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Il y a 50 ans, la Monica 560, dernière berline de luxe française, rate son envol…

En 1973, Monica commercialise la 560, une sublime quatre-portes animée par un énorme V8 américain. Mais la crise du pétrole, alliée à d’autres soucis, va sceller le sort de cette rivale des Jaguar et Maserati.

Il y a 50 ans, la Monica 560, dernière berline de luxe française, rate son envol…

Le conflit israélo-palestinien est une vieille histoire, dont les conséquences ont toujours été funestes. Un de ses pics fut la crise du pétrole en 1973, consécutive à la guerre du Kippour. Les pays de l’OPEP décident une augmentation de 70 % du prix du baril de pétrole. Conséquence, les prix à la pompe gonflent, et les constructeurs de voitures exotiques souffrent.

Mauvais timing donc pour commercialiser une berline de grand luxe, animée par un énorme V8 Chrysler, la 560 du constructeur français Monica. Le fondateur de celui-ci s’appelle Jean Tastevin, un industriel ayant fait fortune dans la fabrication de wagons, grâce à sa société, la CFMF (Compagnie Française de Matériel Ferroviaire).

Peu ragoûtant, ce prototype de Monica, datant de 1968 environ et retrouvé près de trente ans plus tard.
Peu ragoûtant, ce prototype de Monica, datant de 1968 environ et retrouvé près de trente ans plus tard.

Passionné de voitures de luxe, et très triste de la disparition de Facel-Véga, il décide en 1966 redonner à la France un modèle d’exception, dans la lignée des Bugatti, Delage Delahaye et autres Talbot, en créant sa propre marque d’autos d’exceptions. Il la baptise Monica, en référence au prénom de sa femme, Monique, et souhaite donner une réplique hexagonale à Jaguar. Il apprend qu’un certain Chris Lawrence, un ingénieur et coureur automobile anglais, a conçu une variante à injection et culasse crossflow du 6-cylindres équipant la  Triumph TR5.

Ce bloc de 182 ch plaît à Tastevin qui en commande 250. Lawrence, de son côté, s’aperçoit que la voiture n’est qu’une ébauche, et propose à l’industriel français de la lui développer, via sa société Lawrence Tunes. En sus, l’Anglais, auquel le célèbre journaliste Gérard Crombac apporte sa caution, sort de sa poche un moteur totalement inédit, un V8 3,0 l initialement imaginé pat Ted Martin pour la Formule 1. « What could possibly go wrong ? », pour reprendre la question-fétiche de Jeremy Clarkson. Comme dans les paris loufoques de ce dernier… Tout !

Une Monica presque définitive, en 1972. Le moteur est encore le V8 Martin anglais.
Une Monica presque définitive, en 1972. Le moteur est encore le V8 Martin anglais.

Déjà, Tastevin s’aperçoit qu’en plus d’être étudiés au doigt mouillé, les prototypes de Lawrence sont affreux ! En conséquence, il rapatrie le design de sa voiture, qu’il confie à un ancien de chez Bertone, Tony Rascanu, en 1969. Le Roumain dessine un superbe coupé à quatre portes, dont le premier proto est réalisé par Chapron : enfin le projet prend une belle forme ! La fin des ennuis ? Pas du tout. En effet, le carrosserie Vignale, approché par Tastevin, est racheté par De Tomaso et ne peut fabriquer la voiture.

Retour en Angleterre, chez Airflow-Streamline qui réalise les autres prototypes. Les études avancent, la suspension prend forme (double triangulation avant, essieu De Dion arrière) et une auto presque définitive est présentée en 1972. Hélas, patatras, le V8 Martin, porté à 3,5 l pour plus de souplesse, n’est pas du tout au point : sa conception initiale n’est adaptée à une voiture de route. Celle-ci réclame du couple à bas régime et de l’endurance. Exactement l’inverse des blocs de course, cherchant avant tout la puissance la plus élevée possible, en ayant une durée de vie éphémère…

La ligne façon coupé à quatre portes de la Monica est très réussie. Ici en 1972.
La ligne façon coupé à quatre portes de la Monica est très réussie. Ici en 1972.

Tastevin change son fusil d’épaule cette année-là et se tourne vers Chrysler, qui lui fournit un V8 5,6 l, qui donnera à la voiture son matricule : 560. Hélas, ce bloc retravaillé pour développer 285 ch, bien plus imposant que le 3,5 l anglais, impose de redessiner la baie-moteur. Qu’à cela ne tienne, on s’y attèle avec courage, et en mars 1973, la Monica 560 quasi-définitive est exposée au salon de Genève. Superbe, dotée d’un magnifique habitacle, tendu de cuir et orné de bois, elle est aussi performante. Passant les 230 km/h, c’est, en effet, la berline la plus rapide du monde ! 

Une Monica 560 photographiée en 2013 par notre cadreur Eddy Clio, passionné de voitures d'exception. L'avant rappelle celui de la Maserati Indy.
Une Monica 560 photographiée en 2013 par notre cadreur Eddy Clio, passionné de voitures d'exception. L'avant rappelle celui de la Maserati Indy.

Des essais presse concluants ont lieu au printemps au Castellet, et à la rentrée, la Monica finalisée fait ses débuts au salon de Paris. Recevant au choix une boîte ZF à 5 rapports ou une Chrysler Torqueflite à 3 rapports, elle ne manque pas d’arguments. La fin du chemin de croix ? Que nenni. La guerre du Kippour éclate à ce moment. Quand ça veut pas… 

Habitacle superbe pour la Monica 560, où abonde le cuir Connolly. Des bagages sur-mesure ont été prévus pour elle.
Habitacle superbe pour la Monica 560, où abonde le cuir Connolly. Des bagages sur-mesure ont été prévus pour elle.

De sorte que lorsque les premiers exemplaires sont livrables, en 1974, la clientèle ne se bouscule pas. Il faut dire que la Monica coûte 164 000 F (plus de 140 000 € actuels selon l’Insee), et consomme beaucoup. En février 1975, après que 28 exemplaires environ ont été fabriqués dans son usine de Balbigny (et apparemment 17 vendus), Tastevin jette l’éponge avant d’y laisser sa chemise. Guy Ligier récupère l’outillage et les caisses nues déjà assemblées, laissera pourrir le tout et c’en sera fini de la Monica 560, la dernière tentative française crédible pour revenir sur le marché de la berline de luxe…

Monica a utilisé le chiffre 560 bien avant Mercedes mais sans tout à fait connaître le même succès...
Monica a utilisé le chiffre 560 bien avant Mercedes mais sans tout à fait connaître le même succès...

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