Genèse d'une bombe


Dijon Auto Racing qui développe actuellement un réseau de franchisé (Auto Racing) à travers la France est spécialisée dans la préparation moteur et la vente de pièces (distributeur Akrapovic, Forge … etc) depuis sa création en 2008. Très liés sentimentalement à Renault Sport à leurs débuts, ils ont naturellement opté pour une Megane 3 RS (achetée dans le réseau tout ce qu'il y a de plus classique) lorsqu'ils se sont mis en tête de développer des préparations moteur sur cette base. Une fois validé le Stage 2 de 330 ch destiné à être commercialisé, l'auto est devenue un démonstrateur et a alors servi de cobaye aux délires du jeune Romain Viet, 24 ans, l'ingénieur motoriste habilement encouragé par Aurelien Bucher, le créateur de la boutique et Geoffroy Paturaud, l'associé.

La curiosité et l'enthousiasme du jeune touche-à-tout sont sans limite. Les modifications sont testées au banc et la résistance du bloc rudement mise à l'épreuve. Les températures de fonctionnement sont le nerf de la guerre et lorsqu'on va trop loin, ça se dilate, ça fond et après, ça fuit ou ça casse. La Megane RS 500 en est à ce jour à son troisième bloc, ce qui n'est pas énorme vu les extrémités vers lesquelles tendent les sorciers. Aussi étonnant que cela puisse paraître, la boîte reste d'origine et c'est finalement l'embrayage qui joue les fusibles (on en est au 4e) lorsque ça déborde de puissance... ce qui ne manque pas d'arriver.

Essai insolite - Renault Mégane RS500 Dijon Auto Racing : l'éruptive
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En effet, le 4 cylindres 2,0l à l'équipage mobile entièrement reconditionné flanqué d'un turbo Garrett GTX 30 soufflant à 2 bars et d'un collecteur GT28 envoie tout simplement (et exactement) 548 ch à 6 800 tr/mn et 600 Nm à 4 800 tr/mn de couple sur les roues avant. L'autobloquant est toujours celui du châssis Cup du modèle d'origine tandis que tous les périphériques (pompe à essence, réservoir, injecteurs, radiateurs, échangeur, gestion électronique, dump valve...etc.) sont adaptés à ce niveau de puissance totalement délirant. La caisse est quant à elle totalement vidée, un semi-arceau est installé car, à l'origine, la philosophie de transformation s'inspirait de la R26-R à gommes Toyo 888. Mais la RS500 est d'un autre gabarit et elle est aujourd'hui montée en slicks. Pour la motricité c'est forcément mieux.

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C'est à ce moment de notre conversation qu'Aurelien Bucher m'explique le problème du « chrono de merde ». Certes, le 7'51'' signé par Ron Simmons - un pilote local habitué du Ring – a fait parler car il était bien meilleur que le 8'08'' de la Trophy officielle mais au final, cela n'avait absolument rien de comparable puisque la RS500 utilisait des slicks. De plus, ce chrono était essentiellement à mettre au crédit du moteur car le châssis n'avait reçu aucune mise au point particulière alors que les gars de DAR découvraient cette piste si exigeante et que le pilote découvrait l'auto … pour le moins rétive. DAR fait de la préparation moteur et n'était pas spécialisé dans les mises au point châssis. Ron Simmons a bien dégrossi les réglages pour faire une tentative (sur une journée open qui plus est) mais les freinages restaient problématiques avec un arrière-train très baladeur du fait de la répartition des masses très portée sur l'avant. Un « déséquilibre » qui s'explique par la suppression consciencieuse de tout le superflu (il ne reste plus rien que la caisse) mais également à cause d'un manque d'appui aérodynamique manifeste. La suspension manquait aussi de débattement et la puissance ne passait pas vraiment à la piste sauf sous la forme de 2 bandes parallèles bien noire, notamment sur les portions en montée – nombreuses - du circuit. Et on ne parle pas du fait que la consommation atteignait par moments les 100l/100 km (le gavage en essence sert aussi de refroidissement) ! Bref, la courbe de puissance (env 480 ch) et de couple a été revu à la baisse pour la tentative qui ne sera vraiment pas représentative du potentiel maxi de cette auto. D'ailleurs, la RS500 revue sur ces points particuliers a aussi vu sa puissance encore grimper ces derniers mois, ce qui a séduit le pilote Stéphane Caillet qui envisage de repartir au début de l'été avec l'équipe sur le Ring pour finir le travail. Chrono visé : entre 7'30'' et 7'40'' !! Sont-ce des doux dingues enthousiastes ? C'est à moi de m'installer dans le baquet et de voir de quoi il en retourne.


3-2-1 Feu !

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À bord, l'ambiance est très racing avec la batterie et la grosse pompe à essence logée dans l'emplacement de la roue de secours. Le coupe-circuit en position ON, on met le contact sous la gâchette rouge du tableau de bord, on presse le démarreur et le 4 cylindres s'ébroue sans jouer les grandiloquents. On peut même qualifier ça de très timide lorsqu'on se rappelle la fiche technique. Idem pour les premiers mètres, l'embrayage est facile, la boîte aussi aisée à manier que sur la version de série et le moteur ne hoquette quasiment pas à bas régime. Y aurait-il escroquerie ?

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Non, en fait non. Vraiment pas. Il faut pour s'en rendre compte attendre et atteindre 3 500/4 000 tr/mn. C'est à ce moment que ça pète. Littéralement. Avec les pneus froids, on ne prend pas une claque tout de suite mais on comprend qu'il va falloir synchroniser finement les mains et les pieds avec le cerveau pour espérer rester propre et digne. Et éventuellement sauvegarder les pneumatiques. Du coup, le 0 à 100 km/h donné en 5,5s n'est pas représentatif, l'auto étant bien incapable de motricer efficacement sur les 2 premiers rapports mais par contre, le 1 000 m en 22,5s et les 247 km/h en pointe sont déjà plus parlants. Derrière le volant, le plus amusant consiste à coller au train d'un SLS AMG en ligne droite sur les 3e, 4e et 5e rapports. Et comme au premier virage, la chaloupe étoilée part au large, la RS 500 et ses 1250 kg (c'est lourd une caisse vide de Megane !) posés sur des slicks dépose la supercar. Dans ce genre de situation, on ne peut s'empêcher de sourire, c'est un fait.

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Ce côté on-off du moteur (il n'y pas de dispositif de « bang-bang » gardant le turbo en pression au lever de pied) est un stimulant, un dopant, c'est de l'hormone pure qui noie votre cerveau sous une multitude de réflexions quant à la façon d'aborder une courbe (et surtout d'en sortir). Sauf à poncer les pneus et taper le rupteur, la seconde ne sert pas à grand-chose et pour essayer d'aller vite, il vaut souvent mieux garder le rapport supérieur afin de ne déclencher le pétard qu'au moment où les roues sont droites.

Paradoxalement avec un tel monstre et dans un environnement où la mécanique exprime sans ambiguïté toute sa rage et sa violence, il est question de timing et de finesse. L'idéal est donc de garder le maximum de vitesse acquise dans la courbe, d'enrouler au mieux en profitant du grip des slicks et ce, même si on peut reprocher au train avant un léger manque de tranchant (relatif). La surprise vient finalement de la bonne tenue d'ensemble du châssis qui ne se désunit pas, même en slicks et même sous la déferlante des 548 ch. Ça pousse fort et droit au point de pouvoir détruire un train de pneus en quelques tours seulement mais c'est exploitable car cela reste constant dans le comportement, il suffit d'un peu de travail au volant et de la nuance sur la pédale de droite, en 2 mots, du pilotage !


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Le seul point gênant concerne le freinage qui conserve l'assistance d'origine pour une histoire de câblage et de gestion électronique. Il y a certes un kit gros freins Brembo mais le feeling à la pédale est à revoir. Le point de blocage des roues est difficile à cerner et, en tout cas, il ne correspond pas à la pression que vous appliquez. Dès lors, il est difficile pour un gars sans trop d'expérience de trouver la confiance, il y a forcément des secondes à gagner sur ce point. Le billard du Paul Ricard ne permet pas de voir si la nouvelle suspension conviendra au Nürburgring notablement plus bosselé (savoir avaler les bosses, c'est le secret pour aller vite là-bas) mais je pense que cela manque toujours un peu de débattement.

Dans l'habitacle, la concentration est immense. Le hurlement de rage du moteur à partir de 3 500 et jusqu'à son régime maxi de 7 600 tr/mn vous isole de tout le reste, votre regard cherche tout le temps le compte-tours histoire d'éviter de tout casser dans un surrégime et les rapports manuels s'enchaînent très vite. Les bras ne manquent pas de boulot, tout comme les pieds, puis, très vite, il commence à faire chaud. On se demande alors à quoi correspondent les chiffres qui s'affichent à votre droite sur un petit boîtier apparemment important. Romain m'explique qu'il s'agit d'une sonde qui mesure la température du collecteur d'échappement qui ne doit pas dépasser les 1 000°, au risque de … fondre ! La température oscillant entre 960 et 990°, on se dit d'abord que le réglage moteur est plutôt bien calibré puis on comprend pourquoi il fait si chaud (on est assis derrière le moteur) mais beaucoup moins comment les gars de DAR prêtent sans guère d'appréhension (visible en tout cas) un tel pétard à des gens qui roulent en break diesel le reste du temps. Je les remercie d'autant plus de leur confiance que ce fut une sacrée expérience !

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ô miroir, dis-moi ...


Petit à petit, on comprend comment tout cela fonctionne, la curiosité et l'appréhension laissent place à l'envie d'attaquer un peu plus, on en rajoute un peu à chaque tour et on se rappelle combien il est bon de chercher à « entrer en communion » avec une auto avant de pouvoir rouler vite, ce que n'offrent plus beaucoup les autos d'aujourd'hui à boîte et transmission robotisées, assistées, bref, étrangères au pilote. Cette Megane RS est un miroir. Elle vous renvoie l'image exacte du pilote que vous êtes, de vos compétences et incompétences dans la capacité à aller chercher un chrono ou simplement à rouler vite. Vous vous sentez progresser, vous découvrez aussi vos limites, chacun de vos gestes se traduit sans interprétation, il vous faut chercher la motricité, vous prenez des G longitudinaux, vous êtes heureux … et lessivé. Aussi bien des bras que de la tête.


Au sortir d'une grosse dizaine de tours sur ce circuit ultra-sécurisé du Paul Ricard, s'il y a une chose que je perçois dorénavant beaucoup mieux, ce n'est pas le chrono qu'elle sera capable de faire mais plutôt l'entrejambe sacrément plombé que devra posséder le gars qui va aller chercher un temps sur la Nordschleife avec ce baril de poudre ! Il a dès à présent tout mon respect et ma fascination, comme d'ailleurs les gars de Dijon Auto Racing dont la simplicité, l'accessibilité et « l'envie de faire » dans un domaine bien peu porteur en France méritent un soutien.

Puisqu'on y est, sachez qu'ils cherchent un nouveau démonstrateur à développer de façon spectaculaire et qu'ils hésitent sur le modèle (étranger cette fois-ci). Si vous avez une idée d'auto marquante dans laquelle on peut mettre plus de 1 000 ch...

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