Voiture électrique : quand la Chine nous électrocutera
La maire de Paris, Anne Hidalgo, en a remis un coup dans le pare-chocs : plus une seule voiture thermique ne sera acceptée dans la capitale en 2030. Ne circuleront plus, outre les bus de la RATP, que des vélos et des voitures électriques. Préparez-vous à rouler en chinoise…
Paris, comme d'autres capitales occidentales, ne fait que devancer l'appel de 10 ans ; d'ici 2040, on ne pourra plus vendre une voiture thermique en France comme en Grande-Bretagne. En Inde, la barre est pour 2030, en Hollande en 2035 et onze autres pays ont annoncé le même projet. La Chine, premier marché automobile mondial, n'a pas encore annoncé de date mais vise elle aussi la prohibition. Dès 2020, les constructeurs devront honorer des quotas croissants de vente de voitures électriques sous peine de fortes pénalités.
Et les constructeurs suivent : pas un qui n'ait son planning électrique, plus aucun à déclarer ne pas y croire et vouloir se tenir à l'écart de la vague. En pénitence pour ses diesels truqués, Volkswagen va investir 20 milliards d'euros et annonce 3 millions de voitures électriques par an à compter de 2025 : dans 8 ans… Bref, la voiture électrique n'est plus un des moyens de réduire les émissions de CO2 du milliard d'autos qui parcourent le globe, elle est devenue LA solution unique.
Produira-t-on assez d'électricité ? Ce n'est pas la question…
J'aimerais bien me féliciter de cette unanimité - aux Etats-Unis près -, y voir un premier résultat des accords de Paris, une volonté enfin commune d'échapper à la malédiction du réchauffement climatique. Mais il y a un truc qui cloche. En fait, plein de trucs…
Glissons sur les questions mille fois débattues :
Produira-t-on assez d'électricité pour alimenter l'énorme parc qui va se constituer ? Les réseaux supporteront-ils les variations de demande et les gigawatts-heure supplémentaires ? Parviendra-t-on à réutiliser puis recycler les mégatonnes de batteries en fin de vie ? Y aura-t-il des bornes de recharge rapide pour tout le monde alors qu'on n'a pas encore mis en service le centième du million promis l'an passé pour 2020 par Ségolène Royal.
L'intendance suivra, comme disait Napoléon - ou elle ne suivra pas - mais la question essentielle n'est pas là.
La question essentielle est celle de la pertinence de ce choix : la voiture électrique est-elle vraiment la direction à suivre ? Est-elle incontournable pour limiter le réchauffement ?
L'électricité n'est pas une énergie propre
D'abord, je trouve toujours curieux d'imposer une obligation de moyen - la voiture électrique - plutôt que de résultat : diminuer drastiquement nos rejets de C02.
Or, une voiture électrique en rejette presque autant et parfois plus qu'une thermique, si son électricité n'est pas d'origine renouvelable ou nucléaire. En Chine comme en Inde, mais aussi en Europe de l'Est, en Russie, en Amérique, il se construit toujours des centrales à gaz, à pétrole et surtout à charbon alors que l'on n'a pas encore électrifié 0,1 % du parc automobile mondial. Avec quel genre d'électricité convertira les 99,9 % restant ? Le nucléaire ? Il est partout contesté et depuis la catastrophe de Fukushima, son ascension a été quasiment stoppée. Quant aux énergies renouvelables, leurs perspectives de croissance ne sont pas à la hauteur de la hausse de notre consommation. Ceux qui pariaient sur l'éolien terrestre en France savent déjà que la partie est perdue : plus de la moitié des projets d'implantation ne verront jamais le jour, attaqués ou contestés au nom des paysages, des riverains, des espèces protégées ou des besoins de l'armée de l'air.
Donc, viser la voiture électrique avant d'avoir décarboné la production d'électricité, c'est à peu de chose près démarrer un groupe électrogène tournant au butane pour alimenter une cuisinière électrique. On peut faire cuire des pâtes plus intelligemment…
L'urgence, c'est de consommer moins d'énergie
S'il faut réduire drastiquement la contribution de l'automobile - thermique ou électrique - aux émissions de CO2, il faudrait d'abord la rendre moins gourmande. C'était le projet de la voiture "2 litres au cent" d'un précédent gouvernement, projet richement subventionné et déjà passé à la trappe.
Cet objectif était pourtant à portée de main : allégée de 30 %, abaissée, mieux profilée et motorisée par ce qui se fait de mieux sur les étagères des constructeurs, la voiture d'aujourd'hui serait déjà à 3 l/100. Une micro-hybridation, peu gourmande en nombre de batteries, suffirait à lui faire perdre encore un litre et une telle voiture serait moins émettrice qu'une Tesla rechargée avec de l'électricité allemande, chinoise, italienne ou américaine. Pour y parvenir, pas de révolution technologique à accomplir, pas de gisement de lithium à découvrir, pas de parc de centrales électriques à construire, juste une petite évolution culturelle, renoncer à nos SUV et autres bétaillères d'une à deux tonnes, ne plus confier la préservation de nos vies à des quintaux de ferraille et d'airbags mais à des capteurs, des radars et des automatismes. La voiture intelligente en somme, en attendant qu'elle soit autonome.
Quand la chine nous électrifiera…
Cet unanimisme électrique pose aussi la question de notre indépendance. Pendant un bon siècle, la domination de l'Occident sur le monde a reposé sur la maîtrise du moteur thermique et surtout de son approvisionnement en pétrole.
Avec la voiture électrique, c'est la Chine qui prend le volant. En 2020, elle assurera 80 à 90 % de la production mondiale de batteries et contrôle déjà, dans et hors de ses frontières, l'essentiel des ressources en lithium, terres rares, néodyme et cobalt nécessaires à la fabrication des batteries et des moteurs.
En acceptant tous de monter dans le train de la voiture électrique, nous mettons notre mobilité et nos économies à la merci de "l'usine du monde".
Certes, les constructeurs européens fabriqueront des voitures électriques, mais 50 % de la chaîne de valeur - les batteries et vraisemblablement aussi les moteurs - leur échappera. Et ils ne pourront pas traiter les géants de la batterie qui se constituent en Chine comme le vulgaire sous-traitant qui leur livre les tapis de sol ou les triangles de suspension.
Cela ne semble affoler personne. Certes, la commission européenne en appelle à la création d'un Airbus de la batterie mais l'enthousiasme de nos entrepreneurs est modéré. Renault, qui vient de céder à des Chinois sa filiale de fabrication de batteries, n'a rien contre mais a déjà prévenu : il achètera au moins cher.
Tant d'aveuglement est éblouissant.
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