DESIGN BY BELLU - Futurisme nostalgique : "Les ultimes berlines de taille standard, celles qu’on nommait les « belles américaines » au paléolithique, ne s’adressent plus qu’aux taxis et aux shérifs"
On croyait que l’espèce des berlines était en train de s’éteindre… Mais la promesse de plusieurs grandes routières qui renouent avec cette silhouette prouve le contraire.
Il n’aura pas échappé aux guetteurs de nos modes de vie que le paysage automobile s’est transformé au cours des dernières années. Les berlines désertent la surface du globe… L’espèce des berlines s’éteint à mesure qu’elle est supplantée par la race des SUV. Les berlines trop basses, trop sages, trop fluides, ne plaisent plus.
La berline, c’est pourtant l’archétype de la familiale depuis des générations. De nombreuses générations : le mot est apparu dans le dictionnaire de l’Académie au début du XVIIIe siècle pour désigner un véhicule hippomobile fermé, sans doute en vogue dans le royaume de Prusse. Comme la plupart des attelages, la berline a été transposée à l’automobile dès le début du XXe siècle.
Dans les années 1960, le genre s’est diversifié avec une distinction subtile entre modèles classiques, « trois volumes » avec coffre, et modernistes, « deux volumes » avec hayon qui illustraient une tendance plus fonctionnaliste. Aujourd’hui, on ne se préoccupe plus de faire la distinction, d’autant plus que la silhouette bicorps est désormais associée davantage à la sportivité qu’à l’aspect utilitaire.
Selon son âge et son terroir, on a tous une berline dans la mémoire. Une DS, une Chevrolet Impala, une Maserati Quattroporte… Ou une Renault Laguna. Oui, nous ne sommes pas tous égaux devant les calamités…
L’Amérique a longtemps été la terre d’élection des berlines qui servaient de complément aux pick-up régnant sur les trucks… Le 1er mars dernier, l’ultime exemplaire de la lignée de la Taurus est sortie de l’usine Ford de Chicago. Elle était née en 1986 et avait été le best-seller du marché américain de 1992 à 1996. Puis elle s’est battue avec la Toyota Camry et la Honda Accord, avant de tomber en désuétude, emportée par la vague des sports-utility vehicles… La berline était devenue le symbole de la banalité, la forme la plus ringarde de l’automobile. Les constructeurs, avec condescendance, ont réservé les berlines tricorps à certains marchés. Avec cynisme, PSA a dédié les Citroën C-Élysée et Peugeot 301 à la Chine ou au Maroc. Sans présumer que sur tous les continents, les consommateurs aspirent à la même modernité…
Aujourd’hui, aux États-Unis, une voiture sur trois est un SUV. Les ultimes berlines de taille standard, celles qu’on nommait les « belles américaines » au paléolithique, ne s’adressent plus qu’aux chauffeurs de taxi et aux shérifs.
Maintenant que les crossovers de tout poil occupent tous les segments de tous les marchés, il va falloir inventer de nouvelles échappatoires pour se distinguer. Bizarrement, c’est par le biais de l’électrification que renaissent les berlines qui font rêver. Des belles, des surbaissées, des sportives, avec un coefficient aérodynamique et une position de conduite qui n’appartiennent plus au monde des trente-tonnes.
Quand Porsche a voulu annoncer l’arrivée de son modèle cent pour cent électrique, en 2015, la Mission E a servi à diffuser la bonne nouvelle. Cette silhouette voluptueuse et racée est parvenue à transposer le caractère de la 911 sur un modèle à quatre portes. Même sa variante plus fonctionnelle, la Mission Cross Turismo, montrée à Genève en 2018, est séduisante.
En septembre 2017, BMW a promis l’élargissement du programme « i » avec la Vision Dynamics, une « vraie » berline, avec trois volumes, même si le coffre arrière est abrégé. Là aussi, les lignes sont épurées, les surfaces dépouillées ; elles n’ont plus rien à voir dans leur traitement avec les berlines existantes (Série 3 et Série 5). En outre, le dessin original du vitrage latéral donne du caractère au projet.
Audi a répliqué en décembre 2018 avec la e-Tron GT, celle-ci optant pour un élégant profil bicorps dans la lignée de l’A5 et de l’A7…
Pour les marques allemandes, la notion de berline de grand tourisme n’est pas inédite. Mercedes-Benz a été la première à explorer le thème avec la CLS lancée en 2003. Audi a suivi en insérant dans son catalogue des variantes Sportback tandis que BMW répliquait en 2012 avec le sublime Gran Coupé ajouté dans la Série 6… Même la généraliste Volkswagen avait créé une version CC pour donner de la séduction à la Passat.
Il faut maintenant que les constructeurs qui avaient mis tous leurs œufs dans le panier des crossovers se remettent à retrouver le sens de l’élégance.
Déposer un commentaire
Alerte de modération
Alerte de modération