Maserati Quattroporte II, le ratage qui aurait pu devenir le fleuron de Citroën fête ses 50 ans
Stéphane Schlesinger , mis à jour
Sous sa ligne évoquant une Fiat 128 hypertrophiée, la Maserati Quattroporte II est en réalité proche de la… Citroën SM ! Inaboutie, elle a pourtant frôlé la fabrication en série : on est passé près du drame voici exactement 50 ans.
A la fin des années 60, on a la folie des grandeurs chez Citroën, quand bien même les finances ne sont pas si reluisantes. Alors qu’on a lamentablement arrêté le crucial projet F en 1964, on se permet de racheter d’abord Panhard en 1965, puis Maserati en 1968. Pourquoi ? Pour en récupérer un moteur qui va animer un coupé de haut de gamme : la SM.
Lancée en 1970, celle-ci cache sous sa carrosserie ultramoderne une plate-forme proche de celle de la DS et un V6 2,7 l dû à Giulio Alfieri, ingénieur en chef de la marque au trident. Cette dernière récupère à son tour des technologies Citroën, notamment l’hydraulique haute pression dont on retrouvera des éléments sur les Bora, Merak et Khamsin (notamment du côté du freinage).
Mais la collaboration devait aller bien plus loin : en octobre 1974, Maserati présente au salon de Paris sa Quattroporte de deuxième génération. Succédant à une Quattroporte I élégante et dotée d’un V8 issue de la compétition, elle déconcerte totalement. Déjà par sa ligne banale malgré quelques détails bizarres, évoquant une grosse Fiat 128 : Marcello Gandini, son auteur travaillant alors chez Bertone, n’a pas réalisé là un chef d’œuvre…
Ensuite par sa technique. En effet, cette Quattroporte n’est rien d’autre qu’une Citroën SM rallongée et pas encore au point. Elle se contente donc d'un V6, celui porté à 3,0 l de la SM automatique. Le public n’adhère pas du tout (en Europe, la traction est rejetée à ce niveau de gamme) et le constructeur n’a pas les moyens de la finaliser. Problème, Citroën non plus : ses errements des sixties ont emmené le double chevron à la faillite et au rachat par Peugeot.
Mais l’idée d'une improbable berline sur base de SM vient-elle de Maserati ? Rien n’est moins sûr. Explication. En ce moment, on fête le jubilé de la CX, révélée en même temps que la Quattroporte II. On croit souvent que la CX a remplacé la DS, mais ce n’est que partiellement vrai. En effet, elle ne devait succéder qu’aux DSpécial et DSuper, les versions basses de la mythique berline.
Les versions hautes, badgées DS20 et DS23 devaient connaître une descendance plus prestigieuse : on leur avait prévu une grande berline dérivant de la SM. Voilà qui évoque furieusement la Maserati Quattroporte II ! Il n’est pas du tout exclu qu’une variante dessinée en interne chez Citorën ait été réalisée, d’ailleurs, Chapron a construit pour son compte des SM à quatre portes baptisées Opéra et moyennement réussies.
Quant à l’italienne, sa définition semble bien vue : une auto suffisamment rapide (200 km/h), confortable, extrêmement sûre et moins gourmande que celle qu’elle remplace grâce à son moteur plus petit, ça n’a rien d’idiot à une époque frappée par la crise du pétrole, où les limitations de vitesse se répandent. Mais les faillites de Citroën et Maserati scellent son sort. Côté français, Peugeot stoppe tout développement sur base SM, allant même jusqu’à bazarder les dernières coques construites.
Côté italien, même si une variante 3,2 l de la Quattroporte II a été présentée, Alejandro de Tomaso, qui a racheté Maserati en 1975, arrête également les frais sur cette voiture (il refusera le proto proposé par Frua) et met en chantier une Quattroporte III. Treize Quattroporte II ont été produites jusqu'en 1978, à l'unité, sur demande d'une clientèle presque exclusivement proche-orientale.
Pour limiter les coûts de conception, celle-ci dérivera de sa berline Deauville, très inspirée de la Jaguar XJ6, par son style et ses trains roulants. Présentée dès la fin 1976, elle n’est commercialisée qu’en 1979, le temps de parachever sa mise au point. Et elle se vendra très correctement.
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