A trop manger du McDo, on en oublie parfois le goût d’un bon jambon-beurre-saucisson. A trop rouler avec de grosses supersportives modernes, il arrive qu’on oublie ce qu’est un châssis communicatif. Ou pire, si on ne daigne pas aller voir ce qui se fait ailleurs que chez le clown Ronald, il se peut qu'on ne sache jamais. La grande caractéristique d’un châssis avec lequel on cause, c’est qu’à un moment, il vous permet de ne plus penser. Tous vos gestes deviennent alors instinctifs, chacune de vos actions se traduit précisément et de la même façon à chaque tour. Les pneus, les freins, l’amortissement sont des paramètres assimilables que l'on ne subit plus et comme rien ne s’évanouit sous l'effort, vous pouvez aligner les tours et entrer dans un état de concentration rare. Dès lors, toute votre attention se porte sur le tracé, vos trajectoires, la voiture devant vous. C’est par exemple un état difficile à atteindre en Caterham tant son côté rustique (position de conduite, étroitesse, commandes …) vous est hostile.


« la boîte de l’Evora, c’est comme le petit bout de salade entre les dents de la fille que vous convoitez, ça gâche un vrai bon moment »

Une Lotus Evora vous fait connaître l'osmose. Pour moi qui découvrais l’auto et la marque, c’est une révélation. Heureusement pour « ma » suite, ma partenaire du jour n’est pas tout à fait parfaite. C'est tant mieux, il eut été dommage de toucher le Graal là maintenant et d’être frustré pour le restant de mes jours. En effet, la boîte de l’Evora et plus particulièrement le passage de 2 en 3, c’est un peu le marteau-piqueur de 15h qui vous sort de votre sieste, voire le petit bout de salade entre les dents de la fille que vous convoitez, ça gâche un bon moment. Le guidage du levier n’est pas un premier de classe car il vous force à décomposer le mouvement, ce qui a pour conséquence de vous sortir de cet état second dans lequel vous avez été préalablement transporté par un châssis et un habitacle qui sont vos amis. C’est énervant mais ça n’est pas pour ça que vous allez tout plaquer, je vous rassure (quoique pour les « jeunes » élevés aux palettes derrière le volant, la question se pose).


Les Virées Caradisiac : essai Lotus Evora, la révélation

Le V6 qui a un timbre de voix chaleureux flatte l’oreille mais ne file pas de frisson. Il fait le boulot sans en rajouter et ses 280 ch transitent au bitume sans perdre une unité en cours de route, la motricité frisant le parfait, tout du moins sur le sec. Il est possible de faire translater une Evora, le mode d’emploi est là aussi très facile, il suffit de la déséquilibrer au volant et d’utiliser le couple de 350 Nm pour maintenir la dérive. Mais ici, pour une première, on évite les positions trop scabreuses, restons concentré sur notre mission(naire). Avec un train avant qui vous pousse à tendre toujours plus vos trajectoires, une auto qui réagit fidèlement sans jamais se désunir, vous poussez un peu plus à chaque tour et vous vous mettez à rattraper des autos qui vous avaient pourtant paru beaucoup mieux pourvue un peu plus tôt dans les stands.  


« toute ressemblance avec du haut de gamme d’autos allemandes existantes ou ayant existé ne saurait être que fortuite »

Une Evora, c’est un moteur juste suffisant pour ne pas avoir à doser de trop les remises de gaz, un châssis Lotus (maintenant que je sais ce que c’est, je peux le baptiser ainsi) superbement équilibré, une suspension qui a la bonté de ne pas vous faire ressentir dans le dos le poids de vos ans, une silhouette réellement séduisante au naturel tandis qu’on pestera (parce qu’il le faut bien) contre cette boîte à la troisième rebelle et des sièges cuir au maintien perfectible compte tenu du potentiel de l’auto. Ah oui, si l’habitacle très accueillant se veut haut de gamme, il convient de préciser que c’est du haut de gamme Lotus et que toute ressemblance avec du haut de gamme d’autos allemandes existantes ou ayant existé ne saurait être que fortuite.


Pour un propriétaire d’Elise ou d’Exige, une Evora est un summum du confort, un étalage de richesse limite écœurant, arrogant. Outre le cuir qui reste fragile comme il se doit dans une Lotus, on découvre avec stupeur que l’Evora possède la climatisation ainsi qu’un écran multifonction sur le tableau de bord qui, lorsque vous engagez la marche arrière, affiche les images de la caméra de recul fichée dans ce beau postérieur. Un sacrilège pour les purs, un vrai élément de confort pour tous les autres. Même le régulateur de vitesse est présent, c’est dire. Reste que la conception du Grand Tourisme par Lotus n’est pas critiquable puisque cette Evora conserve tout ce qui fait d’une Lotus une auto qu’on fantasme et dont on envie les propriétaires qui auront eu les moyens, le courage et probablement l’accès de folie leur permettant de passer à l’acte. Un acte qui à bien plus de 62.000 euros (prix de base) est probablement le troisième défaut de cette auto qui n’a aucune rivale, pas même un Porsche Cayman qui joue de toute manière dans une catégorie un cran au dessus. Non, le plus gros avantage de l’Evora, c’est qu’elle est la première Lotus depuis très longtemps avec laquelle il est possible d’envisager sereinement le voyage en couple avec bagages (c’est mieux sans enfants) et la grosse arsouille sur circuit. Sans transpirer, ni se sentir trop à l’étroit dans les 2 cas.

Les Virées Caradisiac : essai Lotus Evora, la révélation

En passant une journée avec Evora, j’ai eu une révélation. Les premières fois sont parfois douloureuses, oubliables, ce ne fut pas le cas ici bien au contraire. L'auto m'a fait découvrir des plaisirs qui m'étaient inconnus dans un cadre juste parfait. Du circuit de Magny-Cours émane une ambiance à l'ancienne qui se marie à un zeste de brillance apporté par les émanations encore présentes de la F1 dont on se dit en découvrant le tracé combien ces gens ne sont pas fait du même bois que nous (c'est super étroit Magny-Cours !). Après cette illumination quasi divine, il me faut nourrir ma nouvelle addiction.  Allez patron, remettez une virée, s’il vous plait … en Evora S, ce coup-ci.