De l’intérêt pas toujours limité des séries limitées
Lorsqu’un modèle se vend mal, parce qu’il est en fin de vie ou parce que les clients le fuient dès sa naissance, les constructeurs sortent leur baguette magique : la série limitée. Un petit nom supplémentaire, quelques équipements complémentaires et c’est reparti. Une règle que Peugeot vient de pulvériser en proposant une série limitée de son best-seller 3008 six mois seulement après son lancement. Une erreur stratégique ? Pas vraiment. Explications
Ils nous ont tous fait le coup, de la Peugeot 205 Roland-Garros à la Suzuki Swift Little Marcel en passant par le Mercedes Classe G Paul Bocuse, toutes les marques en sont passées par la série limitée. Un sticker prestigieux, une couleur spécifique, une trousse de maquillage dans la boîte à gants, dans le cas de la DS3 Givenchy LeMakeUp, et le tour est joué : la cliente de la citadine de PSA est contente, puisqu’elle a une auto de flambeur et de l’eye liner. Quant au constructeur, il est ravi de vendre son modèle plus vraiment au parfum du moment. En plus, les médias en touchent un mot et même Audric Doche s’est pris d’affection pour le gloss Givenchy. Bref, tout le monde est satisfait de l’opération. La série limitée, au fil des années, est même devenue un baromètre du succès d’une auto. Plus son arrivée intervient tôt dans la vie d’une voiture, plus c’est la cata au niveau des ventes.
Une petite robe noire pour une petite Fiat 500
Mais la série limitée a aussi un autre intérêt. Celui de désigner le client qu’on aimerait bien appâter. Et bien souvent les marques tentent de séduire les filles, avec une DS3 Givenchy bien sûr, mais aussi, plus anciennement, avec une Twingo Kenzo, voir une Seat Ibiza « Marie-Claire » en 1996. En 2014, Fiat a même osé une série au nom plus long que la voiture elle-même : la 500 « petite robe noire de Guerlain ».
La Honda Barbie
Parfois, les marques tombent aussi dans l’excès féminin contre-productif. Ainsi, en 2012, Honda Japon s’est lâché. Sa série Honda She, dérivée de la Jazz, était entièrement rose. Mais elle n’arborait pas seulement cette seyante couleur sur sa carrosserie, mais aussi à l'intérieur, sur les surpiqûres des sièges comme sur le levier de vitesse. Un intérieur qui s’occupait aussi de la peau de ces dames, forcément délicate. Son pare-brise filtrait les UV et sa clim bénéficiait d'un traitement « Plasmacluster » censé freiner le vieillissement. Les clientes censées être concernées ont visiblement peu apprécié d’être comparées à des pauvrettes ultra-fragiles et ont boudé le modèle. Qui a été retiré du marché sans jamais débarquer en Europe.
Une Citroën C2 brutale
À l’inverse, la série limitée tente aussi parfois de rallier des garçons à des modèles plutôt féminins. Jusqu’à la caricature, comme celle de Citroën Italie. Pour appâter les garçons, les chevrons transalpins se sont acoquinés au fabricant de motos MV Agusta, dont l’un des modèles était (assez légitimement) baptisé Brutale. Sauf que l’adjectif Brutale collé sur le hayon d’une Citroên C2, même VTS, est un poil usurpé.
3008 Crossway : la série limitée industrielle
On le voit, la série limitée est soit un réajustement marketing, soit une manière de faire survivre un modèle en bout de course. Partant de cette déduction, habituellement assez juste, on tombe de sa chaise en découvrant le Peugeot 3008 Crossway sous la plume d’Audric Doche, toujours lui. Quoi, comment, qu’est-ce ? Une série limitée sur la base du carton du moment, de la voiture de l’année, qui a déjà enregistré 20 000 commandes en six mois à peine ? Et qui voit ses délais de livraison allongés jusqu’en octobre prochain pour les malheureux qui viennent de signer leur bon de commande et comptaient bien partir à Palavas-Les-Flots à son bord ?
Renseignements pris, le 3008 Crossway n’est pas un moyen de changer le sexe des clients, ni de relancer des ventes qui se portent très bien sans lui. Mais Peugeot a créé la série limitée du troisième type. Elle pourrait justement régler le problème épineux du délai de livraison. Car le lion n’avait pas prévu le succès de ses finitions haut de gamme GT et GT Line. Et ce sont celles qui, justement, ne sont pas dispo avant la rentrée. Du coup, il propose ce Crossway, qui n’est autre qu’une finition inférieure Allure, agrémentée de quelques options. Et surtout, d’une garantie de livraison d’ici un mois. Un excellent moyen pour que les déçus du temps d’attente ne fuient pas chez les concessionnaires Renault qui fourbissent leurs Kadjar, chez ceux de Nissan qui va restyler son Qashqai dans quelques semaines, voir chez les garagistes des marques de l’armada allemande qui de Seat à VW en passant par Skoda ont tant et plus de SUV compacts à proposer. En fait, le Sochalien malin vient d’inventer la série limitée industrielle. Celle qui va permettre à ses clients de partir à Palavas-Les-Flots à bord de leur nouveau vaisseau.
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