Route de nuit - Vacances aux ZIL
Voici 30 ans presque jour pour jour, l’URSS disparaissait, entrainant dans sa chute le fournisseur des invraisemblables limousines du kremlin : ZIL.
On a beau diriger le paradis communiste, on n’en est pas moins soucieux d’apparat. Ainsi, les pontes de l’URSS se sont-ils régalés de limousines somptueuses et ostentatoires, pour tout dire, complètement incongrues dans un pays prônant l’égalité absolue entre les citoyens : les Zil.
Pourtant, cette marque, intimement liée au pouvoir d’Union Soviétique a été créée par le régime tsariste. Fondée en 1916, avant la Révolution d’Octobre donc, elle se dénommait au début Automobil Moskva Obshchenie, ou Société Automobile de Moscou (AMO). Ses activités n’avaient alors rien à voir avec le luxe socialiste : l’usine assemblait des utilitaires Fiat, avant de se tourner vers la marque américaine White.
Par la suite, elle a perpétué cette stratégie : soit produire des véhicules de l’Ouest, sous licence, soit s’en inspirer outrancièrement. Ses bâtisseurs ayant vu les choses en grand, AMO, un vaste complexe industriel emploie vite des milliers de gens.
En 1931, rééquipé par les Américains, il est alors renommé ZIS, pour Zavod Imeni Stalina (l’Usine du nom de Staline). Il diversifie largement sa production, allant jusqu’à fabriquer des réfrigérateurs. Ceux-ci ont été réputés pour arborer la même poignée que celle des engins assez inattendus que ZIS s’est mis à construire à partir de 1936 : des voitures de luxe. Staline avait ses petites envies, et en général, on ne les lui refusait pas…
Cela débute avec la ZIS 101 fortement inspirée d’une Buick 1932. 8-cylindres en ligne, 5,7 m de long : pourquoi faire petit quand il s’agit de motoriser les dirigeants du plus vaste pays du monde ? Elle sera améliorée et renommée ZIS 102, puis, après la guerre, sera mise au rebut au profit d’un nouveau modèle : la 110. Présentée en 1946, celle-ci s’inspire de la Packard Super Eight de 1942 et sera produite jusqu’en 1958.
Entre-temps, en 1953, Staline meurt, et son successeur, Nikita Khrouchtchev, n’est pas un tyran psychopathe. Soucieux de desserrer (légèrement) l’étau du pouvoir afin de permettre à la population de respirer un peu, il dénonce le culte de la personnalité mis en place par le petit père des peuples, puis s’attache à le démonter.
Cela passe, en 1956, par un changement de nom. ZIS s’appellera désormais ZIL, pour Zavod Imeni Likhachyova : l’usine du nom de Likhachov. Ce dernier n’est autre que le directeur de ZIS, décédé cette année-là. Un homme puissant puisque ZIS avait étendu ses activités un peu partout en URSS, employant près de 100 000 personnes !
Si son activité principale est la production de camions, de bus et d’engins militaires, les voitures de luxe restent au programme. La 111, elle aussi d’inspiration Packard, remplace la 110 et ses dérivées en 1958, avant d’être restylée dans un style très Cadillac en 1962.
Cela traduit certainement l’obsession des dirigeants soviétiques par les USA, l’ennemi intrinsèque, et leur souci de leur montrer qu’ils peuvent faire aussi bien… On est au cœur de la Guerre Froide, à une époque où l’URSS produit peut-être plus de missiles que des voitures, ce qui la mènera à la banqueroute, puis sa dissolution.
Tout ça semble en tout cas totalement impossible en 1967 quand la 114 prend la suite de la 111, toujours dans un design américain. Sous le capot, cette énorme auto de 6,30 m de long accueille un énorme V8 7,0 l de près de 300 ch qui n’eût pas déparé dans un muscle-car ! Sauf qu’avec 3 tonnes de luxe égalitaire à emmener, il n’est pas à la fête. Une version courte 117 sera dérivée de la 114, ainsi que des cabriolets, voire des landaulets. Tant que l’Etat peut financer…
Justement, les caisses sont presque vides en 1978 quand la 4104 succède à la série 114 en 1978, dont elle n’est qu’une évolution encore plus lourde, puissante et luxueuse. Qui a dit décadente ? Toujours américanisante, elle sera relookée en 1985 où on l’affuble d’un nez façon Mercedes-Benz. Ce sera la dernière vraie nouveauté ZIL, la chute de l’URSS en 1991 entrainant en 1992 la vente à la découpe des activités de l’immense groupe moscovite.
Une nouvelle entité, AMO-Zil continuera à produire au compte-goutte ses autos d’apparat dans l’atelier originel, ciblant désormais les ennemis d’hier, les capitalistes… Qui n’en voudront pas, non plus que Boris Eltsine qui préférera rouler en Mercedes. Son successeur, un certain Vladimir Poutine, ne goûtera guère plus à ces dinosaures métalliques de l’ère soviétique même s’il paradera plusieurs fois à bord de plusieurs d’entre eux.
La production, de toute façon artisanale et limitée, s’arrête en 2013. Les quelques autos encore en construction seront terminées par la société repreneuse de l’atelier, MSC6 AMOZIL : ce sont des 41047, descendantes de la 4104, modifiées puis écoulées en 2017. Quelque 154 de ces modèles délirants et à peu près aussi efficients qu’un Tupolev 144 au décollage auraient été fabriqués avec grand soin depuis 1985, ce qui en fait d’intéressants objets de collection pour qui possède un grand garage et des actions chez Gazprom…
ZIS 101 Sport
ZIS 101
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