Scandale des 5 000 véhicules dangereux : tout le marché de l'occasion suspecté (vidéo)
Le rappel des 5 000 véhicules soupçonnés d’être toujours dangereux organisé par le ministère de l’Intérieur depuis septembre, est toujours en cours. Il n'y en a même qu'une moitié qui a été expertisée. Et déjà 40 % de ces autos sont considérées comme toujours dangereuses. Comment les propriétaires concernés doivent-ils se défendre ? Peut-on espérer que ce type d'escroquerie, mettant en danger la vie d'autrui, soit limité à ces seuls 5 000 véhicules rappelés ? Le procès qui doit se terminer ce vendredi matin à Évry, dans lequel un conducteur est poursuivi pour homicide involontaire prouve que le scandale est bien plus général qu'il n'y paraît. D'accusé après un accident mortel qui remonte à janvier 2014, le jeune homme en question devrait être reconnu victime. La Clio RS qu'il venait de s'offrir était tout simplement un ancien "véhicule endommagé" très très mal réparé… Et c'est bien ça qui aurait provoqué ce terrible accident. Pas sa conduite.
Les 3 points essentiels à retenir dans cette affaire
1) Un rappel qui n'en finit plus
Sur 5 013 véhicules rappelés depuis septembre, 2 449 seulement ont été expertisés, selon le dernier bilan connu. Près de 40 % des autos examinées sont considérées comme toujours dangereuses. Puis, 2 564 restent donc à contrôler. Il y en a toutefois 219 pour lesquelles les propriétaires refusent de les soumettre à l'expertise. Tandis que 134 ont disparu de la circulation : ces véhicules ont quitté le pays ou carrément été "incendiés ou dépecés pour pièces", a-t-il été confessé lors du congrès de l’ANEA, le plus grand syndicat d’experts en France.
2) Deux sortes de procédure peuvent être entreprises par les victimes : une civile, une pénale
Au niveau civil, la procédure en vices cachés consiste à attaquer le vendeur, afin d'espérer une annulation de la vente. En clair, un remboursement complet - soit à 100 % - même si l'achat du véhicule remonte à plusieurs années.
Au niveau pénal, le mieux, c'est apparemment que les victimes déposent plainte contre X, notamment pour escroquerie et établissement d'un certificat inexact, auprès du procureur de la République d'Évry, afin d'espérer pouvoir se constituer parties civiles dans l'affaire qui s'est ouverte devant le tribunal Correctionnel, et dans laquelle sont poursuivies 11 personnes dont les 4 experts de la région parisienne à travers lesquels les 5 000 véhicules aujourd'hui rappelés ont été retrouvés.
Une première audience s'est tenue le 22 mars, au terme de laquelle le juge a réclamé l'ouverture d'une information judiciaire. Un juge d'instruction devrait normalement être nommé dans les tout prochains jours.
3) Un scandale qui dépasse largement les seuls 5 000 véhicules rappelés
Le jeune homme poursuivi pour homicide involontaire, dont le procès doit se terminer ce vendredi matin, également à Évry, le prouve. Ce conducteur a miraculeusement survécu à un accident mortel survenu en janvier 2014. D'accusé, il devrait enfin être reconnu victime. La Clio RS qu'il s'était offerte quelques jours plus tôt avait tout simplement été déclarée elle aussi dangereuse par le passé, et surtout très mal réparée. "Avec une telle qualité de réparation", l’état de la Clio "ne permettait pas de rouler en sécurité à une vitesse supérieure de 40 km/h", conclut l’expert dans ce dossier.
Combien d'accidents graves, voire comme ici mortels, seraient ainsi dus à de mauvaises réparations et à la complicité d'experts malhonnêtes ? Il y a de quoi aujourd'hui s'interroger.
Un rappel qui n'en finit pas
Huit mois après le début de la campagne de rappel des 5 000 véhicules d’occasion soupçonnés d’être toujours dangereux organisée par le ministère de l’Intérieur, 40 % des autos examinées sont justement considérées comme toujours dangereuses. Le sujet est sensible : le ministère de l’Intérieur comme les représentants des experts en automobile qui s'occupent de ces expertises ont refusé de répondre à nos questions. Il faut dire que, comme le démontre Caradisiac dans ce reportage, le scandale est d’ampleur nationale !
Selon le dernier bilan connu, sur ces 5 000 véhicules rappelés, seuls 2 449 ont été expertisés. Et là-dessus, près de 40 % sont bien considérés comme toujours dangereux. Restent donc 2 564 voitures à examiner, en sachant qu'il y en a :
- 219 dont les propriétaires refusent tout bonnement de les soumettre à cette expertise, et
- 134 autres qui ont d'ores et déjà disparu de la circulation.
Les véhicules ont quitté le pays ou carrément été "incendiés ou dépecés pour pièces", ce qui pourrait s'apparenter à des fraudes à l'assurance, a-t-il été confessé le 18 mars lors du congrès de l’ANEA, le plus grand syndicat d’experts en France.
Deux sortes de procédure à envisager pour les victimes
En attendant de connaître l'ampleur finale des dégâts, les propriétaires concernés par le rappel ont théoriquement perdu la jouissance de leur véhicule depuis qu'ils ont été informés de sa potentielle dangerosité par la lettre recommandée du ministère de l'Intérieur. Pour rappel, il s’agit de véhicules gravement accidentés par le passé, qui avaient été du coup déclarés - pour faire simple - dangereux, avec le déclenchement de ce qu'on appelle une procédure VGE pour "véhicule gravement endommagé". Les anciens propriétaires, couverts par leur assurance, avaient alors accepté de les envoyer à la casse. Mais au lieu d’être détruites, ces autos ont été réparées - et potentiellement très mal réparées -, puis remises sur le marché et en circulation avec la complicité de quatre experts de la région parisienne.
Une procédure en vices cachés sur le plan civil pour espérer l'annulation de la vente (visant directement le vendeur)
Dans le cas où ces autos auraient ainsi conservé les stigmates de l'époque où la procédure VGE avait été déclenchée, c'est carrément l'annulation de la vente que les propriétaires actuels pourraient espérer. Pour Caroline Tichit, avocate de plusieurs victimes, il ne fait toutefois aucun doute que l'expertise proposée par le ministère de l'Intérieur doit être autant que possible évitée. Tout simplement "parce qu'il ne s'agit pas d'une expertise contradictoire, valable dans le cadre d'une procédure en justice", justifie-t-elle.
Il faut alors compter entre 500 et 600 euros de frais pour organiser une telle expertise, dans le cas où l'assurance protection juridique refuserait de la prendre en charge. Un choix difficile puisque celle des pouvoirs publics est au contraire assumée le plus souvent par les assurances. Et force est de constater que ces dernières rechignent à s'engager davantage. Il paraît pourtant évident que pour mener à bien leur procédure, les victimes ne pourront de toute façon pas se contenter de l'expertise "officielle". À un moment ou à un autre, ils seront a priori tous contraints d'en passer par là…
Aurélie, jeune propriétaire d’une Renault Clio achetée en mai 2012 à un concessionnaire Peugeot, a suivi les conseils de Me Tichit. Avec l'aide de son avocate, elle a missionné un expert indépendant et convoqué son vendeur, ainsi que le ministère de l'Intérieur qu'elle considère également responsable de son préjudice. Ce dernier n'a toutefois pas daigné s'y faire représenter. Aurélie a en tout cas de grandes chances de l'emporter, aux dires de son avocate et de son expert. Le fait qu'elle ait affaire à un concessionnaire ayant pignon sur rue, solvable et connu est un avantage certain. Toutes les victimes ne peuvent pas en dire autant.
Une procédure sur le plan pénal visant plus directement les experts à l'origine de la remise en circulation du véhicule alors qu'il était mal réparé
Alors que faire sinon ? Une autre procédure - et l'une n'empêchant de toute façon pas l'autre - doit aussi pouvoir être menée dans cette affaire d'escroquerie. Une procédure non pas civile, mais pénale. Les victimes devraient pouvoir se constituer parties civiles dans l’affaire qui s’est ouverte au tribunal Correctionnel d’Évry, et dans laquelle 11 personnes sont poursuivies pour escroquerie en bande organisée, dont les 4 experts par lesquels ont été retrouvés les 5 000 véhicules aujourd'hui rappelés. À l'audience du 22 mars, le juge a réclamé l'ouverture d'une information judiciaire. Un juge d'instruction devrait ainsi être nommé dans les tout prochains jours.
Pour espérer faire entendre sa voix dans cette procédure, les victimes doivent avant tout déposer plainte. Et le mieux semble-t-il aujourd'hui, c'est qu'elles le fassent auprès du Procureur de la République d'Évry, en charge de l'affaire. Une plainte contre X, notamment pour escroquerie et établissement d'un certificat inexact
Un scandale qui dépasse largement les seuls 5 000 véhicules rappelés
Pour Alain Leclerc, avocat également de plusieurs victimes, il ne fait désormais plus aucun doute que celles-ci seront enfin entendues dans le cadre de cette affaire à Evry. Elles restent pour l'heure très mal voire pas du tout informées par les autorités. Mais avec l'arrivée d'un juge d'instruction, "tout ceci va changer", promet, confiant, Me Leclerc. Son but : "fédérer un maximum de personnes afin de mener une action collective et faire poids". Il est convaincu que le scandale "est d'ampleur nationale" et qu'il y a bien plus de "cercueils roulants" que les 5 000 aujourd'hui rappelés. "L'enquête n'a porté que sur quelques années, mais depuis quand les experts incriminés agissent de cette façon ?", fait remarquer l'avocat parisien.
Me Leclerc est en outre l’avocat d’un jeune conducteur poursuivi également à Évry, dans une affaire qui n’a au départ rien à voir avec les 5 000 véhicules rappelés. Le jeune homme est poursuivi pour homicide involontaire. Les faits remontent à janvier 2014. Alors qu’il essaie en compagnie de son meilleur ami la Clio RS qu’il vient de s’offrir, il perd le contrôle de son véhicule et percute celui d'en face. L'accident est terrible, le bilan très lourd : son ami est mort sur le coup, et la conductrice qui roulait en sens inverse est infirme à vie.
Son procès doit s’achever ce vendredi matin. D’accusé, il devrait être enfin reconnu victime. Sa Clio RS avait elle aussi été déclarée VGE par le passé et surtout très mal réparée. "Avec une telle qualité de réparation", l’état de la Clio "ne permettait pas de rouler en sécurité à une vitesse supérieure de 40 km/h", conclut l’expert dans ce dossier. Combien d'accidents graves, voire mortels, sont ainsi dus à de mauvaises réparations en France ? Il y a de quoi aujourd'hui s'interroger.
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