Comparatif - Triumph Bonneville T120 Vs Brixton Cromwell 1200 : enquête d'identité
Benoit Lafontaine , mis à jour
Entre une Bonneville T120 née en 1956 et une Brixton Cromwell 1200 de 2022, un look proche mais une identité qui fait le grand écart. Tarif, performances, agrément, nous avons comparé ces deux roadsters vintage. Alors, lequel l'emporte ?
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Que ceux qui ont immédiatement et instinctivement dit "la Triumph !" lèvent la main. Pourquoi ? Quels sont les critères ? Évidemment, Brixton est en train de se construire une image forte sur notre territoire, et ses modèles méritent un certain succès, comme nous avons pu l'apprécier à chaque sortie avec l'une des 500. Et les autrichiens de KSR ne ménagent pas leurs efforts, ni leur créativité, ni leurs investissements. Intelligemment, ils ne viennent pas chercher la Bonneville sur son terrain, mais proposent un nouveau visage, une nouvelle proposition pour les amateurs de ligne épurée et de motos au look "à l'ancienne", tout en jouant sur les sensations brutes, voire brutales. Mais que l'on ne s'y trompe pas, se promener avec l'une ou l'autre, c'est entrer dans un autre monde, adopter une autre manière de rouler et surtout se faire remarquer.
Le studio de design en charge de la ligne de la Cromwell n'a pas dû remplir le mood board (tableau de tendances) du projet avec autre chose que des images de la T120… De fait, la ligne générale est très proche, mais la copie n'est pas conforme, contrairement à ce que laissent penser l'emplacement du bocal de liquide de refroidissement, les proportions des deux motos, ou encore la monte pneumatique d'origine identique, sans oublier les jantes à rayons.
La Cromwell se démarque immédiatement par l'aspect de sa culasse, de ses carters moteur, par son instrumentation digitale ou encore sa selle, sans oublier l'avant de la moto. Notamment du fait d'un guidon nettement plus bas et d'un optique LED plus "agressif", plus moderne, tout en étant classieux à souhait. Bref la 1200 sino-autrichienne n'a pas calqué son modèle, même si elle l'a bien pompé dans l'absolu.
Dommage d'ailleurs que certaines idées n'aient pas été reprises. Notamment en ce qui concerne la forme du réservoir, plus douce, plus confortable, plus facile et plus agréable à "serrer" sur l'anglaise. Autre point ergonomique en faveur de l'anglaise, au regard de l'encombrement du moteur et de son habillage, notamment de l'injection : les éléments plastiques de la Cromwell dépassent largement de l'arcade avant de la selle, entrant en contact avec les jambes à divers endroits (en fonction de votre morphologie et de votre équipement). De quoi encourager à opter d'office pour les pads de réservoir écartant davantage les jambes des arêtes de réservoir saillantes. Autant que ce soit utile en sus d'être esthétique.
Pour le reste, la nouveauté 2022 du groupe KSR s'inscrit bel et bien dans une appréciable modernité. De quoi lui accorder un cachet sportif naturel là où la Triumph joue la partition de la tradition et du classicisme. Mamie Bonnie a de beaux restes cela dit, et elle respire la noblesse. Logique pour ce modèle. On trouve ainsi sur la Brixton une instrumentation TFT proposant deux présentations différentes en fonction du mode moteur engagé. Certes bien moins complète que ce que l'on trouve dans les deux petits afficheur de la T120 (infos de consommation et de voyage, entre autres), on opte pour le mode le plus complet ou le plus synthétique.
Pour remettre à zéro le trip journalier, il faudra agir directement sur le bouton inclus dans le culot de compteur sur la Brixton, là où l'anglaise se montre plus classe, avec son bouton "i" déporté sur le commodo droit. Un détail, mais qui a son importance. Pour compenser, le bloc compteur de la Cromwell est pourvu d'une prise USB bien pratique et surtout bien placée, tandis que ses feux et clignotants à Led façon Kellerman respirent la qualité. Le phare avant propose même un éclairage de jour, à l'instar de celui de la Triumph. Nous l'avons évoqué, le ride by wire permet de mettre à disposition deux modes de conduite sur la T120 comme sur la Cromwell.
Au rayon assistances, chaque constructeur s'est servi d'un contrôle de traction desactivable en un clic depuis un commodo, ainsi que d'un ABS permanent, sans oublier un régulateur de vitesse basique (on active, on fixe la vitesse, basta), tandis que seuls les amortisseurs arrière sont réglables en pré charge. Les commandes à la main sont également réglables en écartement de chaque côté. Résultat ? Il faut choisir son univers visuel.
D'un côté -outre Manche- une certaine douceur, de l'autre, une certaine rigueur -autrichienne-. Ce qui va trancher ? La position de conduite ! La T120 est beaucoup moins intimidante que la Cromwell, notamment pour les petits gabarits. Sa selle tendre s'affaisse volontiers sous la fesse, tandis que sa forme plus douce, comme sa hauteur perçue comme moindre, intimident beaucoup moins, malgré une valeur de 790 mm pour la grande bretonne contre 800 seulement sur la "petite" Brixton. Que voulez-vous.
Ce qui renforce cette impression de confort ? La position des bras, bien plus tombante et écartée sur la dernière née, là où mamie Bonnie propose un cintre relevé et plus étroit, bien plus naturel de prise en mains pour ce qui est de rouler cool. Classique, donc, quand la Cromwell se la joue roadster niveau position de conduite, assumant de vouloir boxer dans une autre catégorie, sûrement poids lourd, là où Triumph préfère œuvrer dans les poids moyens. Même à poids égal.
Les grands gabarits (1,75 met plus) apprécieront largement l'autrichienne. Les petits opteront d'autant plus volontiers pour la Triumph qu'elle se montre plus facile à manier à la poussette ou encore à relever de sur sa béquille latérale. Curieux, au regard de la faible différence de poids (1 kg en faveur de la Cromwell), mais explicable aussi bien par la répartition des masses, plus hautes, que par l'emplacement et les dimensions supérieures du guidon de la Brixton. Qu'à cela ne tienne, on ne se laisse pas impressionner facilement et une fois en marche, tout revient à l'équilibre.
Si les deux blocs moteur se ressemblent extérieurement ou encore par leur cylindrée et leur puissance, sans oublier leur couple, l'architecture interne est bel et bien différente, tout comme l'expressivité du dit bloc au travers de l'échappement. Un saucisson d'une part (anglaise, la saucisse), un mégaphone de l'autre. Un pet pet d'un côté, velouteux, limite sirupeux, caressant et pourtant électrisant, et un poumpoum étincelant de l'autre, fébrile, puissant et rauque, marquant des coups de piston énergiques. Bref un truc qui cause plus fort sans pour autant fatiguer les oreilles sur la Cromwell. Bien joué.
D'un point de vue sensations, le bicylindre Triumph vibre de manière beaucoup plus discrète, et feutre la moindre réaction. La boîte des vitesses est douce à la commande et le bloc d'une onctuosité que l'on ne retrouve absolument pas sur son concurrent. Chez Brixton c'est animal, et des fois, on se dit même que c'est du brutal. Et c'est pour le moins attachant. Ça grogne, ça montre les dents. La boîte est plus lente, certes, l'embrayage claque à la relâche du levier, il fait sentir son jeu mécanique, son action, tandis que l'on s'applique à passer les rapports. Une toute autre école, donc, plus "rugueuse", mais rigoureuse et agréable, presque à l'ancienne. On dompte la bête là où la T120 semble vouloir se laisser faire. Alors, le minou anglais, castré ou bien ? Il n'en est rien, nous allons le voir : le caractère des deux protagonistes les oppose une fois encore.
Assurément ces deux motos ne s'adressent pas au même public. Un paradoxe pour la plus jeune des deux. Quoi que, nous allons le voir lors de l'essai : le comportement moteur est très différent, tant au niveau de l'allonge que des performances, mais surtout de la plage d'utilisation et des sensations. Là encore, pas mal de surprises, toutes bonnes !
En selle, l'écart se creuse en matière vibratoire, qu'elle soit sonore ou mécanique. L'assise plus ferme, moins épaisse, et en cuvette de la Cromwell filtre volontiers les francs battements du dynamique 1200, lesquels participent naturellement au plaisir de le faire ronronner, tandis que l'accélérateur électronique se montre plus ferme et plus précis sur la Triumph, encore une fois plus onctueuse, plus "filtrée". Brixton mise sur une très grande réactivité des gaz et des efforts moindres, ajoutant au passage une bonne dose de caractère. Et un sacré répondant. La T120 fait parler l'expérience, ainsi que son tarif nettement supérieur (13 595 € en novembre 2022 contre 9 999 € pour la louloute de KSR). Pour autant, la finition de la Cromwell se montre moins léchée dans le détail, mais sans qu'une fois au guidon on ne sache dire laquelle bénéficie du meilleur rapport qualité prix. Un très bon point supplémentaire pour la petite jeune !
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