Recettes des radars en hausse de 10 % en 2017 !
Stéphanie Fontaine , mis à jour
Record de nouveau battu ! Les recettes engrangées via la répression routière ont de nouveau progressé en 2017, pour s'établir à près de deux milliards d'euros, avec plus d'un milliard apportés rien qu'avec le contrôle automatisé des infractions routières, dévoile la Cour des Comptes ce mercredi. D'où vient cette croissance exactement ? Quels sont les types de PV radars qui ont le plus augmenté l'an dernier - les vitesse ? les feux rouges ? Mystère… Comme chaque année, et malgré les efforts fournis dernièrement sur ce point, la Cour des Comptes continue en tout cas à considérer que l'utilisation de l'argent des radars, comme du reste des PV, n'est pas conforme à la loi, puisqu'il ne sert pas toujours à l'amélioration de la sécurité routière.
Les PV "routiers" (toutes infractions confondues) ont rapporté 1 978,2 millions d'euros en 2017 (voir le tableau ci-dessous), dont plus de la moitié par les radars automatiques, qui ont engrangé à eux seuls 1 013,2 millions d'euros, révèle la Cour des Comptes ce mercredi. Ces recettes, respectivement en hausse de 9 et 10 % par rapport à l'année précédente, s'établissent ainsi à un nouveau niveau record.
Contrairement à 2016, la Cour des Comptes ne se montre toutefois pas aussi critique pour l'inadéquation qui pourrait transparaître de ces recettes - toujours en hausse -, alors que le but recherché - la réduction de la mortalité routière - a du mal à être atteint ces derniers temps. En effet, en 2017, le nombre de morts sur les routes a tout de même baissé de 1,2 %, selon les chiffres encore provisoires, "rompant ainsi avec 3 années consécutives de hausse", et ce, même si le nombre de personnes blessées hospitalisées est quant à lui "en légère augmentation (+1,8 %)". À première vue, les recettes engendrées par la répression routière ont donc eu quelques effets, semble cette fois tempérer la Cour…
D'où provient exactement l'accroissement de ces recettes ?
Ces recettes en hausse s'expliquent par la croissance du produit de l'ensemble des amendes émises en 2017 par rapport à 2016, précise la Cour des Comptes dans son analyse sur la certification des comptes de l'État. Mais quelle en est exactement l'origine ? Pour ce qui est du seul contrôle automatisé, s'agit-il d'une progression des PV de radars de vitesse ? Des feux rouges ? Ou bien encore de ces nouvelles contraventions "pour non-désignation des conducteurs (NDC)" dont le montant forfaitaire - 675 € ! - est tout simplement astronomique, et surtout réclamé en toute illégalité selon bien des avocats ? Les sages du Palais Cambon ne le précisent pas.
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On apprend juste que la mise en place de ces NDC "contribue à la forte augmentation des courriers" envoyés par le Centre de Rennes, "sans que la Cour soit en mesure d’identifier sa part dans l’augmentation globale". Un rebond d'activité que le projet de loi de règlement du budget, également rendu public ce mercredi, confirme par ailleurs dans ses annexes. Selon ce document, les messages d'infraction se sont ainsi élevés à près de 26 millions en 2017, en hausse de 1,3 % par rapport à 2016, et les avis de contravention qui en ont découlé, à 17,03 millions, en hausse carrément de 6,1 %.
La Cour réitère en revanche ses critiques habituelles sur l'utilisation de l'argent de ces amendes, pas toujours liée à la lutte contre l'insécurité routière. Elle rappelle que ce mésusage contrevient "au principe de spécialité" défini à l’article 21 de la LOLF*, lequel dispose que "les opérations budgétaires financées au moyen de recettes particulières [comme c'est le cas ici, NDLR] sont, par nature, en relation directe avec les dépenses concernées", ce qui n'est donc pas vraiment respecté…
Des recettes pas toujours en lien avec la sécurité routière
Pour preuve, sur les près de deux milliards d'euros récoltés par les PV "routiers" l'an dernier, il y en a déjà presque 25 % qui ne vont pas à l'amélioration de la sécurité routière :
- 508,8 millions d'euros sont affectés au désendettement de l'État, pourtant "sans rapport avec la nature des recettes", insiste la Cour, et
- 45 millions sont également versés au budget général de l'État.
Une très grosse part des amendes radars n'est pas non plus affectée à ce compte d’affectation spéciale (CAS), intitulé "Contrôle de la circulation et du stationnement routier" (voir l'infographie ci-dessus), qui retrace théoriquement toutes les dépenses effectuées à partir des recettes issues de l'ensemble de ces PV, et que la Cour des Comptes vient de certifier. Les amendes forfaitaires des radars ont ainsi rapporté 824,5 millions d'euros en 2017, mais là-dessus, 405,5 millions d'euros ont été affectés à "l’agence de financement des transports de France (AFITF)", détaille la Cour.
Pour le ministère de l'Intérieur, il se trouve que l'AFITF "contribue de façon significative à la lutte contre l’insécurité routière par les investissements qu’elle finance, bien au-delà des recettes issues du CAS". À l’appui de ces justifications, Beauvau avait d'ailleurs fourni, en annexe du dernier projet de loi de Finances, un rapport avec la liste des investissements financés en 2016 par l’AFIFT en faveur de l'amélioration du réseau routier, pour un montant total de près de 780 millions d'euros.
Le rapport insuffisant sur l'argent utilisé par l'AFIFT et les collectivités
Reste que ce rapport "n’isole pas la part des investissements visant spécifiquement la lutte contre l’insécurité routière et financés par le produit des amendes radars", objecte la Cour des Comptes. En outre, "aucune étude d’impact ne permet (…) d’évaluer la contribution effective des différents travaux cités à la politique de sécurité routière".
Enfin, pour ce qui est des 743,7 millions d'euros affectés aux Collectivités territoriales, (au lieu des 669,6 M€ initialement prévus) dont on ne connaît pas très bien non plus leur destination, là encore, le rapport de Beauvau susmentionné devait permettre d'apporter tous les éclaircissements nécessaires, mais là encore, le rapport (qui ne cible de toute façon que des opérations remontant à 2016, et non 2017) ne satisfait guère la Cour des Comptes… Ledit rapport se borne en effet à fournir une liste d'opérations relatives aux seules "communes de moins de 10 000 habitants", explique-t-elle, alors que les dotations versées aux communes de plus de 10 000 habitants "représentent 87 % des crédits attribués" !
Pour une surprise… Pour rappel, au moment de la publication de ce fameux rapport à l'automne dernier, la Sécurité routière assurait de manière catégorique que "91,8 % des recettes des 'amendes radars' ont financé la lutte contre l’insécurité routière et 8,2 % le désendettement de l’État". Mais, après l'analyse de la Cour des Comptes, c'est en fait loin d'être garanti.
Une certitude : les recettes générées par les PV "routiers" ne sont pas près de faiblir… "Les perspectives ouvertes par (...) l’application du plan gouvernemental (...) 2015, dont de nouvelles mesures seront appliquées en 2018 (achèvement de l’implantation des radars, développement des radars leurre, externalisation des radars embarqués), laissent présager une augmentation des recettes, d’autant que de nouvelles mesures (limitation à 80 km/heure sur certaines portions de routes départementales) se profilent", dixit la Cour. En clair, de nouveaux records peuvent être d'ores et déjà attendus ! Ce qui, pour le coup, est loin d'être une surprise…
*la loi organique relative aux lois de finances (LOLF) détermine le cadre juridique des lois de Finances votées chaque année par le Parlement.
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