Alpine oubliée, la V6 Turbo est une superbe GT !
Injustement méprisée en son temps, l’Alpine V6 Turbo offre pourtant des performances impressionnantes, un fort caractère et de vraies aptitudes sportives pour pas très cher. Dès 20 000 €.

Les collectionnables sont des autos revêtant un intérêt particulier, donc méritant d’être préservées. Pas forcément anciennes, elles existent pourtant en quantité définie, soit parce que le constructeur en a décidé ainsi, soit parce que leur production est arrêtée. Ensuite, elles profitent de particularités qui les rendent spécialement désirables : une motorisation, un châssis, un design, ou un concept. Enfin, elles sont susceptibles de voir leur cote augmenter. Un argument supplémentaire pour les collectionner avant tout le monde !
Chose impensable aujourd'hui, en France, on a produit de vraies GT, rapides et exotiques. Notamment l'Alpine Gta V6 Turbo, une 2+2 capable de faire rêver par sa ligne et de dépasser les 250 km/h. On pouvait vraiment s'offrir une auto de prestige made in France ! Révolue, cette époque est bien incarnée par cette Alpine des plus civilisées et encore très performante actuellement. Pour le meilleur et pour le pire, elle incarne aussi une période bien précise du design intérieur Renault, et surtout, regorge de caractère.

Il n’y a pas que la Berlinette dans la vie ! Il y a aussi les 4-places. En attendant qu’Alpine nous serve un SUV électrique lourd comme un amas de chevaux morts, rappelons-nous que la marque de Dieppe a déjà commercialisé des 4-places, véritablement sportives. Outre les A108 2+2 et A310, elle a produit dès 1984 la V6 GT, codée GTA (pour Grand Tourisme Alpine). Remplaçant l’A310, elle a été conçue à partir d’un budget ridicule, 88 millions de francs. Pour son design, Renault a mis en concurrence plusieurs équipes, celles d’American Motors et d’Heuliez notamment.

C’est la proposition de ce dernier qui remporte la mise, exécutée par un certain Gérard Godfroy, principal auteur de la Peugeot 205 et, plus tard, de la… Venturi ! Elle sera finalisée sous la férule de Robert Opron, dirigeant alors le style Renault. Pour le châssis, on part de celui de l’A310, dont on conserve les grandes lignes : moteur arrière, la poutre centrale et trains roulants à doubles triangulations avant et arrière. Sain et éprouvé ! On étire l’empattement de 69 mm, ce qui profite à l’habitabilité et à la stabilité, on élargit les voies et on récupère le V6 PRV. On enveloppe le tout d’une carrosserie qui bat des records d’aérodynamique.

En effet, quand elle est lancée en 1985 au salon de Genève, après que ses photos aient fuité fin 1984, la Renault-Alpine V6 GT affiche un Cx de 0.28 et surtout un Scx de 0.48 ! Ultramoderne, sa ligne manque un peu d’agressivité à l’avant, mais la pierre d’achoppement n’est pas là. Il s’agit du cockpit, dessiné par Marcello Gandini. Passe encore pour son design futuriste, mais la finition digne d’une Super 5 rebute les acheteurs. Autre déception, le V6 PRV 2,85 l retient une alimentation à carburateurs, ce qui est déjà considéré comme dépassé à l’époque, et sa puissance ne dépasse pas 160 ch. Une des conséquences du budget ridicule alloué par Renault, qui dépense des fortunes aux USA.

De plus, on attendait la version Turbo à Genève, or, elle n’y figure pas : le lancement est raté. Elle débarque à la rentrée 1985, et avance des arguments autrement plus alléchants que ceux de la V6 GT. Déjà, elle récupère le bloc 2,5 l à manetons décalés inauguré par la R25 V6 Turbo. Ensuite, elle le pousse à 200 ch, grâce à un nouveau collecteur d’admission dont la mise au point a pris un peu de temps.
Enfin, l’Alpine V6 Turbo adopte de nouveaux réglages pour ses trains roulants. Si, à cause de ses pneus élargis monté sur des jantes spécifiques, au dessin façon turbine, le Cx perd quelques plumes (0.30, pour un Scx de 0.51, ce qui reste remarquable, encore aujourd'hui), elle s’avère très rapide, pointant à 250 km/h. Record pour une française de route !

Le prix s’avère étonnamment bien placé : 210 000 F, soit 66 300 € actuels selon l’Insee. A titre de comparaison, une Porsche 944 Turbo (220 ch) réclame 295 620 F… En conséquence, la version Turbo va vite représenter l’écrasante majorité des ventes de la française qui, de série, bénéficie d’un équipement correct : jantes en alliage, vitres électriques, ordinateur de bord, portières à déverrouillage motorisé, fermeture centralisée à télécommande, projecteurs à longue portée. On regrette tout de même que la sellerie s’en tienne à un tissu peu valorisant et que la chaîne hifi Philips équipant bien des Renault demeure en supplément.

Faute d’argent, la GTA va peu évoluer : sellerie velours de série en 1986, capot nervuré en 1987, instrumentation redessinée et commodos revus en 1988, année où l’ABS arrive en option, tout comme le revêtement cuir du tableau de bord et de l’accoudoir central, à payer en sus de la sellerie en peau. En 1989, le A d’Alpine remplace le losange Renault sur le capot, alors qu’apparaît une série spéciale Mille Miles, qui ne se différencie que par sa cosmétique et son équipement.

En 1990, c’est le drame. Norme Euro oblige, l’Alpine adopte un catalyseur, donc, faute de budget, on ne retient que le bloc dépollué jusque-là destiné à quelques marchés plus écolos que la France, comme l’Allemagne ou la Suisse. Sa puissance chute à 185 ch, alors que la R25 V6 Turbo grimpe à 204 ch. Mais installer son moteur dans l’Alpine aurait réclamé une nouvelle homologation, voire un peu d’adaptation, donc des sous… Impensable !

C’est d’autant plus regrettable qu’il aurait fait très bonne figure dans la nouvelle série spéciale (325 unités) qui apparait alors, au look très musclé grâce à ses ailes élargies : la Le Mans. Le préparateur Danielson propose toutefois de gonfler son V6 à 210 ch. L’Alpine GTA tire sa révérence en 1991, remplacée par l’A610 qui en est une évolution profonde… et beaucoup plus chère. 6 494 Alpine GTA ont été produites, dont 4 985 avec le V6 turbo.

Combien ça coûte ?
En très bon état, l’Alpine V6 Turbo se déniche dès 18 000 €, avec un kilométrage plutôt conséquent : plus de 200 000 km, ce qui n’est pas rédhibitoire. Les exemplaires les plus désirables, restant largement sous les 100 000 km d’origine et bien suivi, voire dotés d’options attractives (clim, cuir, chaîne hifi) peuvent déjà atteindre les 30 000 €. La rare Mille Miles se déniche à partir de 35 000 €, alors qu’on comptera plutôt un minimum de 40 000 € pour s’offrir une Le Mans saine.

Quelle version choisir ?
A moins d’être un fétichiste des séries limitées, une V6 Turbo standard fera parfaitement l’affaire.

Les versions collector
Toutes, si elles sont en parfait état d’origine. Bien sûr, les Mille Miles et Le Mans seront plus recherchées, surtout la seconde en raison de son look. Et si, de surcroît, elle bénéficie de la préparation Danielson, c’est le gros lot !

Que surveiller ?
Si l’on surveille bien le circuit de refroidissement, crucial vu l’implantation du moteur, celui-ci se révèle très solide, tout comme sa boîte. Cela passe par un entretien rigoureux ainsi que des temps de chauffe et de refroidissement respectés. Réalisée en polyester, la carrosserie ne rouille pas, mais il en va différemment des soubassements. Inspectez bien les planchers, les attaches de suspension et la poutre centrale, de préférence sur un pont car l’auto est basse !
Pour sa part, l’habitacle ne vieillit pas si mal, même si les pannes électriques ne sont pas rares. D’ailleurs, il existe une ouverture manuelle si jamais la poignée motorisée des portières tombe en panne. D’une manière générale, les accessoires électriques, comme sur les Renault des années 80, ne sont pas très endurants. Côté pièces détachées, on trouve ce qu’il faut pour l’entretien courant, mais dégotter les éléments spécifiques (habitacle, carrosserie) demandera beaucoup de patience.

Sur la route
Dans une époque où les SUV dominent, l’Alpine tranche radicalement tant elle est basse. Impossible de passer inaperçu à son volant. Tapie au sol, elle n’a pas besoin d’artifices esthétique pour paraître menaçante, exhalant une sorte de force tranquille. Il en va différemment dans le cockpit. Alors que je le détestais à l’époque, le design futuristo-plastoc du tableau de bord arrive à me charmer actuellement, tant il est emblématique des années 80 chez Renault. Tout comme les accessoires en plastique de pacotille. Cela dit, la place disponible est assez intéressante, les sièges arrière (rabattables) sont d’un confort étonnant, tout en pouvant accueillir des passagers (pas trop grands) dans des conditions presque convenables. Très allongée, la position de conduite séduit plutôt, tout comme le confort du siège. Etonnant !

L’ergonomie oscille entre le bon (cadrans lisibles) et le ridicule (commandes de chauffage entre les assises) mais on s’y fait. Autre étonnement, le moteur s’avère très silencieux au démarrage. Ensuite, on s’ébaubit de sa souplesse, sa douceur et la progressivité de la mise en action du turbo. On a décrit ce moteur comme brutal ? Au contraire, il est très progressif, et mélodieux par-dessus le marché ! Et quand on a passé les 3 000 tr/min, l’Alpine marche fort, très fort ! Inutile de chasser les tours pour avoir du punch. La boîte, plutôt maniable, seconde bien le PRV, et sa 5e très longue s’avère précieuse sur autoroute.

Car en réalité, rapide, silencieuse et plutôt confortable, l’Alpine V6 Turbo est une GT. Cela ne signifie pas qu’elle n’aime pas les virolos. Très direct, précis mais non assisté, le volant se révèle lourd à manier dans les virages serrés. Là, l’Alpine vire à plat, sans inertie ni mouvement de caisse, un peu comme un gros kart. Elle jouit d’une grosse adhérence et d’une motricité excellente, donc d’une efficacité évidente.
Mais attention, si ses limites sont lointaines, quand on les atteint, il faut agir vite sur le petit cerceau car elle passe d’un coup du sous-virage au survirage. Réflexes et muscles exigés, même si les cas où cela se produit sont très rares. Sur route et autoroute, bien plantée sur ses roues, l’Alpine file droit, en étant bien moins sensible au vent latéral qu’une Porsche 911. Enfin, quand on roule normalement, la V6 Turbo sait avaler moins de 10 l/100 km. Très raisonnable !
L’alternative newtimer*
Lotus Evora (2009 – 2015)

Si l’on cherche une GT originale, basse et dotée d’un moteur arrière n’excluant pas de petites places postérieures, alors on peut lorgner du côté de la Lotus Evora. Ok, son V6 Toyota est logé entre l’habitacle et l’essieu arrière, en position transversale, non dans la poupe. De plus, ce 3,5 l à 24 soupapes n’est pas suralimenté, mais fort de 280 ch, il emmène la Lotus à 261 km/h.
Posant sa carrosserie en plastique sur un châssis en aluminium, elle frôle les 1 400 kg, soit bien plus que l’Alpine V6 GT, mais elle satisfait aux normes de crash-test modernes ! Confortable (malgré l’absence de repose-pied gauche), silencieuse et très efficace, elle se prête bien aux longs trajets. Elle disparaît en 2015, remplacée par l’Evora 400, bien plus puissante. A partir de 35 000 €.

Renault-Alpine V6 Turbo (1985) : la fiche technique
- Moteur : V6, 2 458 cm3
- Alimentation : injection électronique, turbo Garrett
- Suspension : doubles triangles, ressorts hélicoïdaux, barre antiroulis (AV et AR)
- Transmission : boîte 5 manuelle, propulsion
- Puissance : 200 ch à 5 750 tr/min
- Couple : 290 Nm à 2 500 tr/min
- Poids : 1 180 kg
- Vitesse maxi : 250 km/h (donnée constructeur)
- 0 à 100 km/h : 7 secondes (donnée constructeur)
> Pour trouver des annonces d'Alpine GTA, rendez-vous sur le site de La Centrale.
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