L'une des idées du ministre de l'Intérieur pour faire baisser le nombre de morts sur les routes, c'est de déployer davantage de radars feux rouges et surtout de les équiper d'un module de contrôle de vitesse. Juridiquement parlant, les radars feux rouges peuvent-ils ainsi se transformer facilement en radars de vitesse ? Pas forcément. Mais même si cela n'est pas encore possible, une chose est sûre, les industriels s'activent déjà pour répondre à la demande gouvernementale et, à n'en pas douter, une solution sera prochainement trouvée. Maintenant, il semblerait bien qu'elle ne ressemble pas à celle actuellement testée (en Gironde comme en banlieue parisienne). Du coup, le délai pour voir émerger ces nouveaux engins pourrait tout de même être plus long que celui envisagé par les autorités.
Polémique, débat, nouvelle loi, Caradisiac clarifie la situation dans sa rubrique « Question de droit ». Avec la collaboration de Maitre Caroline Tichit, avocate spécialisée dans la défense des conducteurs.
Question de droit
« Relancer le déploiement de radars feux rouges et leur associer systématiquement un module de contrôle de la vitesse, notamment en agglomération », fait partie des mesures que le gouvernement – en l'occurrence, le ministre de l'Intérieur, Bernard Cazeneuve – souhaite développer pour améliorer la Sécurité routière. Les radars feux rouges peuvent-ils alors vraiment se transformer en radars de vitesse ?
La réponse de Caradisiac en bref
Certainement, mais cela n'est toutefois pas encore le cas... Pour l'heure, les deux radars feux rouges, qui contrôlent également la vitesse depuis le 21 octobre quand le feu est au vert, à Bouscat en Gironde et à Brunoy dans l'Essonne, sont uniquement en phase de test. Et même en cas d'infraction constatée, ils ne permettent pas de délivrer des PV pour excès de vitesse. Tant qu'une nouvelle homologation pour couvrir ce contrôle de vitesse n'aura été obtenue en plus d'une homologation pour repérer le franchissement des feux rouges, la mise en service effective de tels dispositifs ne sera pas possible.
Maintenant, rien ne s'oppose juridiquement à cette évolution, reste juste à décrocher cette double homologation. Une double homologation nécessaire, car les radars feux rouges, d'une part, et les radars de vitesse, d'autre part, ne sont pas soumis à la même réglementation, quand bien même l'une et l'autre sont très proches. Une double homologation qui représentera ainsi une véritable première !
Si vous souhaitez approfondir le sujet...
La problématique
Une chose est sûre : c'est à l'étude ! Non seulement, le ministre de l'Intérieur, Bernard Cazeneuve, souhaite développer les « radars feux rouges et leur associer systématiquement un module de contrôle de la vitesse, notamment en agglomération », a-t-il indiqué dès le mois de janvier, mais plus largement le gouvernement réclame de toute façon de mettre au point des « radars multifonctions (feux-rouges, vitesse, discriminants par type de véhicule, respect des distances de sécurité, détection des dépassements dangereux, franchissement de ligne continue, etc.) ». C'est le Premier ministre, Manuel Valls, lui-même, qui l'a officialisé lors du dernier Conseil interministériel de la Sécurité routière (CISR), le 2 octobre.
Selon nos informations, les industriels – comme Aximum (du groupe Colas), Fayat ou encore Morpho (du groupe Safran), les trois fabricants actuels de radars feux rouges – s'activent en coulisses pour répondre à cette demande gouvernementale et aux futurs appels d'offres. Sûr d'ailleurs que si Manuel Valls et Bernard Cazeneuve ont commencé à en parler, c'est parce que ces mêmes industriels ont déjà fait savoir que de telles évolutions étaient possibles, voire déjà en voie de développement dans leurs usines.
Des radars multifonctions encore à l'étude
Reste à respecter les textes réglementaires. Or, en l'occurrence, la réglementation qui encadre la fabrication et la mise en service des cinémomètres (le nom savant des radars de vitesse) n'est pas la même que celle qui s'applique pour ce qu'on appelle – abusivement d'ailleurs – les radars feux rouges. L'affaire se corse alors puisque « ce matériel d'un nouveau genre doit impérativement être homologué avant de pouvoir être utilisé pour verbaliser », précise Caroline Tichit. Et, pour la première fois, « il va donc falloir obtenir une double homologation », explique l'avocate.
Cette double homologation, et plus largement, cette double réglementation à respecter, est-ce que cela complique l'émergence de ces nouveaux types de « radars multifonctions » que le gouvernement souhaite voire se propager sur nos routes ? « Disons que cela ne devrait guère faciliter leur déploiement », juge Me Tichit, « ni sans doute les rendre plus économiques, à l'achat comme à l'utilisation », puisqu'il y aura double frais de maintenance, avec « la nécessité de leur faire subir une double vérification périodique ».
L'expérimentation en cours, en Gironde et dans l'Essonne, ne pourrait durer pourtant que « trois mois », selon les déclarations officielles. Autrement dit, on pourrait en déduire que ces nouveaux types de radars pourraient être au point pour la fin janvier et donc dès le début de l'année 2016, Un délai qui peut paraître relativement court... Cependant, il n'est absolument pas assuré qu'au terme de cette expérimentation, le matériel testé puisse être homologué !
Selon des témoins interrogés par Caradisiac, ça paraît même plutôt compromis. Car, ces deux radars feux rouges équipés depuis l'origine d'un module permettant de mesurer la vitesse quand le feu est au vert - et laissé inactif jusqu'ici - ne permettraient pas d'obtenir des résultats aussi satisfaisants qu'escomptés pour repérer les excès de vitesse. De fait, il y aurait « pas mal de déchets », avec des véhicules réussissant à passer entre les mailles du filet. Le matériel aurait ainsi bien du mal à obtenir cette double homologation convoitée...
Des dispositifs anciens de nouveau testés...
Pour l'heure, il s'agit tout bonnement de tester à nouveau des modèles de radars feux rouges déjà en service, capables depuis le début de leur déploiement en 2009 de mesurer la vitesse quand le feu est au vert. C'est le cas du modèle Fareco GTC GS11, installé à Brunoy (dans le 91), comme du Captor de chez Aximum de Bouscat (dans le 33). Pour l'un comme pour l'autre, la mesure de vitesse se fait via les boucles inductives magnétiques positionnées dans la chaussée. Le hic : c'est qu'il est nécessaire pour que cela fonctionne correctement que la masse magnétique du véhicule soit suffisamment importante... Or, le système ne réussirait pas à détecter certains véhicules, comme les deux-roues, d'où pas mal d'échecs à déplorer.
Selon les informations de Caradisiac, il ne serait ainsi pas très étonnant que les industriels soient contraints de mettre au point un tout nouveau modèle qui ne s'appuierait pas sur ces boucles inductives placées dans la chaussée, mais sur une technologie plus traditionnelle – laser ou Doppler – pour mesurer la vitesse.
Des radars pas forcément signalés
pour une éventuelle double sanction ?
Et en pratique, à quoi faut-il s'attendre ? Les radars feux rouges ne sont par exemple pas annoncés par des panneaux avertisseurs, alors que les radars de vitesse fixes le sont. Qu'en sera-t-il de ces nouveaux radars multifonctions ? « Rien n'est encore décidé à ce sujet », nous a répondu la Sécurité routière. Autrement dit, ils pourraient bien rester non signalés...
Et ces nouveaux engins seront-ils capables de flasher les excès de vitesse aussi bien au vert qu'au rouge ? Sera-t-il ainsi possible d'être verbalisé non seulement pour un feu rouge mais aussi pour un dépassement de vitesse ? Les modèles testés aujourd'hui ne peuvent contrôler le respect des limitations de vitesse « qu'au vert », reconnaît le ministère de l'Intérieur. Sauf que techniquement, rien n'est pour l'heure vraiment calé. On peut donc facilement imaginer que cela pourrait vite changer.
S'il paraît peu vraisemblable qu'une solution puisse être trouvée pour le début de l'année prochaine, il faut toutefois s'attendre à ce que ces nouveaux types de radars apparaissent, sous la pression politique comme industrielle, relativement rapidement. Misons que l'on pourrait les voir fleurir avant la fin de cette même année 2016...
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