Exclusif – Radars – Dénonciation des salariés par les patrons : l'État accusé de fraude à la loi !
Les nouveaux PV pour "non désignation", qui affluent depuis quelques semaines dans les sociétés, après que des excès de vitesse relevés à l'encontre de véhicules de leur flotte ont été payés spontanément (sans désignation, sans contestation), ne respectent pas le texte entré en vigueur au 1er janvier dernier. C'est ce qui s'appelle une "fraude à la loi", dénonce l'avocate Caroline Tichit. "Le procédé est tellement honteux" qu'il lui paraît important d'informer le plus grand nombre. Pour elle, il ne fait aucun doute que ces nouvelles "poursuites telles qu'elles sont conduites doivent cesser au plus vite, car elles sont infondées et illégales". Et l'un des leviers pour y parvenir, c'est bien de les contester !
L'accusation est grave. En outre, elle ne vise pas n'importe qui : elle s'adresse justement aux personnes chargées de faire respecter les règles et donc de sanctionner les manquements, le cas échéant… Comme dénoncé très tôt par Caradisiac, les tout nouveaux PV envoyés en masse aux entreprises pour "non dénonciation" de leurs salariés seraient illégaux. Et, selon l'avocate Caroline Tichit, qui défend des centaines de dossiers dans ce contentieux, il y a un terme pour désigner juridiquement ce que représentent ces nouvelles verbalisations, telles qu'elles sont effectuées : "il ne s'agit ni plus ni moins que d'une 'fraude à la loi' !" Si peu…
Or, les agents verbalisateurs du Centre automatisé de constatation des infractions routières (Cacir) qui officiellement dressent ces procès-verbaux depuis Rennes, se contentent en pratique de cliquer sur un écran d'ordinateur pour les signer et donc les valider. De fait, ces PV sont surtout formés de manière informatique et automatisée : les agents du Cacir ne font que valider ce qui s'est décidé en amont, au ministère de l'Intérieur… Les signent-ils d'ailleurs bien à l'heure indiquée sur les avis que les sociétés reçoivent au courrier par la suite ? Cela paraît peu probable : ces nouvelles infractions – de "non désignation" – sont étrangement toujours toutes constatées au même moment, soit "à 00h00". Ça ne s'invente pas !
Des PV pour faire rentrer cinq fois plus d'argent
dans les caisses de l'État !
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Telles qu'elles sont rédigées, ces contraventions ne respectent pas le texte de loi voté par le Parlement. "Ce dernier - son esprit, son application - s'en trouve complètement détourné", déplore Caroline Tichit. D'ailleurs, il n'y a qu'à relire le nouvel article du code de la Route – le L121-6 - sur lequel reposent ces nouvelles poursuites, pour lui donner raison.
De base, il y a deux arguments qui s'imposent :
1 – Cet article L121-6 ne vise aucunement les sociétés mais uniquement leurs représentants légaux. Ces nouveaux PV ne devraient donc être adressés qu'à ces derniers, et non aux premières, contrairement à ce qui se passe. "À moins bien sûr de se retrouver dans le cas très particulier d'une entreprise qui a pour représentant légal, non pas une personne physique, mais une autre personne morale [soit une autre entreprise, NDLR]", précise l'avocate. Mais à part dans ce contexte "vraiment très particulier, et finalement plutôt rare, il n'existe absolument aucune raison juridiquement valable de les envoyer à un autre destinataire que le représentant légal de telle ou telle société !"
Cette décision de les envoyer à des "personnes morales" n'est pas innocente. Grâce à ce subterfuge, nos autorités pensent pouvoir se permettre de réclamer le quintuplement des amendes. "Tout ceci est sciemment organisé pour essayer de faire rentrer cinq fois plus d'argent dans les caisses publiques ! C'est un pur scandale", dénonce Caroline Tichit.
2 – Le montant des amendes ainsi demandé n'est pourtant pas davantage prévu par l'article L121-6. Pour réprimer ces nouvelles infractions, celui-ci ne prescrit en effet qu'une amende à 135 euros, au taux forfaitaire. Son montant est même abaissé à 90 euros, au taux minoré, soit quand l'amende est réglée dans les quinze jours. Et il grimpe, au contraire, à 375 euros, quand le règlement intervient hors délais. Pour finir, au pire, au tribunal, on risque jusqu'à 450 euros d'amende. Tous ceci n'a ainsi rien à voir avec ce qui est affiché sur les nouveaux PV. Là, systématiquement, c'est le quintuple de ces amendes qui est réclamé ! Soit 450, 675, 1 875 euros, en fonction des délais de paiement… et cela pourrait même aller, en déduit-on, jusqu'à 2 250 euros devant le juge ! Ce qui est donc tout à fait indu, comme on a déjà pu le dénoncer.
Des PV très contestables et
donc à contester… en masse !
Ces deux arguments de base sont loin d'être les seuls à invoquer. Il paraît évident, comme le répète à l'envi Me Tichit, qu'il ne manque pas de raisons valables de contester ces nouveaux PV. "Le procédé est tellement honteux qu'il est important d'essayer de le faire comprendre aux personnes concernées", explique-t-elle. "Franchement, j'aurais tout à gagner à ne rien dénoncer, ne rien dire, ne donner aucune piste de défense, et à ce que la situation perdure… Mon téléphone n'arrête pas de sonner depuis que ces PV ont commencé à affluer. Alors quand je vous dis que ces poursuites telles qu'elles sont menées doivent cesser au plus vite, car elles sont infondées et illégales, vous pouvez me croire !"
Et pour l'avocate, l'une des solutions pour contrer Rennes, c'est bien de se révolter en contestant systématiquement ces nouveaux PV. "Vu les arguments, multiples et implacables, la situation devrait devenir rapidement intenable pour les services du ministère public [en charge de traiter les contestations, NDLR]." Et ces PV tels qu'ils existent aujourd'hui pourraient ainsi finir par devoir être abandonnés. Il est toutefois probable que l'on doive encore patienter quelque temps avant d'être fixé… Affaire à suivre.
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