La question m'est venue en essayant de prendre un peu de recul par rapport à la situation actuelle. Rappelons-là justement. Jusqu'à la fin de l'année dernière, Toyota représentait, du moins dans l'inconscient collectif, une marque ultra-fiable et robuste, à acheter si l'on voulait un maximum de tranquillité, à défaut d'un style flamboyant ou d'un plaisir de conduite au top. Commercialement, Toyota réalisait des scores à faire pâlir tous ses concurrents, et est monté sur la première marche du podium des ventes mondiales, détrônant l'américain GM, en 2008 et y est resté depuis.
Or une cascade d'évènements est en train d'entamer l'image de ce constructeur, depuis quelques mois. Tout commence par un énorme rappel concernant un risque de blocage de la pédale d'accélérateur dans le tapis de sol en caoutchouc. 3,8 millions de véhicules concernés. Un record. Ensuite c'est encore la pédale d'accélérateur de 8 modèles qui fait des siennes, et peut rester en position enfoncée à cause d'une usure trop prononcée de son mécanisme. De nouveau, rappel. Ce sont 2,3 millions de véhicules en Amérique du Nord puis bientôt 1,8 million en Europe qui vont retourner au garage. Coût des opérations : 1,4 milliards de dollars. Excusez du peu… Nouveau record et arrêt des chaines de production pour pallier au défaut. Le président de Toyota, monsieur Akio Toyoda, a même fait des excuses publiques, tout comme le ministre japonais des transports. L'action en bourse a chuté de 19 % en une semaine, et les ventes de Toyota sur le mois de janvier sont dans le rouge, en baisse de plus de 10 %. Pendant ce temps, GM et Ford ont d'ores et déjà lancé des offres pour débaucher les clients du japonais, en offrant une ristourne à ceux qui passeraient de Toyota aux marques nationales. Ou comment tirer sur l'ambulance…
Mais qui est à l'origine du scandale ? De son propre aveu, Toyota était au courant des soucis, et résolvait les problèmes de ses clients au cas par cas. Et planchait sur des solutions dont certaines avaient déjà été mise en place en production depuis début 2009. Alors certes, quelques accidents étaient survenus. Ils sont tragiques, toujours, mais d'autres arrivent, chez d'autres constructeurs, sans distinction. C'est une composante quasi inévitable de l'industrie automobile. Souvenez-vous du scandale des années 80 qui a concerné la Pinto de Ford. La marque avait refusé de modifié le design de ce modèle dont le réservoir situé à l'arrière pouvait exploser suite à un choc arrière. Motif : trop coûteux. Ils avaient considéré préférable de payer des indemnités aux éventuelles victimes réclamant des comptes. Il a fallu des années et 27 morts pour que la NHTSA force le constructeur a un rappel. Même histoire avec les pneus Firestone équipant les pick-up Ford Explorer. Ils avaient tendance à exploser et ont causé à ce jour près de 200 morts. Là, on a assisté à une bataille entre Ford et Firestone pour savoir qui était responsable, avant que Ford ne se décide à rappeler 13 millions de pneus de part le monde. Cela ne pousse-t-il pas à relativiser la situation actuelle ?
Ce que je remarque par contre, c'est la façon dont les autorités américaines ont tout fait pour flinguer le constructeur nippon. Et c'est ici que je prends une position partisane. Des rappels, tous les constructeurs en font les frais. Les américains y compris, et pour des soucis parfois encore plus grands, et avec des fréquences par rapport au nombre de véhicules vendus supérieures. Mais ici, la NHTSA, l'association de surveillance de l'industrie automobile américaine, très puissante, a fait montre selon moi d'un certain zèle. En imposant à Toyota avec vigueur ces rappels. Ce à quoi le constructeur s'est plié sans rechigner, en rappelant très largement les modèles concernés, victimes (aussi) de la standardisation des pièces et des économies d'échelles qui s'y rapportent (rappelons aussi que dans l'histoire, c'est le fournisseur qui est impliqué, comme souvent). Argument de la NHTSA ? Toyota aurait mis un peu trop de temps à réagir aux plaintes (dont j'ai expliqué qu'ils s'occupaient au cas par cas), et aurait même mis jusqu'à 10 jours avant de livrer une solution technique au second souci de pédale. Mais il est vrai qu'on sort facilement un correctif d'un carton à chapeau !
Alors Toyota était au courant. OK. Il s'est écoulé un certain délai avant l'annonce des rappels. OK. Mais sachez que certains constructeurs connaissant des aléas ne rappellent même pas leurs véhicules, et se contentent de les mettre à niveau sans même le signaler au client, lors d'un passage en concession pour un entretien ?
Malgré des soucis plus fréquents ces derniers temps, dus en grande partie à la standardisation des pièces et au fait que Toyota a beaucoup grossi, le constructeur asiatique reste un fervent défenseur de la qualité, et met toujours, comme il l'a toujours fait, la satisfaction du client au centre de ses préoccupations.
Et rappeler plus de 8 millions de véhicules en tout, et s'excuser pour cela en s'inclinant comme l'a fait le président Toyoda, en est je crois la meilleure preuve. Je sais que certains ne partageront pas mon opinion, mais je pense que quelque part, les américains et leurs constructeurs en difficultés, font du zèle pour mettre Toyota à genoux.
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