Autoroutes à 110 km/h: et maintenant?
En proposant de limiter la vitesse à 110 km/h sur autoroute, la Convention citoyenne sur le climat place l’Elysée dans une situation pour le moins délicate.
Même si elle n’a été adoptée que par 60% des participants, la proposition de la limitation de vitesse à 110 km/h sur autoroute restera comme l’une des annonces-phares de la Convention nationale pour le climat, qui s’est achevée dimanche 21 juin.
Cette mesure vise, rappelons-le, à abaisser de 20% la consommation de carburant en même temps qu’elle réduirait la mortalité routière. Mais pour vertueuse qu’elle apparaisse, l'idée est loin de provoquer le consensus.
Si le gain potentiel en consommation est incontestable, quoique variable selon les voitures et leurs motorisations, la perte de temps théorique s’élèverait à environ 8 minutes par tranche de 100 km parcourus, ce qui peut commencer à faire beaucoup sur un long trajet.
Par ailleurs, on rappellera ici que l’autoroute reste le réseau le plus sûr, avec une mortalité de 8% en partie due à la somnolence et aux distracteurs de conduite. En d’autres termes, le fait d’y réduire la vitesse n'y abaisserait pas forcément le niveau de risques.
Politiquement, le sujet est plus que sensible. Bien sûr, ce qui ressort de cette convention sur le climat n’a qu’une valeur consultative, et celle-ci n'a pas vocation à se substituer à l’Assemblée nationale ou Sénat.
Surtout, on imagine qu'Emmanuel Macron a d’autres priorités que celle de rouvrir un débat sur la vitesse deux ans après l’instauration des 80 km/h, qui peinent à faire la preuve de leur efficacité, et que de plus en plus d’exécutifs régionaux s’attachent à moduler.
A deux ans de la prochaine présidentielle, il serait contre-productif de lancer une mesure impopulaire. En trois jours, la pétition anti-110 km/h lancée par 40 Millions d’automobilistes a déjà récolté 400 000 signatures. Du “jamais-vu”, aux dires des représentants de l’association.
Interrogé ce matin par RTL, le Secrétaire d’Etat aux transports Jean-Baptiste Djebbari a rappelé qu’il avait vécu la délicate mise en place des 80 km/h en tant que député, et que la mesure administrative consistant à instaurer les 110 sur autoroute a rapport à l’écologie, à la sécurité, mais aussi “au rapport qu’ont les Français avec leur liberté.” “Cette mesure pourrait s’insérer dans une série de propositions soumises à référendum consultatif”, a-t-il ainsi prudemment rappelé, sans dire ce qu'il en pensait lui-même.
A l’inverse, Elisabeth Borne, sa ministre de tutelle, interrogée presque au même moment par Jean-Jacques Bourdin sur RMC, a fini par s'y reconnaître “favorable à titre personnel”, tout en précisant qu’”il est important de consulter les Français et ceux qui sont directement concernés", c’est-à-dire ceux qui empruntent l’autoroute tous les jours.
Bref, le sujet est sensible. D’un côté l’écologie, de l’autre la vie quotidienne. D’un côté un Président que d’aucuns considèrent comme loin du peuple, et de l’autre une convention citoyenne qui formule des propositions dangereuses d’un point de vue politique. Il va falloir jouer serré du côté de l’Elysée. A moins que, fidèle à son crédo du “en même temps”, le Président ne coupe la poire en deux et ne propose une limitation à 120 km/h, comme cela existe déjà dans plusieurs pays d’Europe?
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