère ses mesures d'économies.
Le choc a été immense pour les salariés de l'usine. Environ 1 600 personnes travaillent encore sur le site. L'incompréhension a vite laissé la place à la colère, car les salariés avaient en 2015 accepté par référendum de travailler 39 heures tout en étant payé 37 heures, afin de renforcer la compétitivité du site et d'assurer son avenir.
Une casse sociale dont le gouvernement se serait bien passé, lui qui sait que les plans sociaux vont se multiplier dans les prochains mois à cause du Covid-19, et qui n'avait pas vu venir celle-là. Au printemps, il avait déjà dû faire face à l'annonce de près de 5 000 suppressions d'emplois chez Renault en France, que le ministre de l'Économie a accepté sans vraiment broncher, conscient de la très mauvaise situation financière du Losange.
Sans surprise, sur le dossier Hambach, Bruno Le Maire est monté rapidement au front. Hors de question pour l'État de voir l'usine fermer ses portes. Heureusement pour lui, quelques jours seulement après l'annonce de Daimler, un candidat à la reprise s'est présenté. Il s'agit d'Ineos, une nouvelle marque automobile créée par le géant de la pétrochimie éponyme. Le fondateur de ce dernier, Jim Ratcliffe, s'est lancé dans un projet un peu fou de nos jours : créer un nouveau baroudeur pur et dur, un vrai descendant au Defender, alors que chez Land Rover, le nouveau Defender est revenu sous une forme moderne et chic. Cela donne l'Ineos Grenadier, présenté début juillet.
Ineos avait le projet d'assembler une usine au Pays de Galles, mais il en trouve une toute prête et qui a fait l'objet d'investissements récents. Les discussions entre Ineos et Daimler ont bien avancé. Le britannique a de son côté acté l'intérêt d'acheter l'usine. Reste donc à l'allemand à valider. Bien sûr, le gouvernement a suivi cela de près. Lundi, Agnès Pannier-Runacher, en charge de l'industrie, a eu un entretien téléphonique avec le vice-président de Daimler, Eckart von Klaeden. Elle s'était déjà rendue à Hambach fin juillet. Son objectif prioritaire : sauver tous les emplois.
Et tant pis s'il faut faire une grosse concession : accepter la fabrication d'un gros 4x4 à l'esprit d'un autre temps à la place d'une citadine électrique ! Pourtant, lors de la présentation de son plan de soutien à la filière automobile, fin mai, Emmanuel Macron avait insisté sur l'importance d'une relance écolo de ce secteur, avec la volonté de favoriser la production de véhicules "plus propres" dans l'Hexagone. Or, le Grenadier n'a pour l'instant pas l'intention de se mettre à l'hybride et encore moins à l'électrique. Il symbolise même parfaitement tout ce que détestent les écologistes ! Mais en ces temps de tempête économique, il n'est pas toujours facile, voire impossible, de trouver un équilibre entre transition écologique et maintien de l'emploi.
L'accord entre Ineos et Daimler prévoirait de maintenir dans un premier temps un peu plus de 1 300 postes. Ineos va assurer la continuité de la production de l'actuelle Fortwo pendant quelques années, de quoi maintenir l'activité le temps que le Grenadier prenne son envol.
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