« Demain, tu vas aller conduire une voiture de course toute la journée sur un circuit, des questions ? »
Euh... non. C'est donc avec un entrain inhabituel que je me lève ce vendredi-là pour me rendre au fin fond de l'Essonne, à Marcoussis, pour suivre un stage de pilotage chez Cap Maîtrise. Au programme : quatre séances de sept tours de piste au volant d'une Porsche 911 Carrera Cup avec un moniteur en passager, entrecoupés de briefings techniques. A la fin de la journée, le moniteur reprend le volant pour un baptême, juste histoire de montrer le travail qui reste à faire à l'apprenti pilote.
L'équipe au complet, composée de moniteurs diplômés tous plus sympathiques les uns que les autres, accueille notre groupe autour d'une petite collation servant de petit déjeuner. Je fais l'impasse sur les croissants par peur de les revoir de manière inattendue après les tours de manège qui m'attendent.
Le premier briefing commence par la présentation de la voiture et des fameuses spécificités du modèle : propulsion et moteur 6 cylindres à plat 3.6l en porte-à-faux arrière, en faisant un véhicule à l'architecture unique. Etant de plus une Cup, il s'agit d'une véritable voiture de course vidée et arceautée sans direction assistée mais qui garde toutefois l'ABS, et équipée de sièges baquets et de harnais. Avec 1070kg et 285ch envoyés aux roues arrières sans aucun système anti-patinage, les performances sont aussi largement à la hauteur du mythe. Entre deux blagues misogynes pour provoquer gentiment les jeunes femmes présentes, l'instructeur tempère un peu les enthousiasmes en énumérant tous ce qui peut arriver de fâcheux : sur-virage, sous-virage, tête-à-queue, raquette et j'en passe. Du coup, c'est avec une légère appréhension et les mains moites que je sors de la salle et me dirige vers la piste.
Le circuit privé de Cap Maîtrise fait 1.4km et est composé de quelques pifs pafs, deux grandes courbes et d'une ligne droite permettant d'atteindre des vitesses seulement autorisées sur piste. Dans les stands, « ma » 911 m'attend, la 15, un numéro porte-bonheur pour les papous, paraît-il. Enfin c'est que je me dis pour me rassurer. Après avoir manqué de peu de perdre toute possibilité de procréation en enjambant une barre de l'arceau en travers de la portière et m'être glissé dans le baquet en fosbury, il est temps de mettre à feu le missile sur lequel je me suis assis de mon plein gré, au côté d'un moniteur visiblement pourtant serein. Quel bruit délicieux... Toujours aussi reconnaissable à l'oreille par son bruit caractéristique, le moteur à plat s'exprime pleinement à travers un échappement libéré (« même si on est obligé de monter un silencieux supplémentaire pour les voisins », me confie le mécanicien, visiblement déçu) et donne la chair de poule. C'est le moment que choisit la pluie pour commencer à tomber. Bien.
Il est de temps de passer la première pour m'engager sur le circuit. Les pédales offrent un feeling différent des autres voitures, étant fixés au plancher. L'embrayage n'est pas particulièrement dur, mais la boîte frappe par son manque de précision. Un petit coup de gaz en relâchant l'embrayage et c'est parti...
La première chose qui frappe n'est pas la puissance, ni la tenue de route, mais bien la précision absolument démoniaque de la direction permettant de placer la voiture au millimètre, ce qui me conforte dans mon goût pour les directions non assistées. Difficile de se détendre dans les premiers tours avec une telle voiture dans les mains, surtout avec les conditions climatiques du moment, même si le moniteur veille au grain en prodiguant de nombreux conseils. J'ai parfois quelques soucis pour repasser de troisième en seconde, mais globalement la voiture paraît plus facile à conduire que je pensais. A conduire, oui, à piloter c'est une autre histoire. Les accélérations sont fortes mais pas violentes, le moteur délivre plutôt une longue vague de puissance qu'un raz de marée soudain. Les sept tours de la première session sont très vite avalés, il est temps de retourner en classe.
Après avoir vu tout ce qu'il ne fallait pas faire, voyons maintenant ce qu'il faut faire. Nous poursuivons notre apprentissage de pilote en herbe par l'explication des différentes trajectoires à adopter sur le circuit, les moments où il faut freiner et accélérer et comment il faut le faire. La récréation arrive de nouveau avec la deuxième session, il s'agit de mettre tout de suite en œuvre ce que l'on vient d'apprendre. Je me sens déjà plus à l'aise, je commence à oublier que je suis au volant d'une Porsche de course et je m'applique à suivre les meilleurs trajectoires, ce qui est facilité par cette direction toujours aussi précise. Selon mon moniteur, mon freinage laisse encore à désirer, puisque j'ai tendance à taper fort dans les freins et relâcher d'un coup, alors qu'il faut plutôt relâcher progressivement. Je tâcherai de faire attention à la session suivante après le déjeuner.
Sitôt le repas beaucoup trop long expédié, retour dans le baquet. Je commence à me prendre au jeu avec un plaisir difficilement dissimulable : freinage tardif, passage des vitesses à la volée, accélération pied au plancher, trajectoire que je tente de perfectionner, j'ai vraiment l'impression d'être un pilote, malgré les intenses giboulées qui frappent maintenant le circuit. Le moniteur m'encourage du geste et de la parole, signalant le moment optimal pour freiner en frappant vigoureusement sur le tableau de bord, le plus difficile pour mes nerfs étant de parvenir à patienter jusqu'à ce qu'il le fasse. Ce n'est pas un stage de pilotage, c'est une vicieuse tentative d'accoutumance à une drogue dure !
L'heure du dernier briefing arrive, avec toujours plus détails sur les trajectoires à suivre et une initiation théorique au talon/pointe et au double débrayage. Il est maintenant temps de se mettre pour la dernière fois au volant de « ma » Porsche. Toujours de plus en plus à l'aise, je trace mes trajectoires au cordeau, et freine et accélère plus fort que jamais afin de finir en beauté cette expérience grisante. La première session maladroite du matin paraît être à des années lumières, tellement l'impression d'avoir progressé est importante. C'est avec un petit pincement au cœur que je rentre pour la dernière fois dans les stands, cette fois-ci, c'est bien fini...
Cerise sur le gâteau, le programme comprend donc aussi une ultime session en passager avec notre moniteur du jour aux commandes. Cette fois je sers un peu plus mon harnais en m'enfonçant dans le baquet de droite avec, je dois bien l'avouer, un brin d'appréhension. Après le premier virage, j'entrevois le fossé béant entre ce que je faisais de cette voiture, et ce qui peut être fait quand un professionnel se met à son volant. Toutes les courbes sont passées en très légère dérive, lors des deux gros freinages du circuit le harnais me coupe la circulation tandis que le moniteur multiplie double débrayage et talon pointe, tout en m'expliquant calmement ce qu'il fait... Ecœurant.
La journée est maintenant terminée, après avoir bu une toute petite coupe de champagne pour fêter l'obtention d'un magnifique diplôme sanctionnant la journée. En voilà un qui finira au dessus de ma cheminée, entre mon poster de Lorie dédicacé et la tête de cerf empaillée.
Pour plus de renseignements : http://www.cap-maitrise.com
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