Chronique du confiné – Semaine 5 : ou l’on se souvient de certains essais totalement ratés
Les essais de voitures connaissent parfois des loupés. Parce qu’on ne peut pas les conduire pour cause de chauffeur attitré, parce qu’elles ne sont pas arrivées, ou parce qu’on a raté l’avion vers leur destination.
À l’annonce présidentielle qui le sommait de rempiler pour un mois supplémentaire, le confiné a convoqué un séminaire familial. Personne ne s’est abstenu, pas même le chat, par un supplément de croquettes alléché, pas même l’ado, par un abonnement à Disney + attiré. Au menu de la réunion extraordinaire : la nouvelle organisation du confinement et le juste partage des tâches domestiques qui ne saurait souffrir le moindre raté. Car le confiné, les ratés, il n’en a jamais connu. Enfin presque pas. Enfin quelques-uns seulement.
Un avion raté, et tout est dépeuplé
Était-ce un raté, un acte manqué, une punition des dieux ? Le confiné ne le saura jamais. En tout cas, ce jour-là, en entrant dans l’un des terminaux de Roissy, l’un de ces halls qui est le deuxième foyer de l’essayeur automobile, il tombe nez à nez avec un collègue essayeur. Forcément, lorsqu’au milieu de la foule, on croise un confrère, on se dit que, bien évidemment, on va au même endroit. Ça tombe tellement sous le sens qu’il est inutile d’en parler. Les voici bras dessus bras dessous, en train de se diriger vers la zone d’embarquement. Sauf que devant le panneau indiquant la destination, pile au moment d’embarquer, l’innocent futur confiné s’aperçoit de sa méprise. L’avion du collègue s’en allait vers Barcelone, comme souvent, alors que le sien partait vers l’Allemagne. Le temps qu’il rejoigne la bonne porte forcément à l’autre bout du hall, il n’eut que le temps de voir la passerelle se décoller de l’avion au nez et à la barbe de trois jours de l’essayeur dépité qui s’en est rentré chez lui. En RER.
Un volcan et une passionaria
Mais il n’a pas raté tous les avions. Il était même l’un des premiers à bord de celui qui partait pour Göteborg ce jour-là. But du voyage : tester des innovations technologiques de sécurité sur l’une des bases que possède Volvo. Un excellent moyen de vérifier les premiers radars anticollisions du constructeur. Sauf que la veille, un volcan islandais et malicieux, au nom imprononçable d’Eyjafjallajökull avait décidé de contrecarrer les plans de la marque suédoise. Ces derniers s’étaient malgré tout bien déroulés, jusqu’au moment où il fut décidé de se replier. Problème : les vols étaient annulés les uns après les autres. Quelques jours plus tard, plus aucun avion ne survolerait d’ailleurs l’Europe, mais pour l’heure, une échappatoire était possible. Mais plus question de repartir le soir même vers la France. Va pour un dîner et une nuit sur place. Sauf que le petit groupe de journalistes n’était composé que du futur confiné (les autres ayant décliné en sentant le vent tourné) d’un représentant de la marque et de Chantal Perrichon.
Le voilà donc embarqué dans un dîner, presque en tête à tête, avec la passionaria des radars, la présidente de la Ligue contre la violence routière, et, sans aucun doute, la personne la plus détestée des passionnés d’automobiles qui s’acharnaient sur elle à travers les réseaux sociaux. Évidemment, la conversation à table n’était pas centrée sur le freinage dégressif et le survirage inhérent à la propulsion, mais non seulement Chantal était cordiale, mais madame Perrichon était carrément marrante. Une fois rapatrié à Paris, par l’un des derniers vols avant le confinement aérien, le confiné terrestre d’aujourd’hui a eu beaucoup de mal à convaincre ses collègues quant à la jovialité de la présidente de la ligue.
Un essai sans voiture, un autre sans volant
Mais les ratages ne sont pas toujours liés à des avions ou à des volcans, ils sont parfois dus à l’organisation même des essais. Ainsi, il y a quelques années déjà, une marque japonaise particulière lançait un coupé particulier au moteur particulier aussi. Les journalistes venus de toute l’Europe étaient conviés à Ibiza pour l’essayer, mais le confiné ne pouvait s’y rendre aux bonnes dates. Heureusement, il restait une place, durant une autre session, destinée à des journalistes espagnols. Pourquoi pas ? Le voilà sur le sol insulaire. Les voitures sont là, prêtes à enrouler les jolis virages de l’île. Sauf que la place du conducteur de chaque auto est occupée par un svelte jeune homme qui, à l’approche de l’essayeur descend pour lui ouvrir la porte passager. Malentendu, embrouillaminis, explications : l’essai est destiné à des rédacteurs et rédactrices de la presse féminine qui, pour la plupart n’ont pas leur permis. Conduire soi-même ? Vous n’y pensez pas mon bon monsieur, ces autos sont puissantes (un peu plus de 250ch) et ce sont des propulsions. Et puis les assurances n’ont pas prévu de pareils cas. Après d’âpres négociations, l’essayeur éconduit pourra néanmoins conduire, en restant dans le convoi des journalistes fashion passagères, sur 15 km, entre l’aéroport et l’hôtel. Ses impressions de conduite se limiteront à l’effet produit par deux ronds-points embouteillés. Mais au moins, il aura pu toucher le volant de l’auto, ce qui n’est pas arrivé systématiquement au cours de ses pérégrinations automobilistiques. Comme dans le cadre d’un autre essai japonais, ou les voitures n’ont jamais été au rendez-vous, bloquées en pleine mer sur le cargo qui devait les acheminer. Les essayeurs ont scruté l’océan pendant deux jours, puis ont regagné leurs pénates.
Mais le confiné est arrivé au point où elles finissent par lui manquer ces autos arlésiennes, ces ronds-points embouteillés. Tout comme ces halls d’aéroports anonymes et leurs hôtels qui le sont tout autant. Tous comme ces dîners ou les jusqu’au-boutistes de la sécurité routière deviennent très humains.
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