Bonus écologique : is Macron the new Biden ?
En tentant une mesure de protectionnisme, le président de la République tente de manœuvrer comme Joe Biden et son IRA. Comme lui, il envisage un programme destiné, entre autres, à empêcher les constructeurs chinois d'envahir le marché local. Mais la France n'est pas l'Amérique.
C’est du protectionnisme qui ne dit pas son nom. Une ruse de sioux qui doit permettre à Emmanuel Macron de réserver le bonus écologique français aux autos fabriquées en Europe sans pour autant choquer Bruxelles, très à cheval sur les accords de libre-échange. Un « en-même temps » marque de fabrique de l’Élysée. Sauf que, pour le moment, l’affaire prend des allures d’usine à gaz qui devrait se heurter au mur de la réalité, comme l’écrivait ici même Pierre-Olivier Marie vendredi dernier.
De l'acier recyclé et des batteries relocalisées ? Compliqué
Car conditionner l’aide, ou son refus, à « l’origine de la batterie, la construction du moteur, l’acier incorporé au véhicule et l’utilisation de matériaux recyclés ou biosourcés » comme l'a noté Le Parisien, revient à supprimer purement et simplement toute aide. De quoi affoler tout le landerneau automobile. Mais peut être que les conseillers de l’Élysée ou de Bercy ne savent pas que l’ultra grande majorité des batteries provient d’Asie, que l’acier n’est pas toujours européen et que nos autos, toutes électriques soient-elles, sont loin d’utiliser systématiquement des matériaux recyclés ou biosourcés.
De fait, le dossier est loin d’être clos. Même si les décrets sont prévus à l'automne pour une application au 1er janvier 2024, l’accès aux fameuses primes n'est pas encore défini. Le plus simple, comme aux États-Unis, et ce serait à l’étude, consisterait à conditionner le bonus au lieu d’assemblage de l’auto gratifié des 5 000 euros de la prime. En évaluant les émissions maximales de la voiture depuis le lieu de fabrication le plus éloigné dans l’Union, il suffirait d’en exclure ce qui dépasse, sans pour autant enfreindre la loi d’airain de Bruxelles, mais en refoulant toujours la Dacia Spring et son long voyage depuis la Chine ou elle est fabriqué, jusqu’aux concessions françaises. Il en va de même pour les Tesla, hormis le Model Y fabriqué à Berlin.
Voilà donc une manière pour Macron de s’opposer à l’IRA américain, et de contrer Joe Biden sur son propre terrain. Puisqu’au-delà du bonus, l'administration fédérale subventionne dans les grandes largeurs les constructeurs qui viennent fabriquer leurs autos aux US, au Canada et au Mexique. Le président français entend faire de même avec les aides aux investisseurs dans les gigafactorys, dont celle qu’il a inaugurée à Dunkerque en fin de semaine, mais aussi en subventionnant de nouveaux candidats réunis aujourd’hui à Versailles pour l’opération Choose France, ou Elon Musk sera présent, après avoir discuté avec le président à l'Elysée dans la matinée. Un rendez-vous ou il a bien évidemment été question de voitures électriques.
La France joue dans une division inférieure aux États-Unis
Mais la France joue-t-elle vraiment sur le même terrain que les États-Unis ? Les montants des subventions françaises, en y incluant les 625 millions d’euros du bonus octroyé l’an passé, et les quelque cinq milliards d’aides à l’industrie annoncées depuis le début d’année, font pâle figure par rapport aux 371 milliards de dollars de l’IRA. Même si les 13 milliards d'euros d'investissements privés annoncées à l’issue de la réunion de Versailles, tous subventionnées, viennent garnir l’offre française, ces sommes ne seront en aucun cas comparables à ce que propose l'Amérique.
Évidemment, le président français tente, en vain pour le moment, de convaincre ses homologues européens de suivre son exemple, d’aller plus loin en créant un véritable IRA, et de remettre au pot pour atteindre une somme décente. Mais les réticences, principalement allemandes, bloquent, comme souvent, les discussions. Des réticences qui concernent le prix élevé de l’opération, bien sûr, mais aussi ses conséquences. Car les constructeurs d’Outre Rhin craignent l’effet œil pour œil des Chinois : vous nous fermez la porte, on vous ferme la nôtre. Or le groupe Volkswagen, mais aussi Mercedes et BMW sont encore très présents là-bas, contrairement aux Français qui jettent l’éponge les uns après les autres.
Alors la France se retrouve plutôt isolée dans sa tentative sans pouvoir rivaliser avec les Américains. Et un pays isolé est un pays fragilisé. Certes nos constructeurs nationaux ne sont ni en Chine ni aux États-Unis. Mais si les Américains comme les Chinois voient rouge, et mettent en place des mesures de rétorsions, la France sera seule, sans la protection européenne. Du côté d’Alpine, qui entend se déployer aux États-Unis dans les années à venir, on doit avoir quelques sueurs froides depuis l'annonce présidentielle.
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