« Un conducteur pourra bientôt obtenir, sur sa demande, communication par voie électronique d'un retrait de points dont il a fait l’objet », dixit le ministère de l'Intérieur début octobre. Vrai ? Peut-on parler d'une véritable avancée ?

 

La réponse de Caradisiac en bref

Exact en effet, si ce n'est que ce n'est apparemment pas pour tout de suite. Et en attendant, la situation ne cesse de se dégrader pour les conducteurs qui veulent obtenir des informations sur leur permis de conduire ! Or, ce n'est pas en envoyant les courriers concernant les retraits de points via Internet que cela va améliorer cette dernière problématique dans les préfectures...

Les conducteurs concernés peuvent certes toujours consulter le service en ligne Télépoints, sur lequel ils peuvent retrouver leur solde brut de points, soit uniquement le nombre de points affecté à leur permis au moment même où ils cliquent sur ce site dédié. Mais s'ils ont besoin de savoir précisément où ils en sont, quelle infraction a bien été comptabilisée ou pas, de sorte qu'ils peuvent bien se rendre compte de leur situation, avec les pertes et/ou les restitutions de point(s) déjà effectuées ou à venir, la seule option pour eux, c'est d'obtenir ce que l'on appelle « un relevé intégral d'information de leur permis de conduire ». Un document qui théoriquement peut être obtenu à tout moment au guichet de leur préfecture. « Sauf que ce n'est plus du tout évident, et certaines préfectures n'acceptent plus les demandes spontanées, en imposant de les faire par courrier », prévient Me Tichit. Bien entendu, en procédant ainsi, ça peut prendre beaucoup plus de temps, ce qui peut être très préjudiciable pour les usagers.

 

Si vous souhaitez approfondir le sujet...

La problématique

Aujourd'hui, quand un conducteur commet une infraction qui donne lieu à un retrait de point(s), normalement, il reçoit un courrier simple de l'administration qui l'informe de ce retrait quand celui-ci est devenu effectif (soit après l'encaissement de l'amende correspondante, entre autres...). Sur ces lettres, sont indiqués les renseignements suivants : la date et le lieu de l’infraction concernée, la date à laquelle la réalité de cette infraction a été établie, le nombre de points en jeu, le solde de points en résultant, autant d'éléments « devant amener le conducteur à prendre les bonnes décisions pour maintenir la validité de son permis de conduire (conditions de la reconstitution des points, impossibilité d’en bénéficier si le solde tombe à zéro, opportunité éventuelle d’un stage de sensibilisation à la sécurité routière) », nous explique le ministère de l'Intérieur.

Et le même genre de courriers est également envoyé aux conducteurs quand il s'agit non plus d'une perte mais d'une restitution de point(s). Chaque année, ce sont ainsi 15,3 millions de lettres (7,8 millions de lettres de retrait de points et 7,5 millions de lettres de restitution de points) qui sont envoyées, selon les données officielles.

La nouveauté, c'est que ces lettres devraient pouvoir être adressées de manière dématérialisée, entendez par Internet, prochainement. C'est la loi du 16 février 2015 relative à la modernisation et à la simplification du droit et des procédures dans les domaines de la justice et des affaires intérieures qui a modifié en ce sens le code de la route. Ladite loi a en effet autorisé le gouvernement à « prendre par voie d’ordonnance les mesures relevant du domaine de la loi pour modifier (…) le code de la route afin de permettre au conducteur d’obtenir sur sa demande, communication par voie électronique de son solde de points ou du retrait de points dont il a fait l’objet ». Et l'ordonnance, dixit toujours ladite loi, devait intervenir dans un délai de « huit mois », ce qui est chose faite puisque le texte en question date du 7 octobre...

Ah mais cela ne suffit pas pour autant ! Et il va falloir encore patienter avant que ce service ne puisse se mettre en place. Reste en effet à prendre un décret d'application, précise l'article L223-3 du code de la route. Renseignement pris auprès du ministère de l'Intérieur, « l'obtention de la communication dématérialisée des retraits et reconstitutions de points (…) interviendra normalement au plus tard le 31 octobre 2016, pour les conducteurs qui en feront la demande ». Soit « normalement » d'ici plus d'un an... Ce n'est donc pas vraiment pour tout de suite.

Officiellement, cette réforme traduit « la volonté du gouvernement de simplifier la relation entre l’usager et l’administration ». Mais cette réforme a aussi pour objectif de faire des économies. Dans le projet de loi de Finances 2016, en ce moment en discussions au Parlement, « le montant des dépenses destinées à l’éditique et l’affranchissement des lettres de retrait et de restitution de points » est quand même évalué à « 13,09 millions d'euros pour 2016 ». Une histoire de sous qui pénalise grandement les usagers en ce moment. Ces derniers ont également de plus en plus de mal à obtenir des informations sur leur permis de conduire dans les préfectures.

Celles-ci sont en effet de plus en plus nombreuses à ne plus assurer les demandes spontanées de relevé intégral du permis de conduire faites à leurs guichets. Seule option : procéder par courrier, ce qui allonge bien entendu les délais et ce qui peut se révéler très dommageable pour les usagers.

 

 

Pour connaître son solde de points de manière exhaustive, seule option :

réclamer son relevé intégral de permis de conduire

 

Pour connaître avec précision le nombre de points affecté à son permis de conduire, la seule solution, c'est de demander son relevé intégral d'information de permis de conduire. Ce document, comme l'explique le ministère de l'Intérieur, peut être obtenu soit gratuitement au guichet de la préfecture de son domicile, soit par courrier auprès de cette même préfecture. Sauf qu'il arrive donc de plus en plus souvent que les préfectures, comme par exemple celle des Yvelines, ne rendent plus ce service au guichet et n'acceptent plus les demandes spontanées.

« Cela pose bien entendu des soucis de délais, quand cette information est primordiale pour certains conducteurs qui risquent, faute d'obtention de cette information dans un délai très court, de perdre tout simplement leur permis », déplore l'avocate, Caroline Tichit. Quels sont alors les recours en pareils cas ? A part tenter de mettre la pression en saisissant le Défenseur des droits, les recours paraissent malheureusement assez limités.

A compter de ce 7 novembre, il devrait même être possible de faire également cette demande par mail, mais il n'est pas dit que les délais s'en trouveront raccourcis. Et en attendant, il est donc de plus en plus courant d'être contraint de procéder par courrier.

 

Accéder à son solde de points via Télépoints le plus souvent insuffisant

Pour les titulaires de permis d'avant novembre 2013, la première chose à faire quand on veut se connecter au site Télépoints, c'est de toute façon de demander un relevé intégral d'information de son permis de conduire, car les code d'accès qui permettent de s'y connecter sont inscrits dessus. Depuis novembre 2013, ces codes d'accès sont également envoyés en même temps que le permis.

Dans un cas comme dans l'autre, l'information accessible sur Télépoints n'est peut-être pas inutile, mais elle n'en reste pas moins limitée. En effet, seul le nombre de points affecté à son permis au moment où on est connecté au service est indiqué. On a donc juste accès à un chiffre (ou nombre) sans autre précision. Impossible donc de savoir si l'infraction pour laquelle on attend un retrait de point(s) a bien été déjà ou non enregistrée, à moins de connaître continuellement avec précision son solde de points...

 

Et la future communication dématérialisée des retraits de points ?

Par rapport à Télépoints, les courriers envoyés aujourd'hui de manière simple – donc qui potentiellement n'arrivent jamais –, à la suite d'une infraction, pour informer le contrevenant du retrait effectif de ses points sur son permis permettent d'avoir davantage de précisions : date de l'infraction, date à laquelle elle est devenue définitive, nombre de points retirés, solde de points restants... Cela permet de rendre la décision administrative (celle du retrait de points) opposable à l'usager, et de le mettre ainsi en situation de pouvoir introduire un recours.

« Le fait de lui proposer de ne recevoir ces courriers que par mails, à partir du moment où il est organisé pour les enregistrer et/ou les imprimer, ça ne peut être que positif... C'est toujours une voie de plus offerte à l'usager », admet Caroline Tichit. En tout état de cause, la communication dématérialisée des retraits de points ne s'appliquera en effet qu'aux usagers qui en auront expressément fait la demande. Et il ne s'agit que des seules décisions de retraits de points actuellement envoyées par courrier simple, les retraits de points assortis d'une injonction de suivre un stage de sensibilisation à la sécurité routière, ou provoquant une invalidation du permis de conduire pour solde de points nul continuant pour leur part à être envoyés exclusivement par courrier en recommandé avec accusé de réception.

Maintenant, ces courriers dématérialisés n'ont pas vocation à remplacer le relevé intégral d'information du permis de conduire. « Il ne s'agit pas de permettre au conducteur d'accéder à son dossier informatique, mais de déposer, s'il en fait la demande, des courriers dématérialisés de retrait ou de reconstitution de points dans sa boîte aux lettres virtuelle, où ils resteront disponibles pendant un délai raisonnable, qui reste à définir par arrêté, et qui dépendra notamment des capacités techniques de stockage », nous précise le ministère de l'Intérieur.

« Passé un délai de 15 jours à compter de la réception du message électronique d’alerte, la lettre sera réputée avoir été portée à sa connaissance », prévient par ailleurs Beauvau. Cette information dématérialisée pourra donc se révéler encore plus utile que Télépoints, mais encore faudra-t-il ne pas rater le coche et respecter les délais ! Et, dans tous les cas, cela ne réglera pas la problématique relative à la communication du relevé intégral du permis de conduire qui demeurera nécessaire dans ce contexte ! Le Défenseur des droits s'emparera-t-il de ce dossier ? On peut toujours l'espérer...