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Dossiers des épaves roulantes : de vrais boulets pour la justice… et les victimes !

Dans Pratique / Sécurité

Stéphanie Fontaine , mis à jour

En 2015, ce sont quelque 5 000 véhicules soupçonnés d'être dangereux, après avoir été accidentés et mal réparés, qui avaient été rappelés pour être expertisés, ce qui avait donné lieu à l'ouverture d'un procès à Évry. En 2017, ce sont plus de 1 000 voitures qui se sont retrouvées dans la même situation, avec rebelote, un nouveau procès à Évry… Dans le premier cas, c'est une information judiciaire qui a finalement été ouverte. Depuis, plus de nouvelles… Dans le second cas, une nouvelle audience avait lieu ce mardi, mais sans qu'elle n'apporte les réponses escomptées. En attendant, les victimes prennent leur mal en patience, et le problème de fond est loin d'être réglé.

Dossiers des épaves roulantes : de vrais boulets pour la justice… et les victimes !

Après l'affaire des 5 000 voitures dangereuses, en 2015, au tour de l'affaire dites des 1 000 ! Il ne s'agit pas des mêmes protagonistes, mais le principe reste le même : des véhicules gravement endommagés (VGE) ou économiquement irréparables (VEI), à la suite d'accidents, et donc déclarés épaves, n'ont pas fini à la casse, mais ont été réparés, et surtout mal réparés, avec parfois des pièces volées, par des garagistes véreux, et avec la complicité d'experts en automobile qui leur ont signé des certificats de conformité de complaisance, afin que les cartes grises soient débloquées et que ces véhicules puissent être remis en circulation.

Comme la première fois, l'affaire est portée par le tribunal Correctionnel d'Évry. En l'occurrence, sur les 1 024 véhicules repérés cette fois par la justice, Évry considère que dépendent de sa juridiction quelque 250 victimes seulement. Après une première audience en février, ces dernières étaient de nouveau conviées ce mardi pour confirmer leur statut de victimes, se constituer parties civiles si tel n'était pas encore le cas, et surtout connaître la date du véritable procès, durant lequel se tiendront les plaidoiries. Mais, rebelote, ce n'est pas encore cette fois qu'elles seront renseignées sur la date de ce futur procès ! Une nouvelle audience de fixation – pour fixer ainsi ces audiences de plaidoiries – a été décidée à la place pour le 18 décembre.

Un procès pour 2019… au mieux ?

"Salles trop petites, problèmes de logistique… on est encore dans l'incertitude sur trop de points", a fait valoir le juge cet après-midi. "Si ce procès est vraiment organisé en 2019, on aura de la chance", lâchait, pessimiste, Hakima Ameziane, l'avocate de plusieurs victimes, à la sortie de l'audience. "Ce dossier est un vrai boulet pour le tribunal", renchérissait son confrère, François Friquet.

Qui sont ces victimes ?

Ce sont les actuels propriétaires de ces véhicules. Ces derniers les ont achetés d'occasion à un particulier ou même à un professionnel, sans savoir qu'ils avaient été gravement accidentés par le passé, ni bien sûr qu'ils n'avaient pas été réparés comme il le faut, notamment dans le respect de la réglementation en vigueur.

Il s'agit souvent de petites voitures, des citadines françaises, Renault et Peugeot surtout. Des autos qui leur ont été souvent vendues entre 2 000 et 4 000 euros. Ces victimes sont très souvent issues d'un milieu modeste, et ne bénéficient pas toujours de l'assistance d'un avocat, dont l'aide pourrait pourtant se révéler précieuse dans ce genre d'affaires très complexes.

Ces reports incessants ne sont pas sans conséquence pour les victimes. Car, en attendant, la tenue de ce fameux procès, il leur a été conseillé de conserver leur véhicule, quand bien même il reste immobilisé en raison de sa dangerosité, et qu'il faut donc continuer à l'assurer pour rien… Comme pour l'affaire des 5 000 véhicules dangereux, un rappel a en effet été organisé par le ministère de l'Intérieur pour expertiser ces voitures. Pour ce qui est des autos des 242 victimes reconnues par Évry, il y en a alors 107, soit plus de 44 %, selon nos informations, pour lesquelles la carte grise a été bloquée, l'expertise ayant conclu qu'elles étaient, en l'état, impropres à la circulation.

Et qu'en est-il des autres victimes, les plus de 700 qui habitent en dehors de l'Essonne ? À notre connaissance, seul le parquet d'Évry a ouvert une enquête, ce qui donne lieu aujourd'hui à cette nouvelle affaire devant le tribunal Correctionnel. Pour les autres, "on ne sait pas", nous confie un avocat présent ce mardi… Il y en aurait pourtant dans toute la France. D'ailleurs, où en est l'affaire des 5 000 véhicules, pour laquelle une information judiciaire a été ouverte en 2016 à Évry ? "On ne sait pas non plus", répond Me Ameziane, qui défend également plusieurs victimes dans ce dossier.

Une réponse politique qui se fait attendre ?

Ces affaires n'ont pas de quoi rassurer. Elles montrent que des voitures dangereuses sont en circulation. Pour Bertrand Daillie, le procureur à l'origine de la seconde affaire des "1 000", "tous les experts qui gèrent plus de 100 dossiers VE [pour véhicule endommagé, NDLR] par an peuvent être soupçonnés de fraude, tout simplement parce que, matériellement, le temps leur manque pour en faire plus !" Il faut compter les trois visites obligatoires qu'ils ont à mener, en amont de chaque remise en circulation, leurs déplacements entre leur bureau et les différents garages, le travail administratif qui accompagne forcément ces procédures… Pour les professionnels, la barre est un peu sévère, "certains cabinets d'expertise pourraient en effectuer quelque 400 par an sans que ce soit forcément problématique", nous confie Olivier Robert de la Confédération Française des Experts en Automobile (CFEA).

Toutes les informations utiles sont en tout cas renseignées dans le système d'immatriculation des véhicules (SIV) : l'identité des experts qui assurent ce genre de suivis, et surtout le nombre de dossiers VE qu'ils ont traité chaque année. Que dire alors des cinq experts qui ont chacun enregistré, selon nos informations, plus de 1 000 procédures en 2017, et de la vingtaine qui en fait plus de 400 ? En clair, le problème est loin d'être résolu !

"Nous sommes les premiers à condamner ces pratiques", rappelle Olivier Robert. "On sait qu'un rapport de l'Inspection générale de l'administration, interne au ministère de l'Intérieur, est sur le bureau du délégué à la Sécurité routière, Emmanuel Barbe, mais on ne sait pas encore ce qu'il en ressortira", nous apprend-il. Et, en attendant, la CFEA a écrit à la ministre des Transports, Élisabeth Borne "afin qu'elle prenne les mesures susceptibles de nettoyer notre profession"… Ce qui a le mérite d'être clair.

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