DESIGN BY BELLU - La Ferrari 250 GTO est-elle la plus belle ?
La Ferrari 250 GTO est-elle une « belle voiture » ? Pour les inconditionnels du mythe, la question ressemble à une insulte. Pour un observateur pointilleux, la réponse est plus nuancée… Analyse d’un style.
En février, on célébrait les soixante ans de l’automobile la plus iconique du XXe siècle : la Ferrari 250 GTO. Pour tous ses adorateurs, elle est hors normes, intouchable, indiscutable. Pourtant sur le plan purement esthétique, on peut se poser la question : la Ferrari 250 GTO est-elle la plus belle voiture de tous les temps ? L’interrogation mérite réflexion. Avant de remettre en cause les qualités esthétiques de la « GTO », comme d’ailleurs de n’importe quel autre produit, il convient de se demander ce qu’est réellement « une belle automobile » ?
La question de la beauté est aussi ancienne que les premières traces de couleur dans les grottes de Lascaux. Même en limitant le sujet à l’automobile, la réflexion nous renvoie quand même à l’aube du siècle dernier, quand les Futuristes italiens proclamaient qu’une « automobile rugissante est plus belle que la Victoire de Samothrace ».
La question de la beauté est mystérieuse et subjective. Définir une « belle automobile » s’avère empirique et subjective. Il est convenu de considérer un cabriolet de Henri Chapron ou une berlinette de Touring comme de belles voitures, parce que leurs lignes sont simples, leur esthétisme facile à déchiffrer, leurs proportions harmonieuses aux yeux du plus grand nombre. Ce sont des formes qualifiées de classiques car elles ne choquent, a priori, personne et « répondent aux canons de la beauté ».
En revanche, une création de Gabriel Voisin ou une Ferrari F40 n’apparaissent pas d’emblée comme de belles voitures. Les formes provocantes, dictées par le fonctionnalisme ou la technicité, méritent-elles le même qualificatif que les carrosseries esquissées à l’aune de l’esthétisme ? Oui, sans doute, si l’on se réfère à la définition première du beau, une notion qui recouvre tout « ce qui fait éprouver une émotion esthétique » ou tout simplement, « ce qui plaît à l’œil ». Vaste programme. Sans restriction. Sans ségrégation. Sans convenance. Qu’elle soit avant-gardiste ou conservatrice, dérangeante ou consensuelle, toute création peut donc potentiellement accéder à la beauté.
Dans tous les studios de style, la définition du beau est une interrogation obsédante. Les voitures conçues exclusivement pour la compétition sportive ne souffrent pas de ce souci-là. Elles n’ont pas à séduire par leurs atours : elles doivent convaincre par leur efficience. Pour elles, la beauté n’est pas une finalité en soi, au plus un supplément d’âme. La fonction détermine la forme, plus encore ici qu’ailleurs.
Le style de la Ferrari 250 GTO répond à cette approche rationaliste. Au premier regard, les formes se déploient naturellement, au rythme de mouvements simples et logiques qui exercent une séduction spontanée. Sans fioritures, sans effet de manche, mais avec un sens aigu de la proportion, une harmonie qui repose sur des rapports de force.
La 250 GTO est taillée pour la course avec son habitacle spartiate, ses vitres coulissantes en plexiglas, son nez agressif sans protection. Un becquet sera ajouté ultérieurement à l’arrière, au-dessus de la troncature.
Le profil de la 250 GTO est marqué par l’équilibre entre le long capot, précédé d’un museau fuselé, percé d’une prise d’air ovale, et le poste de conduite reculé et profilé qui se termine brusquement par un pan coupé. Ces formes fluides et graciles conservent une silhouette civilisée grâce à la surface vitrée généreuse et à l’habitacle relativement spacieux. Évidemment, cette masse parfaite, où s’enchaînent avec sensualité des courbes tendues et élégantes, n’est alourdie par aucune décoration superflue.
La 250 GTO a les défauts de sa spontanéité : le plus choquant concerne le pare-brise dont la bordure supérieure est située quelques centimètres trop haut, se raccordant mal, visuellement, à la ligne supérieure de la vitre latérale.
Il est empirique de vouloir attribuer le dessin de la 250 GTO une seule personne, à un artiste inspiré, à un artisan transporté. Elle est œuvre commune, collective et anonyme. Mauro Forghieri lui a beaucoup donné quand il reprit en main le développement de la future 250 GTO au cours de l’hiver 1961 - 1962. Mais le produit fini doit surtout aux ouvriers qui tapèrent la tôle, à ses sculpteurs qui donnèrent des galbes aux feuilles d’aluminium.
La 250 GTO fait finalement l’éloge de la modestie.
La 250 GTO ayant été produite dans les ateliers de la carrosserie Scaglietti, on peut s’interroger sur le rôle de Sergio Scaglietti et de ses hommes dans la conception même de la voiture. Il semble que, conformément au processus en usage pour les modèles de compétition, la direction technique de Ferrari fournissait un plan relativement précis au carrossier, mais que celui-ci avait le loisir de l’interpréter, de l’adapter aux problèmes rencontrés au cours de la réalisation.
La première étape de l’élaboration d’un nouveau modèle consistait à construire un bâti en bois, le « mannequin », qui reproduisait la silhouette générale, la répartition des volumes et l’équilibre des masses en fonction des organes mécaniques, mais qui ne précisait pas au millimètre près les galbes de la caisse.
En l’occurrence, Mauro Forghieri avait fourni une esquisse de la 250 GTO à la suite des essais effectués avec le mulet réalisé à partir d’une 250 GT Berlinetta (2053/GT). Ce prototype tenait compte du recul du moteur et de l’abaissement de la carrosserie.
Le talent des tôliers de la maison Scaglietti faisait le reste. Artistes anonymes, artisans géniaux, ils avaient un sens aigu des formes. Pendant la fabrication d’un prototype, leur œil est infaillible pour évaluer la justesse d’une forme ou la tension d’une ligne.
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