Il y a comme un hic sur le tout électrique !
Le moteur thermique n’est pas mort. Lors d’une table ronde consacrée à la décarbonation de la mobilité routière organisée ce 18 juin 2024 par l’Ifpen, le tout électrique n’est plus apparu comme la seule voie possible pour une mobilité routière zéro émission.
Les motorisations thermiques ronronnent de nouveau sous les capots. Une odeur d’essence émane des récents modèles Fiat, Renault, Skoda, VW, et consorts. Après avoir misé sur le tout électrique, les constructeurs semblent désormais plus circonspects. La faute au marché ? Entre autres ! Trop chère, la voiture électrique peine à devenir populaire. Comme le remarque Pierre-Franck Chevet, président de l’Ifpen dans son discours introductif sur la décarbonation de la mobilité routière « en Europe un véhicule électrique particulier sur six est un SUV ou un modèle de segment supérieur ». Et de noter le manque d’offre en matière des petites voitures.
Philippe Schulz, Directeur partenariat technologie amont chez Ampère (Renault) n’en fait d’ailleurs pas mystère, même s’il cite la Zoé et les futurs R5 et R4. Et de souligner le faible taux d’implication de l’électrique sur le marché. « On plafonne à un taux de 18 % de pénétration, or, il faut passer le cap de 50 % et toucher les classes populaires en 2030 » pour rester dans les clous de la législation. Un pari quasi-intenable. La progression du marché de l’électrique augmente, mais pas de façon suffisamment massive. « Pour y arriver, il faut réduire les coûts des batteries ». Non seulement en améliorant « les moyens de leur intégration dans la voiture, mais également leur propre chimie. »
Avec plus de 270 milliards d’euros investis dans le développement des motorisations et des outils de productions, les VEB constituent une piste privilégiée pour la neutralité carbone des voitures. De toute façon, comme le fait remarquer Philippe Schulz « les modèles qui sortiront jusqu’en 2029 sont gravés dans le marbre ». Sans parler des process de R&D encore bien plus avancés. Il n’empêche. D’autres facteurs entrent également en ligne de compte. L’implantation de nouvelles infrastructures, spécifiquement en itinérance comme sur les autoroutes risque de connaître un sérieux coup de frein. Si ces équipements « ont été subventionnés à hauteur de 30 % à 40 %, aujourd’hui, c’est zéro » déplore Mathieu Soulas, Directeur nouvelle mobilité chez TotalEnergies. Dans ces conditions, il y a fort à parier que les opérateurs vont moins se battre pour développer (et entretenir ?) de nouveaux chargeurs avec un « taux d’utilisation très faible » selon Mathieu Soulas. Et de révéler en filigrane un secret de polichinelle : une borne de recharge sur autoroute ce n’est pas rentable.
À moins de mutualiser les usages avec les poids lourds. Mais des intentions à la réalité, il y a une marge. À peine 1,5 % des camions sont aujourd’hui électriques et la majeure partie des véhicules utilisés l'est en ville ou en périurbain. Résultat tout le monde, y compris chez les constructeurs automobiles, prône « une analyse holistique sur les enjeux et les moyens pour développer d’autres voies que le tout électrique. » Sur le chemin de la neutralité carbone, « la neutralité technologique » semble de mise. La notion de durabilité, s’est immiscée dans le débat en dehors de toute référence électrique (hégémonie sino-asiatique) pour signaler d’autres voies vers la mobilité zéro émission. Rien de nouveau, direz-vous ! Oui, mais il y a autour de la table comme un air de renouveau, comme une fin de dogme. Qu’importe l’énergie (électrique, liquide, gazeuses) pourvu qu’elle soit décarbonée.
E-fuel, hydrogène et biocarburant
« La neutralité technologique doit être un guide afin de pouvoir faire un choix éclairé » affirme Antonio Pires da Cruz responsable programme carburants bas carbone à l’Ifpen. Renault souhaite « une massification du taux d'éthanol dans le carburant. » Aujourd’hui 10 %, mais on peut aller plus loin. Les carburants de synthèse, produits à partir de CO2 (recyclé) et d’électricité bas-carbone s’inscrivent dans cette approche. Le CO2 est considéré ici comme une matière première et non comme un déchet. Il peut être collecté auprès des activités industrielles ou de transformation de la biomasse et des déchets (incinérateurs, méthaniseurs, fermenteurs). Il peut aussi être directement capté dans l’atmosphère. Bref, la ressource est inépuisable. Une électrolyse de l’eau permettant de produire de l’hydrogène bas-carbone. La conversion du CO2, permet également d’accéder à des carburants liquides comme le méthanol, utilisable aussi bien dans un moteur thermique que dans une pile à combustible. L’HVO (Huile Végétale Hydrotraitée), issue du retraitement des huiles végétales, émerge comme l’un des carburants les plus prometteurs pour répondre à ces impératifs car compatibles avec les moteurs thermiques. Évincé des débats le moteur thermique y retrouve sa place. En dehors des constructeurs premium, Toyota, Subaru et Mazda se sont alliés pour en mettre au point un bloc pouvant fonctionner avec des carburants de synthèse et être associé à une hybridation.
Le moteur à explosion n’est pas encore mort et enterré.
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