La beauté des laides : les monospaces décapités du designer Giovanni Vernagallo
La baie de Capri en Italie n'abrite pas seulement des trésors architecturaux et des paysages époustouflants. On y découvre de très curieux taxis. Ces engins bizarres sont des monospaces cabriolet concoctés par un designer aux idées fixes : Giovanni Vernagallo. Ses voitures sont des défis aux lois de la physique et aux codes esthétiques.
Depuis toujours, le garçon a une curieuse obsession : décapiter toutes les autos qui lui passent sous la main. Aussi, après avoir fait ses armes dans quelques grands bureaux de style italiens comme Ghia et Michelotti pour lesquels il dessine des cabriolets, le designer Giovanni Vernagallo décide de voler de ses propres ailes.
On est en 2007 et il vient de découvrir un filon, un havre de paix de l'auto découvrable où tout est permis : Capri. C'est que la splendide baie italienne n'abrite pas seulement des sommets de bon goût comme la villa de l'empereur Tibère ou celle de l'écrivain Malaparte, elle cache aussi quelques traditions plus obscures qui survivent grâce une tolérance juridique. On y trouve un genre automobile pour le moins particulier qui échappe à toutes les homologations traditionnelles : les taxis cabriolets.
Les drôles de taxis de Capri, c'est loin d'être fini
Depuis les années cinquante, et l'avènement du tourisme dans la fameuse baie, les chauffeurs locaux ont pris l'habitude de proposer à leurs clients des voitures avec vue, grâce à des engins bricolés par leurs propres soins, ou dans des ateliers locaux. Fabriquer un cabriolet ? C'est aussi simple qu'ouvrir une boîte de petits pois : il suffit d'enlever le couvercle, en l'occurrence le toit. Et si la rigidité de l'ensemble est quelque peu discutable, voire inexistante, puisque celle d'une auto est constituée de l'ensemble de la structure, ce n'est pas très grave : l'été, la route de la corniche qui longe la baie de Naples à Capri est tellement encombrée que tout le monde roule au pas. Alors la sécurité est secondaire pour les chauffeurs de taxi. Quant à leurs clients, ils ont la tête en vacances.
Sauf qu'au début du XXIe siècle, les constructeurs comme les autorités deviennent prudents. Pas question, évidemment de supprimer les drôles de taxis qui sont à Capri ce que les gondoles sont à Venise, mais il conviendrait d'y mettre un minimum d'ordre et de sécurité. Un message que Giovanni Vernagallo reçoit 5/5 en ouvrant son atelier à Turin, loin de Capri, mais il a l'oreille des taxis de la baie. Il n'hésite pas une minute et s'engage à fabriquer des autos qui respectent les normes de sécurité et à les faire homologuer individuellement. Sa cible : les monospaces à 7 places. Plus c'est grand, plus ses clients seront contents et pourront embarquer les grandes familles cheveux au vent.
Il s'attaque d'abord à l'Opel Zafira. Le pauvre monocorps allemand qui n'en demandait pas tant se voit décapité du pare-brise jusqu’à l'arrière. Est-ce que l'engin est suffisamment rigide malgré son absence de toit ? Il est préférable de ne pas attaquer les spéciales du rallye de San Remo à son volant, mais il tient suffisamment la route pour promener les touristes à allure modérée. C'est que Vernagallo a renforcé ses soubassements et lui a concocté un arceau pour lui permettre de maintenir sur la route. Mais il n'y a pas de miracle : un engin de cette longueur, sans toit, ne peut pas revendiquer la tenue de cap d'une citadine fermée. Évidemment côté style, il prie pour que ses profs de l'institut de design de Turin, qui lui ont tout appris, ferment les yeux, car le résultat est loin d'être harmonieux.
Le Zafira cabriolet dûment reconnu par Opel Italie
Pour son curieux monospace sans toit, le maestro des taxis fait ce qu'il faut. Il demande l'autorisation d'Opel Italie, qui la lui accorde, ravi d'associer son image à celle de Capri. Le succès est au rendez-vous et il donne des ailes à la PME turinoise. Alors que les Zafira fleurissent entre Capri et Naples, le designer désosseur de voitures souhaite aller plus loin. Il produit déjà un cabriolet français sur la base d'une Renault Twingo 1 qu'il rend méconnaissable, mais il veut désormais s'attaquer au Citroën C4 Grand Picasso, un gros bébé de 4,60 m, et toujours à 7 places.
Rendez-vous est pris avec Citroën Italie et, contre toute attente, l'importateur est emballé. Le temps de brandir sa scie à métaux, et Vernagallo découpe le grand monospace. Problème : les feux arrière de l'auto remontent jusqu'au toit. Pas grave : ils seront remplacés par des optiques de Daewoo Matiz. Elles ne sont pas chères et font parfaitement le job. Les passagers ne veulent pas rester assis ? Ils préfèrent se lever pour contempler la baie de Capri ? Le transformateur turinois s'en arrange et installe des barres de maintien devant les sièges arrière, façon papamobile.
Une camionnette cabriolet
Encore une fois, les chauffeurs de taxi de Capri passent commande, rassurés par l'absolution de Citroën Italie. Sur sa lancée, Vernagallo s'attaque à un utilitaire, le Nissan Evalia, un gros Kangoo japonais. Il réalise ainsi la première camionnette cabriolet. La maison Vernagalo n'essaie même plus de lui bricoler une capote. Une simple toile tendue façon barnum fera l'affaire pour des rares jours de pluie estivale.
Mais il n'y a pas que les familles nombreuses et les taxis. À Turin, on a de la ressource et les particuliers peuvent eux aussi passer commande d'une Fiat 500 vraiment cabriolet, puisque l'original se contente d'être découvrable. Du coup, on peut s'interroger. À quel segment et à quel genre d'auto Vernagallo peut-il désormais s'attaquer ? Les SUV compacts ? Certains, à l'instar de Land Rover et son Evoque, ou Volkswagen et son T-Roc, s'y sont déjà aventurés. Il reste les très grands SUV à 7 places, du type Kia Sorento ou Ford Explorer. Tout est possible, car avec Vernagallo, Capri n'est jamais fini.
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