Décryptage - Nouveau plan « Push to pass » de PSA Peugeot-Citroën : l’ambition raisonnable de Carlos Tavarès, son patron
La feuille de route de Peugeot-Citroën présentée ce matin par son patron met l'accent sur les nouveaux modèles commercialisés d'ici 2021, le retour aux Etats-Unis et une juste répartition des rôles entre les marques. Mais si ce projet est d'envergure pour un groupe donné pour agonisant il y a deux ans, il est loin d'être déraisonnable. Au contraire, Carlos Tavarès fait preuve dans ce vaste plan offensif d'une sagesse très éloignée de la fougue de pilote qu'on lui connaît. Une sagesse, et un sens de la gestion et du juste coût qui, s'ils ne risquent pas de faire grimper le groupe vers les premiers mondiaux, lui permettront au moins d'être toujours présent et bénéficiaire dans cinq ans.
Il y a un pilote dans l’avion PSA. Un pilote de course automobile qui a trouvé un slogan tout indiqué pour son nouveau plan stratégique, puisque « push to pass », c’est ce petit bouton qui permet à (certaines) voitures de circuit de dépasser leur limite, le temps de dépasser un concurrent. Un surcroît de puissance limité dans le temps sur la piste, que Carlos Tavarès a borné à 2021 sur sa feuille de route.
D’ici là, il compte lancer 28 nouveaux modèles répartis sur ses trois marques (Citroën, DS et Peugeot). Pas rien. Il compte aussi revenir aux Etats-Unis, investir dans la voiture autonome et augmenter ses bénéfices de 15 % pour parvenir à 70 milliards d’euros de chiffre d’affaires. Ambitieux. Sauf que les 70 milliards escomptés sont loin du podium. Et que le nombre de modèles annoncés ne sont pas tous, loin s’en faut, destinés à l’Europe.
En fait, l’ambition de Carlos Tavarès s’avère plutôt raisonnable. Une prudence de vieux pilote briscard qui assure sa bonne place, conforte ses points acquis tout au long du championnat, sans chercher à briguer le trio de tête. Les 70 milliards de chiffre d’affaires ? Ford, le 6e mondial, en a réalisé 130 l’an passé, et Volkswagen dépasse ce résultat en un seul trimestre. Les 28 nouveaux modèles annoncés ? Il est dans la logique du calendrier de lancements de produits de la plupart des grands groupes, puisque, pour la seule Europe, il ne faudra compter que sur une unique nouveauté annuelle par marque et par an. Quant au retour aux Etats-Unis, premier débarquement américain d’une marque française depuis la déculottée des années 80, elle se fera en catimini, par le biais d’un système de voiture partagée, façon Autolib, puisqu’une coopération avec le groupe Bolloré est envisagée.
Citroën et Peugeot ? C’est Hyundai et Kia
Le programme push to pass s’attaque également à un autre chantier d’importance : celui de la juste répartition des rôles entre Peugeot et Citroën. Le patron l’a évoquée en expliquant que Citroën se doit d’avoir un côté humain. Et Peugeot est obligé de s’envoler vers les cimes du statutaire et du presque premium.
En off, et en interne, ce positionnement présenté officiellement de manière sibylline est directement inspiré de ce que le groupe coréen Hyundai-Kia parvient à faire avec ses deux marques. A la première, sont dévolus les clients un rien conservateurs, à la seconde, des conducteurs plus dynamiques et légèrement plus jeunes. Différencier Citroën et Peugeot de manière enfin claire est peut-être la décision la plus sage que PSA ait prise depuis plusieurs décennies.
Le profit plutôt que le plaisir
Cette sagesse et cette prudence de Sioux seront peut-être les ingrédients de la formule gagnante pour le groupe. Une sorte de continuité dans la bonne gestion de la maison. Car, comme nous l'indiquions par ici, si le prédécesseur de Carlos Tavarès a empêché le navire de sombrer totalement, ce dernier a rempli en deux ans sa mission de cost-killer et entend bien continuer le mouvement. Celui de la rentabilité, de la traque superflue et du glamour, qui a permis à l'entreprise de renouer avec les bénéfices, et à son boss d’empocher 5,24 millions d’euros de salaire. Deux ans au cours desquels il a réussi l’inédit chez PSA : faire en sorte qu’aucune auto d’aucune des trois marques ne soit vendue en perdant de l’argent. Le tout sans lancer de nouveaux modèles et en s'offrant le luxe d'en supprimer, comme le coupé Peugeot CRZ. Son arrêt fut décrié jusque dans les commentaires ici même. Tavarès, dans ses courses du week-end, puisqu’il court toujours dans divers championnats amateurs, s’est lui-même vu reprocher cette mise à la retraite, jusqu’à demander à ses interlocuteurs, « l’avez vous acheté ? ». Leur réponse négative l’a évidemment conforté.
Cette tactique qui consiste à ne vendre que des autos destinées à faire du volume devrait donc perdurer et s’amplifier. Adieu donc les sportives de niche, et bonjour les SUV qui vont débouler, comme le remplaçant du Peugeot 3008, peut-être un grand crossover 6008 et le petit Citroën Aircross. Vous n’aimez pas les camionnettes hautes sur pattes ? Tant pis, la plupart des clients adorent et Carlos Tavarès, l’homme que tous les fans d’autos ont voulu compter dans leurs rangs, se range du côté d’une entreprise qui doit gagner de l’argent. Quant aux autos plaisir, il les réserve pour ses week-ends.
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