La voiture électrique est-elle en panne ?
Ses ventes se tassent et le doute s’installe, des lancements de nouveaux modèles et des chantiers d’usines de batterie sont reportés et les constructeurs supplient l’Europe de reporter ses quotas de production de voitures électriques.
Indiquant toujours le sens du vent – et ce vent est mauvais pour la voiture électrique - les JT de TF1 ont, cet été, consacré une huitaine de sujets au VE, tous plus ou moins à charge. J’en ai visionné un, confondant de niaiserie et de mauvaise foi, un comparatif sur un trajet Nord-Normandie d’un diesel, d’une hybride et d’une voiture électrique laquelle, forcément, arrive très en retard et manque de tomber en rade à court d’électrons.
Pour faire court, c’était un peu comme si en 2100, on donnait à conduire au stagiaire du JT une Peugeot 308 HDI de 2024, sans lui donner le mode d’emploi. À l’écran, on verrait le gus circonspect à la pompe, levant le capot et hésitant à introduire le pistolet dans l’orifice de remplissage d’huile, puis hésitant derrière la trappe entre celui pour le carburant et l’autre pour l’AdBlue. Pour finalement ne mettre qu’un demi-litre dans le réservoir et un autre sur ses godasses car forcément, ça refoule si on n’enfonce pas le pistolet à fond. Et tomber en panne sèche après 20 km.
Un week-end en hélicoptère
De toute évidence, le journaliste n’avait jamais conduit une watture ni entendu parler du planificateur de trajet, ni d’une application ou d’une carte d’abonnement et pas non plus de la différence entre courants alternatif et continu… Donnez-moi un hélicoptère pour partir en week-end, je vous ferais un reportage tout aussi pertinent.
Les autres sujets « watture » des JT de cet été étaient du même tonneau percé, insistant fortement sur les problèmes de recharge des néophytes, sur la mévente actuelle des voitures électriques, les reports de production des constructeurs qui semblent ne plus y croire après y avoir investi des milliards.
J’ai vérifié, depuis le début de l’année et surtout cet été, les ventes de VE diminuent effectivement, mais, en France en tout cas, pas plus que le marché automobile dans son ensemble, en chute de 25 % en août, et la part de marché de la voiture électrique reste stable, un peu en dessous de 17 %.
L’automobiliste serait très attaché au moteur thermique…
Il n’empêche, depuis deux ou trois mois, sur tous les grands médias populaires, on lit des gigas octets d’articles sur le thème « pourquoi la voiture électrique patine ».
Certes les ventes en Europe se tassent. Mais pourquoi ?
Tout juste signale-t-on qu’à l’origine de ce tassement, il y a eu la décision étonnante du gouvernement allemand de supprimer, brutalement et sans préavis, tout bonus à l’achat de VE sur le premier – et de loin – marché européen. On ne peut mieux décourager l’acheteur et casser l’élan du marché.
Plutôt que de souligner cette triviale et suffisante explication, des confrères en ont dénichées de plus subtiles, expliquant que la watture avait désormais fait le plein de clients avant-gardistes et fortunés, les « early adopters », et peinait désormais à convaincre l’automobiliste lambda, qui serait lui très attaché à la motorisation thermique.
Ben voyons, le plein à 15 euros les cent kilomètres, on s’y attache et ça nous manquerait de ne plus claquer plus ou moins 100 € à chaque arrêt à la pompe… Et tous ces petits pépins de courroie qui se désagrègent, de FAP colmatés ou de boîtes automatiques qui cassent, n’est-ce pas le piment de nos fades existences ?
Concernant le marché français, je ne lis nulle part que la récente baisse des ventes doit sans doute davantage à l’attentisme et au protectionnisme qu’au scepticisme.
En attendant la ë-C3 et la R5
Je parle de l’attente des Citroën ë-C3 et Renault R5 qui se font désirer. La production de la première n’a pas encore démarré et la seconde n’arrivera qu’en début d’année prochaine, sa version LFP plus abordable un an après.
Qu’écriront les grands analystes quand, l’an prochain, les ë-C3 et R5 revigoreront les immatriculations françaises et, espérons-le, européennes de VE ? Pour les essayer afin d’expliquer leur succès, le stagiaire de TF1 s’offrira-t-il une appli et une carte d’abonnement pour recharger ailleurs que dans un village perdu, en 11 kW ?
Je ne lis pas plus souvent comme explication au tassement du marché que la suppression du bonus pour les best sellers Made in China, Dacia Spring, Tesla 3 et MG4, a forcément infléchi les immatriculations.
Choisir son camp ?
Pourquoi faut-il être pour ou contre la voiture électrique ? Pourquoi faut-il choisir son camp et entrer en religion : y croire ou pas ?
Personnellement, je m’y refuse et quand on me demande un avis – l’acheter ou pas, ce qui m’arrive au moins une fois par mois - je la conseille autant que je la déconseille. Dans le premier cas, et vivement, à ceux qui roulent beaucoup au quotidien et peuvent recharger à domicile à 3 €/100 km. Dans le second cas à ceux qui parcourent essentiellement de longs trajets et ne disposent d’aucun moyen de charger à la maison à 25 ou 27 ct/kWh.
Pas que ce ne soit infaisable d’aller loin en électrique. En fait ça l’est d’autant plus facilement que désormais 100 % des stations d’autoroute sont équipées de bornes et, de plus en plus les aires de repos. La galère du voyage en électrique, à moins d’opter pour un Bayonne-Bastogne par les départementales, c’est du passé.
Si je déconseille l’électrique aux rouleurs au long cours, c’est tout simplement parce qu’en chargeant principalement en mode rapide sur autoroute (60 ou 70 ct/kWh), les cent kilomètres - à 130 km/h et 20 kWh/100 km - reviennent entre 12 et 14 €, aussi cher qu’avec une thermique et que par conséquent l’amortissement du surcoût à l’achat est incertain. D’autant plus incertain qu’il y a l’inconnue de la valeur à la revente.
Dans ce cas, c’est la conviction écologique qui doit arbitrer et là encore, comment prétendre en avoir une parfaitement solide ? Entre les nuisances de l’extraction du lithium, du cobalt et autres métaux rares, la nécessité de multiplier centrales nucléaires, champs d’éoliennes et panneaux solaires, les énormes émissions de CO2 nécessitées par la production de batteries toujours plus puissantes et donc lourdes et pénalisantes en termes de rendement énergétique, les inconnues du recyclage de celles-ci, comment affirmer sans douter que la watture, telle qu’on veut nous la vendre, est bénéfique pour notre environnement ?
Une partie de poker infernale
Et admettons que, tout bien pesé, elle le soit tout de même – ce que je tends à penser – comment être persuadé que ce probable bénéfice environnemental justifie d’envoyer au tapis la principale industrie du vieux continent, l’automobile européenne et ses millions d’emplois.
Car s’il faut s’interroger sur le bien-fondé de la généralisation de la voiture électrique, c’est d’abord à ce sujet : la survie de nos constructeurs.
Ils ne sont déjà pas assurés de pouvoir rattraper l’avance prise par leurs concurrents chinois et américains, ni de résister à la guerre des prix qu’ils leur mènent mais ils sont en prime menacés par l’Europe d’amendes de plusieurs milliards d’euros s’ils ne respectent pas leurs quotas d’émission CO2, en clair, s’ils ne vendent pas assez de voitures électriques.
Luca de Meo, patron de Renault et président de l’Association des constructeurs européens évoque même l’hypothèse de devoir diminuer la production de véhicules thermiques pour pouvoir respecter le pourcentage obligatoire de VE.
La partie de poker qui se joue entre l’Europe et la Chine ces temps-ci est infernale. La commission européenne veut surtaxer les importations de voitures électriques chinoises à la grande fureur de Pékin. Et « en même temps » ® exige de ses constructeurs qu’ils produisent davantage de VE et pour cela, importent davantage de batteries… chinoises. Que forcément les producteurs chinois ne leur vendent pas au meilleur prix.
Ce qui rend les VE européens trop chers.
Et donc difficile à vendre.
Si en plus, TF1 décourage de les acheter…
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