Un GP d'Allemagne de légende
"Chez Maserati, il n'y a beaucoup d'argent, mais on s'y sent bien, un peu comme dans une famille. En plus, la 250 F est une voiture disposant d'un rapport poids/puissance très favorable qui convient bien à mon pilotage". A la vue des résultats, tout le monde prend conscience qu'un tandem magique vient de se reformer. De janvier à juillet, Fangio et sa Maserati sont invincibles (7 victoires sur 7 courses !) en dépit de l'opposition des Ferrari et de la tenacité de Moss avec sa Vanwall. Après deux abandons en France et en Angleterre, son avance au championnat a fondu et les ferrari se montrent de plus en plus menaçantes.
Au Nürburgring, sur un circuit qu'il affectionne, sa détermination n'a jamais été aussi forte : cette victoire lui suffit pour enlever son 5e titre mondial. Dès les essais, il affiche ses ambitions. En améliorant de plus de 25 secondes son temps de 1956, il décroche une pole position magique. Choisissant de partir avec un demi plien de carburant, il contrôle aisément la première partie de la course avec sa Maserati plus légère et assurer d'une avance suffisante, il se décide alors de ravitailler. Sous le coup d'une émotion toute latine, les mécaniciens cafouillent, se bousculent et la belle avance fond comme neige au soleil. Quand enfin, il repart, les Ferrari de Hawthorn et de Collins sont déjà passées depuis 48 secondes ! Il ne reste que dix tours à parcourir et Fangio va battre à dix reprises le record du tour, pulvérisant même son temps des essais de plus de 8 secondes ! A l'amorce du dernier tour, il est revenu dans le sillage des Ferrari, parvient à les déborder et remporte sans doute la plus belle, la plus forte victoire de sa carrière. "Je pense que j'étais possèdé ce jour là. Jamais je n'avais conduit comme ça auparavant et jamais je n'ai reconduit de cette façon. Partout, j'étais à la limite, ma voiture était à la limite et sans doute même au delà. Pour la première fois de ma vie, j'ai pris des risques et pendant plusieurs nuits, j'ai eu du mal à trouver le sommeil".
Cinquième titre mondial en poche, Fangio, à 46 ans, songe alors sérieusement à se retirer, mais Maserati en proie à de graves difficultés financières le supplie de continuer. Sa seule notoriété représente en effet le meilleur des gages pour un éventuel repreneur. L'Argentin ne signe aucun contrat pour 1958 mais donne son accord pour quatre ou cinq courses et décide de participer au développement de l'ultime évolution de la 250 F.
En Argentine, il fait encore illusion en signant la pole et le record du tour mais en course, il ne peut rien faire contre la petite Cooper à moteur arrière de Stirling Moss. Une page est en train de se tourner et Fangio, lucide, prend conscience que sa place n'est plus un circuit. Des essais décevants à Indianapolis, suivis d'une course de formule Indy à Monza où il se fait la peur de sa vie en cassant sa direction à plus de 260 km/h, tout semble s'afficher comme un signal "stop". C'est à Reims, où il avait débuté en 1948, qu'il va tirer sa révérence. La Maserati, mal préparée, casse son embrayage et Fangio navigue anonyme à une modeste quatrième place. Hawthorn, en tête de la course, voit grossir la Maserati devant le capot de sa Ferrari. Le britannique assuré de la victoire retient ses chevaux et reste dans son sillage. Après l'arrivée, il aura ce mot admirable : "on ne prend pas un tour à Fangio". Tout était dit! Rongé par l'idée qu'il ne peut davantage décevoir le public venu voir un quintuple champion du monde piloter comme un débutant, Fangio descend de sa voiture et lache sobrement à son mécanicien : "c'est fini..."
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