La conduite des radars mobiles par des prestataires privés prévue pour janvier 2017
Le gouvernement n'en démord pas : il souhaite confier la conduite des radars mobiles à des prestataires privés. La mesure, dans les tuyaux depuis quelques mois déjà, serait prête pour le mois de janvier prochain. Même si la Sécurité routière s'en défend, il s'agit bien de privatiser une partie des contrôles routiers. Car les opérateurs à bord de ces véhicules ne se limitent pas seulement à changer les vitesses pour rouler. Parmi leurs tâches, ils ont bel et bien à paramétrer le radar. Et ça, jusque-là, seuls les policiers et les gendarmes y avaient droit.
La désertion a commencé en 2003 avec l’apparition du contrôle automatisé des infractions. Depuis, rien n’y fait, la surveillance de la circulation routière échappe inexorablement aux représentants des forces de l’ordre. Dernier pré carré en date à leur être retiré : la conduite des radars mobiles que le gouvernement souhaite confier à partir du mois de janvier prochain à des entreprises privées, croit savoir Le Parisien ce jeudi.
La nouvelle n'en est pas vraiment une, puisqu'elle a officiellement été annoncée le 2 octobre 2015, à l'occasion du dernier Conseil interministériel de la Sécurité routière (CISR), par le Premier ministre lui-même, Manuel Valls. Mais ça se précise. L'objectif de nos autorités est ainsi de multiplier le risque de se faire verbaliser, alors que la mortalité routière est repartie à la hausse déjà depuis deux ans. "À tout endroit et à tout moment, les automobilistes doivent savoir qu'ils pourront se faire flasher", menace le délégué interministériel de la Sécurité routière, Emmanuel Barbe.
La voiture ne fait pas tout toute seule, c'est faux !
Il se trouve que les radars mobiles nouvelle génération (RMNG), capables de repérer les excès de vitesse en roulant dans le flot de la circulation, et non plus seulement à l'arrêt sur le bord des routes, ne seraient guère utilisés par nos gendarmes et policiers. En moyenne, les 319 "radars mobiles-mobiles" actuellement en service ne sortiraient du garage qu'à peine une heure par jour. Une surprise ? Apparemment les responsables de la Sécurité routière n'avaient pas prévu qu'ils n'avaient pas les moyens de faire fonctionner cette nouvelle génération de radars automatiques avant de les commander !
À ceux qui s'agaceraient de voir une fonction régalienne tomber dans l'escarcelle des prestataires privés, Emmanuel Barbe répond dans Le Parisien : "c'est la voiture et elle seule qui procédera comme aujourd'hui au contrôle automatique de la vitesse, et l'analyse du flash continuera à être effectuée par un officier de police judiciaire basé à Rennes"... Sauf que la voiture radar ne fait pas tout, toute seule, ce n'est pas vrai !
Quand il s'agit de l'utiliser en roulant, le radar en lui-même n'a, semble-t-il nul besoin d'une installation particulière (contrairement à ce qui se passe quand il est utilisé à l'arrêt, sur le bord des routes). Mais cela ne veut pas dire que les deux personnes à bord du véhicule n'ont rien à faire du tout, à part conduire. Le manuel d'utilisation du Gatso Millia, le nom commercial de ces RMNG, que Caradisiac a consulté, ne laisse d'ailleurs aucun doute. Voici par exemple ce que l'on peut lire au chapitre "Opérations en mode mouvement" :
- "Lorsque la vitesse limite autorisée de l’axe contrôlé est de 50 km/h et que cet axe comporte plusieurs voies contrôlables, le véhicule porteur doit être positionné de manière à ne contrôler qu’une seule voie à sa gauche", ou encore,
- "Le contrôle doit être désactivé à l’approche d’un site qui ne permet pas de remplir les conditions précédentes (changement d’axe, voie d’accélération ou de décélération, rond-point, carrefour…)".
De futurs PV illégaux ?
Sans compter qu'il y a des étapes de pré-contrôle à effectuer pour s'assurer que le matériel fonctionne correctement. Avant de commencer, il est aussi demandé aux opérateurs d'entrer les paramètres de leur mission. Sur l'écran à leur disposition, dans l'habitacle de la voiture, ils doivent renseigner les "conditions météorologiques", la "VLA", c'est-à-dire la "vitesse légale autorisée" sur la portion de route qu'ils comptent contrôler, le "sens de détection" pour préciser s'il s'agit d'un contrôle en "approche, éloignement, ou approche et éloignement". Etc. Autant de précisions qui permettent d'établir correctement d'éventuelles verbalisations.
"Si ce n'est pas un policier ou un gendarme qui rentre toutes ces données, le procès-verbal perd toute sa force probante. En clair, il n'est plus valable !", s'indigne Caroline Tichit, avocate spécialisée dans la défense des conducteurs. L'association 40 millions d'automobilistes s'alarment aussi de cette privatisation. Selon le sondage qu'elle a commandé à Harris Interactive "83 % des Français" pensent d'ailleurs que c'est "une mauvaise chose". Du coup, l'association fait savoir qu'elle lance un site de mobilisation, www.souriezvousetesflashes.com, via lequel les usagers peuvent s'opposer à cette mesure, encore en préparation.
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