L’ONU sonne (peut-être) le glas de la voiture autonome
Le premier règlement en matière d’autos qui roulent seules vient de tomber et il est sévère. Au menu, entre autres : une limitation à 60 km/h et l’interdiction de quitter les voies séparées des autoroutes et les voies rapides. Des restrictions qui pourraient bien stopper net les investissements des constructeurs dans ce domaine.
On avait fini par l’oublier. Entre le Covid et ses conséquences sur l’automobile, chacun avait d’autres chats à fouetter, au point de délaisser un tantinet les dernières nouvelles de la voiture autonome. Sauf que certains organismes ont profité du confinement pour nous livrer dès leur retour à la vraie vie un règlement dont ils ont le secret. Et il remet aux calendes grecques l’auto qui roule toute seule et dans laquelle on dort, on se prélasse et on joue aux tarots avec ses amis pendant que l’intelligence artificielle se charge de nous déposer à bon port.
53 pays pour un règlement presque mondial
Une remise en question qui n’est donc pas liée à des contraintes techniques insolubles, mais bel et bien à ces règles concoctées par, on retient son souffle, le Forum mondial pour l'harmonisation des règlements concernant les véhicules de la Commission économique pour l'Europe des Nations unies. Cette filiale de l’Onu rassemble 53 pays et, pour l’occasion, s’est acoquinée avec l’Union Européenne et le Japon. On n’est donc pas face à une communauté de cultivateurs néoruraux à dreadlocks en pleine permaculture, mais à des autorités qui pèsent un certain poids. Et que nous disent-elles ? Que dès l’année prochaine, les autos équipées d’ALKS (automated lane keeping systems) ou systèmes automatisées de maintien de trajectoire vont devoir se mettre au pas.
Pas question, par exemple de s’en aller faire une sieste aux places arrière. Le conducteur doit rester assis sur son siège, ceinture bouclée. Pas question de resquiller : la machine doit surveiller, au travers d’un système de détection idoine, qu’il ne pique pas un petit roupillon. Quant à cette petite série de 5 saisons que l’on se réservait pour la route des vacances, on se la gardera pour le retour : l’intelligence artificielle pourra décider de couper le son et l’image de tous les systèmes d’infodivertissement selon son bon vouloir. Une intelligence, et une autonomie automobile, qui ne pourront se mettre en route que sur des voies séparées, qu’elles aient une, deux, ou quatre voies. Cerise sur l’asphalte : les autonomes livrées à elles-mêmes n’auront pas le droit de dépasser les 60 km/h. Évidemment, pour bien surveiller toutes ces opérations, elles devront être enregistrées dans une boîte noire obligatoire.
Tous les constructeurs devraient se plier à ces nouvelles règles
Ces nouvelles règles pour le moins sévères doivent donc entrer en vigueur en 2021. Mais l’UE, qui les a cosignées, a déjà annoncé qu’elles ne seront applicables dans l’Union que plus tard, sans donner de date pour le moment. Quant aux États-Unis, comme pour de nombreux autres règlements, tels que ceux sur l’environnement, ils n’ont rien signé du tout. Il en va de même pour la Chine. Sauf que leurs constructeurs, comme les marques européennes, sont mondialistes, ou, pour certains, rêveraient de l’être. Et les 53 pays signataires les intéressent, d’autant que parmi eux figurent de gros clients comme le Japon et le Canada. Pas question donc de se priver de ces marchés. Résultat : tout le monde va se plier au règlement onusien. Du moins tous ceux qui ont des systèmes suffisamment avancés dès à présent sur leurs autos.
Mais cette réglementation contraignante risque d’avoir un effet à plus long terme : celui de refroidir les ardeurs et les investissements lancés depuis plusieurs années. À titre d’exemple, rien que le groupe Hyundai Kia a décidé de poser 35 milliards de dollars sur la table. Et le Coréen n’est « que » le 5e constructeur mondial. Car le doute est semé dans les départements de recherche et développement de tous les constructeurs. Ce règlement n’est qu’une première, qui risque d’être suivie d’autres contraintes au fur et à mesure que la voiture autonome deviendra plus autonome. Une manière de tuer dans l’œuf les recherches en question.
L’intérêt de l’autonomie de niveau 3 (en gros, l’auto est capable de rouler seule sur autoroute) est ultra-limité lorsqu’il s’agit de faire Paris-Marseille à 60 km/h. Les acheteurs éventuels de ces autos risquent fort de s’en détourner et les marques le savent bien. Audi n’a même pas attendu l’annonce de l’ONU pour renoncer à adapter sa nouvelle A8 au niveau 3 et PSA a lui aussi levé le pied. La crise du Covid passant par là, les autres ne devraient pas tarder à freiner des quatre disques leurs investissements dans ce domaine. Le Coronavirus et les contraintes règlementaires risquent donc fort de sonner le glas de la voiture qui se débrouille seule. Du moins pour quelques années.
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