2. Essai - Triumph Street Triple RS mod. 2023 : essai piste
Redoutable. Linéaire. Impressionnante. Voici les trois premiers adjectifs venant en tête dès les premiers tours de roue au guidon de la Street Triple RS. Un guidon large qui ne tarde pas à solliciter les épaules et les mains, ainsi que les avant-bras. Le temps de se remettre des premières tensions musculaires et le tracé et ses difficultés sont bien présents en tête.
On s'accroche fort tout en cherchant comment bien tenir le cintre dans les courbes hyper rapides du circuit de Jerez. La pression de l'air se faisant sentir de manière inhabituelle sur le casque, le cou endolori, on devine que le rythme est bon. Plus de 190 km/h en fond de 4, au rupteur, au moment de passer la 5 du bout du pied gauche et sans couper les gaz. Le shifter exécute la formalité, lui qui se montre aussi agréable sur route que sur piste, quel que soit le régime moteur. Seules quelques poussées au rétrogradage font se méfier parfois, notamment au moment de saisir les freins dans ce petit bout de droit comandant un droite lent à négocier en 2 ou 3, sur l'élan lorsque l'on prend l'habitude. Les gaz sont doux et précis, tandis que la force est au bout de la poignée.
Reste que la boîte de vitesses, revue cette année, propose un étagement parfois curieux pour cette piste et pour notre conduite. La 2 particulièrement nerveuse dans les tours, enchaîne sur une 3 donnant parfois l'impression de temporiser dans les bas et mi-régimes, lorsque l'on sollicite une relance plus vive. Le tour suivant, on négocie donc en 3, tout en parvenant à rentrer plus fort, et ainsi de suite. Décidément, le trois cylindres apprécie ici d'être cravaché, et il convient de ne pas hésiter à lui rentrer dedans… Là, il va falloir commencer à travailler le freinage.
Légèrement loin des doigts, le levier de frein réglé sur la position 21 est à son écartement minimal. Il provoque une réaction immédiate, dosable et proportionnelle au peu d'effort fourni, tandis que l'on sent du bout des doigts l'action des plaquettes sur le disque de 310 mm. Planter les freins en cas de besoin relève de l'évidence, tandis que la répartition automatique avant/arrière et le couplage aussi discret qu'efficace en mode Sport, offre ici la possibilité de peu subir de transfert sur la fourche, laquelle ne dispose par ailleurs que d'un débattement de 113 mm.
OK, les Stylema monobloc et leur maître-cylindre apportent une précision quasi chirurgicale, que le moins bon des freineurs saura exploiter d'autant plus sereinement avec un ABS ne se déclenchant pas à l'avant, ou alors de manière très discrète. En mode Track, bien entendu adapté à l'exercice, l'anti blocage est désactivé à l'arrière (tout comme le couplage, naturellement). De quoi faire décrocher les Pirelli Super Corsa ? Si l'on insiste lourdement ou de manière souillon, oui, mais largement de quoi conserver longuement le contrôle depuis la pédale elle aussi précise à souhaits. Le freinage dégressif devient une pure formalité, tandis que l'on en vient à ne presque plus toucher aux commandes.
Plein angle, il est possible de remettre gaz en grand en 2, et de plus en plus tôt du fait de l'antipatinage particulièrement doué pour se faire oublier et pour optimiser l'accélération en calculant au mieux ce qu'il demeure permis de faire. Une habitude de pilotage que l'on doit prendre pour se montrer pleinement efficace, tout en s'en remettant à une électronique aussi bien calibrée qu'elle parvient à anticiper les réactions éventuelles de la moto, bien secondée une fois encore par les pneumatiques sportives et pourtant routières.
La roue directrice profite pourtant toujours de la réaction lissée, du moins égalisée du moteur pour laisser juste le temps de redresser avant de tout relâcher sans aucune violence, apportant un contrôle d'une finesse difficile à égaler dans la production moto actuelle. Fine, la Street, pas seulement de ligne. L'aisance d'une petite, la Qualité (avec un beau Q) d'une grande.
Les entrées en courbe se font sans le moindre doute quant aux capacités du train avant à pouvoir arriver de plus en plus fort, avec ou sans frein. Quel que soit le rapport engagé ou le régime moteur, la Street RS affiche un avant précis, vif du fait de son angle de chasse fermé à 23,7°, incisif grâce au profil de ses gommes et la légèreté d'une partie cycle pourtant rigoureusement stable, même avec un empattement particulièrement court (1 399 mm). Compacte, étroite, la nouvelle Street repousse encore plus avant la limite de la facilité.
Le tracé exigeant de Jerez se montrerait sans pitié en cas d'erreur, mais la Street RS se laisse placer et surtout corriger comme rarement possible à ce niveau tarifaire, d'une part, et de roadster d'autre part. Plus on roule vite, plus on sent que l'on peut, que l'on doit, même améliorer un point ou un autre. On expérimente. On teste, par exemple, que l'on peut ne pas hésiter à rouler sur les vibreurs (merci Pirelli, Showa et Öhlins), jusqu'à trouver des limites. Personnelles, puis physiques : les pneus s'usant fort remontent de nouvelles informations. Ils entament de petites glisses et fripent autant qu'ils boulochent après deux sessions de 20 minutes sur le tracé exigeant du circuit.
S'il n'y avait ce guidon-là, plutôt fatiguant pour les bras, si la vue était moins dégagée après le compteur, si une bulle ou un déflecteur épargnant un peu plus, on oublierait se trouver sur un roadster. D'autant que les repose-pieds semblent mettre longtemps avant de se décider à venir toucher le sol de manière fugace dans un premier temps, plus régulière lorsque l'on comprend que l'on ne risque ni compression importante de l'amortissement, ni déstabilisation y compris lorsque l'on aime prendre gros angle. Très gros.
Leur emplacement est tout bonnement idéal pour les appuis et seul le limage en règle de l'extérieur des bottes, plus rapide que jamais, appelle à déhancher de plus en plus. Le peu d'effort physique à fournir dans les transitions entre les bords des pneumatiques, la forme agréable du petit réservoir une fois calé et la générosité de la moto vous donnent l'impression d'aller chercher le pain tant on se balade (merci Stephane Lacaze pour l'image) avec un zèle assumé. Et quoi de mieux que d'envoyer un peu de pâté pour accompagner tout ça ?
Fort discrète d'échappement, presque silencieuse sans être atone ni monotone, la sonorité de l'échappement en bord de piste par son faible volume. Même les sifflements et bruits mécaniques du trois cylindres semblent avoir été gommés. Il faut dire que pour l'instant, le moteur affiche principalement une pointe de caractère aux alentours de 9 000 tr/min, avant que les 11 750 révolutions minutes ne viennent cueillir ses élans et n'éteignent à plus de 12 000 les velléités de l'accélération. Souvent, en tirant sur les rapports, on se retrouve au rupteur (un simple arrêt dans la montée en régime) sans signe précurseur… Et sur route, retrouve-t-on quelques aspérités, pourtant visible sur les courbes de puissance et de couple montrées lors de la présentation ? C'est ce que nous allons découvrir à présent.
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