2. Essai - Harley Davidson Low Rider S : s comme suspensions
La prise en main révèle une position de conduite peu conventionnelle qui nécessite un temps d’accoutumance certain; le guidon haut est éloigné du corps, les repose-pieds centraux sont relativement haut perchés, la selle creuse manque de fermeté : jambes pliées, bras tendus, poignets quasiment dans le prolongement des épaules, dos courbé, ce Softail est très loin d’être le plus naturel de la gamme. On se demande pourquoi le constructeur n’a pas repris le positionnement des repose-pieds du Fat Bob, par exemple.
La mise en action des énormes gamelles d’un appui du pouce droit (démarrage sans clé en série) révèle un niveau de vibration étonnamment réduit et une musique syncopée toujours aussi agréable. Sur les Softails, les moteurs sont montés rigide mais le double balancier d’équilibrage dont ils sont équipés absorbe la majeure partie des vibrations, aussi la refonte des culasses et la chasse aux frictions ont transformé le rugueux V Twin (qui avait déjà bien gagné en accessibilité) en monstre de couple et de souplesse. Relâcher le levier d’embrayage un peu moins ferme mais pas encore parfaitement progressif, révèle une gestion électronique moteur bien maîtrisée : le Low Rider S décolle sur le filet de gaz en toute décontraction.
Entre 1 500 et 3 000 trs/mn, le gros bloc américain tracte avec cette force tranquille caractéristique de la marque. Ce moteur vivant distille ses pulsations dans le guidon, la séduction opère et fait oublier les défauts ergonomiques; l’effet est le même à chaque fois : très rond, ce Milwaukee Eight dont la course est supérieure de 2 mm à celle des Twin Cam reprend à 1 500 trs/mn en 6 ème et permet de circuler à 80 km/h sur ce même rapport, disposant d’une large réserve de mètres kilogrammes pour arracher la masse en cas de dépassement. Le pneu patine allègrement dès que le grip n’est pas parfait.
Ce gros élastique peut aussi changer de visage si on le cravache sur les premiers rapports : visser la poignée droite provoque de longues glisses maîtrisables grâce à l’empattement long, on peut ainsi jouer au dragster en ligne droite. C’est assez jouissif. Cependant, des vibrations dans les fesses et dans le guidon apparaissent avant 3 000 trs/mn et restent sensibles jusqu’au limiteur fixé autour des 5 500 trs/mn : on passe donc les rapports assez tôt pour éviter les fourmillements dans les mains et on cruise aux alentours des 110 km/h maxi, de toute façon au-delà, le saute vent n’offrant quasiment aucune protection, et les bras étant écartés par le guidon, le buste agit comme un aéro frein à partir de 110 km/h.
Dans le sinueux, sur le réseau secondaire la garde au sol améliorée permet de frotter un poil moins tôt. Les limites sont plus lointaines, ou plutôt moins proches, mais surtout, la nouvelle gamme Softail brille par un confort de suspensions franchement amélioré et cela est particulièrement sensible sur ce modèle doté d’une fourche inversée particulièrement onctueuse. Pour le train arrière, que ce soit dû au mono amortisseur, à la cinématique de suspension ou au pneumatique arrière dont les flancs sont plus haut montés sur une jante de diamètre plus faible, le Low Rider S est transfiguré sans que les débattements de suspensions n’aient été augmentés : ça secoue certes encore un peu sur départementales défoncées mais sans réaction sèche. Les liaisons au sol de ce custom sont étonnantes. Hélas, cette moto manque de vivacité et exige des ordres fermes sur la direction : un pneu arrière plus étroit tel que le 160 de la mouture précédente aurait sans doute amélioré la situation mais le constructeur a privilégié le look, c’est dommage.
Toujours aussi atypique, comparable à aucun autre, ce custom se réserve aux voies rapides bien revêtues, sinueuses mais dépourvues de lacets : on comprend donc parfaitement son positionnement parmi les « cruisers » même si passer une journée complète au guidon exigera une bonne dose d’abnégation car la selle creusée, un peu molle doublée d’une position bizarre, dégrade l’expérience de conduite : sans cela, la machine serait diablement séduisante.
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