Pourquoi le retour de la carte des radars pose question ?
La nouvelle page Internet du site de la Sécurité routière qui présente une carte interactive des emplacements des radars fixes ne répond pas (encore) vraiment à ce qu'avait annoncé le Premier ministre, au dernier Comité interministériel de la sécurité routière (CISR), début 2018. Difficile pour le moment de savoir d'ailleurs quelles sont les infos qu'elle délivrera bien à terme. Pour quelle bonne raison surtout Édouard Philippe a-t-il décidé de valider ce retour ? Mystère…
On la croyait enterrée, mais la mesure n°7 du dernier Comité interministériel de la sécurité routière (CISR), qui était de toute façon passée complètement inaperçue avec l'annonce de l'abaissement à 80 km/h, vient de refaire surface. Comme déjà annoncé sur Caradisiac, la carte officielle des radars fixes et itinéraires de contrôle-leurres a donc été mise en ligne sur le site de la Sécurité routière, "le 2 juillet", a-t-elle indiqué. Une mise en ligne qui n'est pas sans susciter quelques interrogations…
1 - La carte répond-elle à ce que le Premier ministre, Édouard Philippe, avait annoncé le 9 janvier, au CISR ? Non, pas tout à fait ou, en tout cas, pas encore…
Voici pour rappel le contenu de la mesure au complet :
Manque pour le moment "le lien avec l'accidentalité", voire aussi celui "avec les recettes générées". Le premier point sera intégré à la carte en "2019", nous a confirmé la Sécurité routière. Quant au second, nous n’avons guère obtenu de précisions, alors qu'il n'est plus vraiment évoqué dans sa communication officielle. Seul un onglet intitulé "Que deviennent les amendes des radars" y fait référence sur la carte, et renvoie à une autre page - en ligne depuis longtemps - du site de la Sécurité routière relative aux recettes des radars, sur laquelle cette dernière assure notamment que "la quasi-totalité" de celles-ci "est réinvestie dans la lutte contre l’insécurité routière"… ce que conteste pour rappel la Cour des Comptes chaque année !
Pour "l'information fiable et transparente des usagers de la route", il faudra donc patienter. Sans compter qu'on attend toujours, et ce malgré les demandes répétées de Caradisiac, les statistiques du contrôle automatisé en 2017 - les flashs enregistrés sur l'année et les avis de contravention qui en ont découlé pour chaque radar en service. Statistiques qu'on a de toute façon de plus en plus de mal à obtenir, avec de moins en moins d'informations communiquées.
2 - Le ministère de l'Intérieur n'aurait-il pas précipité la mise en ligne de cette carte ? Il y a de quoi se le demander, certaines annonces n'étant de fait pas tenues…
Selon le communiqué de presse de la Sécurité routière, la "carte interactive" permettrait de faire "une recherche par département ou par type de radar", mais seule la seconde option semble pour l'instant active. La carte permet certes de "zoomer" sur certains endroits et donc de rechercher des appareils localement, mais pas de discriminer les données de manière précise par département ou même par région, dont les contours administratifs ne sont pas clairement délimités.
Sur le site dédié, un traitement tout particulier est également réservé aux "voitures-radar". "Ces véhicules seront pilotés à terme par une seule personne, employée et rémunérée par une entreprise privée", est-il alors noté, selon un "déploiement dans toute la France (...) prévu d’ici à 2020", avec pour finir cette dernière précision : leur "cartographie sera renseignée sur la carte au fur et à mesure de ce déploiement". Là encore, cela ne semble toutefois pas actif puisque les "cinq voitures-radar conduites par un opérateur privé sous strict contrôle de l’État", mises en service sur "les routes de Normandie", comme annoncé officiellement fin avril, restent introuvables sur la carte.
3 - Pourquoi avoir décidé de rendre à nouveau publique cette carte ? Serait-ce pour mieux faire passer la pilule de la future mise sous tutelle des avertisseurs de radars comme Coyote et Waze, qui seraient bientôt contraints d'inhiber leurs alertes dans un certain contexte ? Mystère…
Le principe de cette carte n’est en tout cas pas une nouveauté. Pour mieux le comprendre un flashback s'impose :
- 30 juin 2003 : Nicolas Sarkozy, alors ministre de l'Intérieur, prononce un discours devant les responsables départementaux de la Sécurité routière, pour les préparer à l'arrivée du contrôle automatisé des infractions routières, autrement dit des radars automatiques : "Dans mon esprit, l'idée n'est surtout pas de "piéger" les conducteurs. Il a été demandé aux préfets d'identifier (...) les lieux les plus accidentogènes (...). Je souhaite également que la liste des emplacements soit très officiellement diffusée par le Gouvernement"… Et voilà comment est née l'idée de cette carte qui restera disponible sur les sites du gouvernement jusqu'en 2011.
- 11 mai 2011 : Nicolas Sarkozy est alors président de la République, François Fillon, Premier ministre, Claude Guéant, ministre de l'Intérieur. Et voici ce qui est décidé au Comité interministériel de la sécurité routière (CISR) du 11 mai : "Les avertisseurs de radars, qui sont une incitation à enfreindre les règles en matière de limitation des vitesses, seront interdits. Les panneaux indiquant la présence de radars fixes seront supprimés et les cartes d'implantation des radars ne seront plus rendues publiques."
Pour ce qui est de la carte, aussitôt dit aussitôt fait ! Jusque-là rendue publique et officiellement réactualisée à chaque nouvelle implantation, elle est dans la foulée de cette annonce supprimée. "L'information sur le positionnement des radars fixes incite en effet certains conducteurs à ne respecter la réglementation des vitesses qu'à leur proximité", explique alors Matignon dans un communiqué.
Pour le reste, devant le tollé suscité par ces annonces à l'époque, le gouvernement renoncera en grande partie à les mettre en application. Les avertisseurs de radars seront simplement rebaptisés en "assistants d'aide à la conduite", le mot "radar" et les emplacements précis des appareils de contrôle proscrits de leurs alertes. Quant aux panneaux, ils seront remplacés dans un premier temps par des radars pédagogiques, puis carrément "réhabilités" sous la présidence de François Hollande… Un fiasco en termes financiers ! Et comme quoi, les volte-face et autres changements de cap, même en matière de Sécurité routière, ça existe aussi ! De là à espérer un tel revirement pour le 80… ça paraît quand même difficile à croire.
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